𝑪𝒉𝒂𝒑𝒊𝒕𝒓𝒆 𝟏𝟗 : 𝑹𝒆𝒕𝒐𝒖𝒓 𝒆𝒏 𝒗𝒊𝒍𝒍𝒆

45 2 0
                                    

« L'ignorance préserve de la peur »

— Jean-Yves Soucy

Romy

Woodland River, Le traversier
14 juin, 10h04

Mon corps convulse sous la force de mes haut-le-cœur, alors qu'un goût acide emplit ma bouche. Je sens vaguement quelqu'un remonter mes cheveux pour ne pas que je les salisse, mais c'est à peine si j'y prête attention. Car du coin de l'œil, je vois encore le cadavre. Et cette simple vision me fait vomir deux fois plus.

Une masse imposante se place soudainement devant le corps ensanglanté de l'homme étendu par terre et je reconnais aussitôt la silhouette de Cole. Je lève les yeux vers lui à son geste et mon regard croise le sien. Je me repenche rapidement en sentant la bile remonter dans ma gorge, mais, juste avant, je le remercie silencieusement.

Parce qu'il a compris que je ne pouvais m'empêcher de continuer à loucher sur le cadavre malgré le dégoût que cela me provoque. Et cette simple attention de sa part suffit à réchauffer mon petit cœur meurtri.

Une paume appuyée contre le mur, je continue à vomir de longues minutes avant de finalement n'avoir plus rien à régurgiter du tout. Je me redresse lentement et ce n'est qu'à ce moment qu'il relâche mes cheveux pendant que je m'essuie la bouche du revers de la main en grimaçant.

Maintenant qu'elle a fini de salir mon plancher, tu m'expliques pourquoi tu l'as ramené ici ? demande d'un ton agacé ledit ami de mon kidnappeur.

Mon attention se reconcentre immédiatement sur lui lorsqu'il reprend la parole, sauf que caché derrière le corps massif du motard, je ne parviens qu'à l'entrevoir.

La main de Cole s'empare alors soudainement de la mienne et je sursaute devant ce contact inattendu. Il adoucit son emprise à ma réaction et je plonge mes iris hagards dans les siens.

Ferme les yeux, murmure-t-il.

Je le fixe en silence, encore à moitié terrorisée, et le dévisage sans rien dire.

Ferme les yeux et suis moi, little star, répète-t-il sur le même ton.

Je l'étudie quelques secondes supplémentaires, hésitante. Car si une partie de moi me hurle de ne pas lui obéir et de prendre mes jambes à mon cou pour fuir cet endroit au plus vite... l'autre me chuchote de lui faire confiance. Et pour une raison que j'ignore, j'ai envie de l'écouter, ce petit chuchotement. J'ai envie de pouvoir lui faire confiance.

Alors, je finis par fermer les yeux et raffermis l'emprise de mes doigts autour des siens. Il me tire doucement vers lui et je le laisse me guider dans le sous-sol de ce bâtiment abandonné.

Seulement, il ne me faut que deux enjambées pour marcher dans une flaque d'un liquide non identifié. La tentation de regarder manque de me faire céder, mais la main de Cole qui me tire une nouvelle fois par en avant me fait me raviser.

Je me contente donc de le suivre, les paupières closent, jusqu'à ce qu'il m'arrête quelques dizaines de mètres plus loin. J'entends une porte se fermer derrière nous et des pas qui résonnent dans mon dos.

Mon corps se crispe à la présence non-identifié et je rouvre brusquement les yeux en faisant volte-face. Je tombe aussitôt nez à nez avec l'ami de Cole et rencontre son regard d'acier.

Mes yeux balaient minutieusement son imposante silhouette, en passant de son crâne rasé jusqu'à ses vêtements couverts de sang. Je grimace légèrement en voyant toute cette hémoglobine avant que mes iris ne s'arrêtent abruptement sur le collier qu'il porte autour du cou.

𝑩𝒓𝒊𝒔𝒆́𝒔Où les histoires vivent. Découvrez maintenant