𝑪𝒉𝒂𝒑𝒊𝒕𝒓𝒆 𝟕 : 𝑺𝒆𝒓𝒗𝒆𝒖𝒓 𝒑𝒓𝒐𝒃𝒍𝒆́𝒎𝒂𝒕𝒊𝒒𝒖𝒆

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« Ne laisse personne être une priorité dans ta vie quand tu n'es qu'une option dans la sienne »

— Mark Twain

Romy

Woodland River, Restaurant Le Royal
3 juin, 19h23

Au volant de ma voiture, je conduis anxieusement en direction du restaurant qu'Anya a choisi pour son anniversaire. J'ignore pourquoi j'ai accepté de venir. Je sais d'ores et déjà que je serai tenue à l'écart. Cependant, je suppose que c'est parce que je voulais leur prouver autant qu'à moi que j'ai toujours ma place parmi elles, que je suis à leur niveau sur tous les points. Sans ça, je n'ai plus personne. Aucune amie. Seulement un Jules qui ne me donne plus la moindre nouvelle malgré mes nombreux textos.

J'aimerais qu'elles arrêtent de se servir de moi et puissent me traiter comme leur égale. Et ce, pas uniquement quand elles en ont envie. Ça me donne l'impression d'être facilement remplaçable. Facilement oubliable.

Est-ce que c'est ce que je suis ? Qu'un souvenir qu'on efface de sa mémoire en un claquement de doigt ?

Parfois, il nous arrive de partager des moments incroyables où nous possédons une complicité que je ne croyais pas même possible. Et à d'autres moments, je ne suis plus qu'un insecte sur leur parebrise. C'est dur ce constant changement d'humeur. Je ne sais jamais vraiment à quoi m'attendre.

Mais à la longue, j'ai appris à reconnaitre les signes annonciateurs. Ceux qui m'indiquent qu'elles sont sur le point de me faire un de leur sale coup ou qu'elles veuillent me gifler. Aujourd'hui, je parviens à anticiper leurs attaques comme j'ai appris à le faire avec ma mère, qui elle, ne se contentait pas de simples gifles...

Je me gare dans le stationnement du resto et éteint le moteur. Je fixe la devanture du commerce avec une boule d'appréhension dans l'estomac, celle-ci me donnant la nausée et coupant mon appétit. J'aperçois d'ici mes amies réunies autour d'une table en train de rigoler et les larmes me montent aux yeux, alors que j'observe leur complicité des plus flagrantes.

Elles paraissent si bien sans moi... Peut-être devrais-je rebrousser chemin et retourner me terrer dans mon appartement ? Prétexter un rhume et attendre que ce soit elles qui refassent le premier pas ?

Je n'ai pas envie de faire éclater leur bulle. Mais plus que tout encore, je n'ai pas envie de m'essuyer un millième rejet. Ce n'est pas quelque chose qu'elles font ouvertement, cela dit. Je suppose même qu'elles n'en ont pas conscience. C'est devenu une habitude pour elles...

...Et pour moi.

Seulement, je crois que c'est encore plus douloureux de cette façon. Car je ne peux pas leur en parler ou même les accuser de quoi que ce soit. Cela reviendrait à choisir de les perdre volontairement. Sauf que je n'ai pas envie de les voir déserter ma vie. Je tiens à elles.

Soudain, la réception d'un nouveau texto attire mon attention sur mon téléphone.

D'Anya à Romy :
« Est-ce que tu arrives bientôt ? »

Je ne peux empêcher l'esquisse d'un sourire de fendre mes lèvres, heureuse qu'elle se souci de mon absence.

À moins qu'elle ne pose la question uniquement dans le but de savoir combien de temps il lui reste seule avec les deux autres ?

Non. Je ne dois pas penser à cette possibilité. Il faut que je puisse sourire quand je les verrai, pas que j'aie la haine.

Je prends une profonde inspiration et m'extirpe enfin de mon véhicule en emportant avec moi son cadeau et mon sac à main dans lequel je range mon portable. Je sors du stationnement et monte sur le trottoir, mes Converses crissant contre les petites roches qui y jonchent mon chemin. Ma sacoche se balance à chacun de mes pas tandis que quelques mèches de ma chevelure viennent barrées mon visage avant que je ne les coince derrière mes oreilles. Je lisse ma tenue et redresse le menton, tentant d'arborer une allure confiante.

𝑩𝒓𝒊𝒔𝒆́𝒔Où les histoires vivent. Découvrez maintenant