𝑪𝒉𝒂𝒑𝒊𝒕𝒓𝒆 𝟏 : 𝑩𝒂𝒍𝒂𝒅𝒆 𝒏𝒐𝒄𝒕𝒖𝒓𝒏𝒆

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« Sous chaque femme courageuse se trouve une petite fille brisée »

— Sandrine Fillassier

Romy

Canada, Woodland River
28 mai, 20h54

J'aime la pluie, sentir l'eau ruisseler le long de mon visage, le sentiment de liberté qu'elle me procure. Parce que je n'ai que si peu souvent la chance de l'éprouver.

J'ai toujours dû taire ma peine, faire comme s'il n'y avait pas une douleur constante qui se chargeait de me ronger de l'intérieur. Je ne devais pas montrer que j'étais triste ou blessée, encore moins me mettre à pleurer. Les conséquences étaient terribles.

Ça m'a forcé à trouver un moyen d'extérioriser ce que j'avais sur le cœur. Et l'un d'entre eux consistait à être sous la pluie. Il n'y avait qu'à ce moment-là que je pouvais me permettre d'évacuer librement mes larmes. Parce que personne ne savait vraiment si je pleurais ou si l'eau qui maculait mes traits était dû au mauvais temps.

Et au fil des années, c'est resté. Les averses étaient et sont encore aujourd'hui mes moments de répit, les seuls instants où j'ai l'impression que la vie devient un peu plus facile, un peu moins cruelle.

Je secoue la tête, mes cheveux mouillés s'agitant dans mon dos et certains allant se loger contre mon cou. Je les dégage d'un geste de la main et regarde avec satisfaction la rue déserte qui se profile devant moi.

J'aime être seule. Et lorsque la nature se met à pleurer, il n'y a plus un chat dehors. Tout le monde rentre chez soi, souhaitant se mettre à l'abris de sa peine. Mais pas moi.

Je préfère sortir et profiter de cette tranquillité que lui tourner le dos au profit de mon quotidien si monotone et ennuyeux. Comme en ce moment. Elle m'accompagne dans mon malheur et moi dans le sien.

Je marche sous le mauvais temps en compagnie de Pandora, ma chienne adorée, le bruit des clapotis de la pluie accompagnant chacun de nos pas. Il s'agit du seul son que j'entends, et c'est tellement... relaxant.

On aurait l'impression d'être enfermée dans une bulle où il n'y a personne d'autre. Seulement nous et cette mélodie envoûtante.

Le bitume érode mes Converses déjà dans un sale état, mes pieds me guidant mécaniquement vers la destination convoitée. Je quitte l'asphalte de la route et emprunte un petit sentir de terre maintenant boueux, la gadoue salissant encore davantage mes chaussures. J'enjambe les ronces, évite les flaques et saute par-dessus les trous, remontant la route pour la millionième fois.

Pandora trottine à mes côtés, la langue pendante et le museau joyeusement levé dans les airs. Je souris en la regardant, traçant mon chemin dans la semi-obscurité grâce à la seule aide de ma mémoire musculaire.

Je connais le chemin et ses imperfections par cœur, aucun d'eux n'ayant plus de secrets pour moi. Plus personne n'emprunte ce sentier, et pour cause, l'accès y est devenu dangereux.

Ceux qui ne savent pas où mettre les pieds pourraient se tordre une cheville ou même se casser une jambe, dans le pire des cas. L'allée est abandonnée depuis maintenant si longtemps qu'il m'est difficile de l'imaginer autrement que détruite. Je ne l'ai jamais connue différemment.

𝑩𝒓𝒊𝒔𝒆́𝒔Où les histoires vivent. Découvrez maintenant