𝑪𝒉𝒂𝒑𝒊𝒕𝒓𝒆 𝟔 : 𝑻𝒓𝒐𝒊𝒔 𝒆𝒏 𝒖𝒏

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« Il n'y a pas de coïncidences, l'usage de ce mot est l'apanage des ignorants »

— Paul Auster

Romy

Quartier Chapline, Appartement de Romy
2 juin, 16h12

Ça fait trois jours que le souper chez ma mère a eu lieu. Et ça fait trois jours que je n'ai pas eu de nouvelles de Jules.

Je m'inquiète pour lui. Je ne devrais sans doute pas. Il m'a traité comme de la merde. Seulement, je n'arrive pas à lui en vouloir plus que quelques heures. Parce qu'ensuite, il me sort les mots doux et les petites attentions qui font chavirer mon cœur. Il sait exactement quoi dire et quoi faire pour me faire céder. Cependant, j'ignore si j'aime ou si je déteste ça...

Une chose demeure sûre néanmoins, c'est que je n'ai cessé de ruminer cette réunion de famille des plus honteuses et catastrophiques. Leurs paroles tournent en boucle dans ma tête sans que je ne puisse y mettre un frein et ça m'énerve. Elles me donnent envie de fondre en larmes et de m'apitoyer sur mon sort.

C'est d'ailleurs probablement ce que je ferais si je n'avais pas Pandora à mes côtés. Nos promenades quotidiennes me permettent de me changer momentanément les idées quand je ne dors pas, ne suis pas en train de travailler sur mes chansons ou même au boulot. Sinon, je tente d'étouffer mes émotions en mangeant de la crème glacée devant ma série réconfort favorite : Modern Family.

Malgré tout, à chaque fois que je vois Cameron, l'un des personnages, je repense au type du même nom que j'ai rencontré au Phénix et qui ne cessait de m'appeler beauté. Je me demande s'il appelle ainsi chaque femme qu'il croise... Je n'en serais pas surprise. Est-ce que sa petite amie est au courant ? Aucune idée. Je risque de ne jamais le découvrir.

Je quitte ma cuisine, bol de crème glacée à la main, et vais me vautrer sur le canapé pour me détendre avec quelques épisodes après mes heures de travail au gym. Ensuite, j'irais faire l'épicerie. Je viens d'épuiser tous mes stocks de glace. Et cette fois-ci, je crois que je vais prendre à saveur de fraise. Ou peut-être bien menthe-chocolat ? À moins qu'il n'y ait miraculeusement ma préférée ? Peu importe, je verrai bien une fois sur place.

J'appuie sur play, alors que Pandora vient se blottir contre moi, son geste me faisant sourire. De toute évidence, j'ai manqué à mon petit amour aujourd'hui. Bien qu'elle fût habituée à mon absence à cause de mes cours à l'université, ça fait déjà un bon mois et demi que je suis de retour à la maison. J'avais demandé congé les premiers jours afin de pouvoir me remettre de tous les examens que j'ai dû passer et qui ont martyrisés mon cerveau.

Cependant, mes factures n'allaient pas se payer toute seule et j'ai dû retourner au boulot. Et à chaque fois que j'ai le malheur de partir un peu trop longtemps à son goût, elle s'ennuie. Donc, je fais comme je peux et tente de combler le manque à mon retour en la surchargeant d'affection et de papouilles.

L'agitation qui se déroule sur ma télévision reconcentre mon attention sur elle, le chaos s'y déroulant étirant mes lèvres. Je me souviens de cet épisode. Claire paniquait car elle n'avait pas de nouvelles de sa fille, Haley, et harcelait tout le monde pour savoir où elle était.

Ils ont fini par croire qu'elle était enceinte et partie se marier en cachette avec Andy, l'homme nounou qui s'occupe du nouveau bébé de son père, alors que pendant tout ce temps, elle dormait dans sa chambre au sous-sol.

Et même si le dénouement était prévisible, j'avais bien rigolé à cet épisode. Comme à chacun d'eux. Parce que pendant un court instant, je me permets d'oublier mes tracas et de retrouver mon cœur d'enfant que je n'ai jamais vraiment pu avoir.

𝑩𝒓𝒊𝒔𝒆́𝒔Où les histoires vivent. Découvrez maintenant