𝑪𝒉𝒂𝒑𝒊𝒕𝒓𝒆 𝟑𝟖 : 𝑫𝒂𝒊𝒒𝒖𝒊𝒓𝒊𝒔 𝒆𝒕 𝒍𝒂𝒓𝒎𝒆𝒔

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« On devrait interdire l'alcool aux angoissés, ce sont des proies faciles : ils ont la faiblesse de croire, l'espace d'un soir, qu'ils ont droit à leur part de bonheur »

— Tonino Benacquista

Romy

Woodland River, Maison de Cole
8 août, 17h37

Emmitouflée dans l'un des cotons ouatés de Cole, la capuche rabattue sur ma tête et les écouteurs enfoncés dans mes oreilles, je tape frénétiquement de mon téléphone.

« Cœur brisé, larmes sur mes joues, voilà le cadeau que tu m'as laissé,
Tu es fier de toi ?
J'ai essayé de croire en nous, mais comment cela peut-il fonctionner si je suis toute seule ?
Ouais, j'ai essayé, crois-moi, j'ai essayé,

Tu aurais dû me dire que je faisais tout ça pour rien,
Si j'avais su, je »

Mes doigts se stoppent sur l'écran de mon portable lorsque Cole pose une main sur ma jambe repliée sur les coussins pour attirer mon attention. Je baisse les yeux vers lui, accroupit en face de moi, et plante mes prunelles dans les siennes. Délicatement, il retire l'un de mes écouteurs. Il fait un petit geste du menton en direction de la poutine qu'il m'a apporté il y a de ça au moins une bonne heure et que je n'ai toujours pas touché en disant :

Tu devrais manger un peu.

J'hausse des épaules en redirigeant mon attention sur mon cellulaire.

J'ai pas faim.

Romy...

Il soupire en saisissant le plat et vient le mettre sous mon nez.

Au moins quelques bouchées.

Je jette un bref coup d'œil à la poutine, mais la simple odeur suffit à me donner la nausée et je retrousse le nez en la repoussant mollement.

J'ai pas envie. Ça me donne mal au cœur...

Peut-être, mais ton corps, lui, a besoin de manger.

Je ne dis rien.

Je sais qu'il a raison, j'ai fait des études dans le domaine, sauf que je n'y peux rien. Je n'ai pas faim.

Juste une bouchée, insiste-t-il.

Je baisse les yeux vers lui en laissant retomber mes épaules de lassitude.

Et après tu me fiches la paix ?

Promesse du petit doigt.

Je soupire en croisant mon auriculaire au sien et saisis la fourchette qu'il me tend. Je viens la planter dans le contenant en aluminium et la fourre dans ma bouche en mastiquant sans grand enthousiasme. Je repousse ensuite le plat typiquement québécois et ramène mes bras autour de mes genoux.

Content ?

Très.

Il abandonne la poutine sur le sol et viens poser ses mains sur mes jambes. Ses yeux verts plantés dans les miens, il m'informe :

Maddox est censé venir faire un tour dans quelques minutes, ça te va ?

J'hausse des épaules en venant appuyer mon front sur mes bras.

J'imagine...

Tu peux me le dire si tu ne veux pas le voir. Je vais seule-

Cole, le coupais-je en fermant les paupières de lassitude. Tu n'as pas à me traiter comme une petite chose fragile. Déjà que tu as annulé plusieurs sorties pour rester ici avec moi, je ne vais pas t'empêcher de l'inviter ici.

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