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SAJIDPrenant un grand bol d'air frais, je marchai aux côtés de Said et de notre père qui se tenaient par le bras. C'était une promesse que j'avais faite à mon petit frère, alors je l'appliquais. Il ne m'en voulait pas trop de l'avoir privé de Said pendant si longtemps. Il était trop aveuglé par le bonheur de revoir son plus jeune fils qu'il en oubliait toute sa rancœur. Son psychiatre a dit qu'il ne s'était jamais aussi bien porté depuis que Said soit venu lui rendre visite. Ce tableau pouvait être encore plus joli si Samir était avec nous mais il faisait toujours silence radio depuis maintenant un mois.
Alors qu'on était rentrés chez nous un jour, moi du travail et Said de ses cours, les affaires de Samir étaient parties. Il ne restait que les meubles de sa chambre et quelques vêtements, signe qu'il avait vraiment déménagé.
J'arrivais pas à croire qu'il s'en allait comme ça sans nous décocher un mot, comme un voleur. J'essayais de le joindre par le biais de ma sœur mais toujours rien. Si il coupait les ponts je ne le lui pardonnerais pas. Tout cet argent lui était incontestablement monté à la tête, mais je sentis qu'il y'avait autre chose qu'il m'avait caché.
- Sajid !
Je me retournai vers mon cadet qui semblait m'appeler plusieurs fois.
- Euh ouais ?
- T'es dans la lune ou quoi ?
- Qu'est-ce tu veux putain ?
Mon père prit un air réprobateur avant de me sermonner.
- Sois gentil avec ton frère.
- Ouais bon, smeh.
- À quoi tu penses ?
- C'est Samir ce fou. Il s'est cassé de la maison et je sais pas où il est, ça m'énerve !
Ils me regardèrent tous deux, crispés, sans voix. On aurait dit deux frères tant ils se ressemblaient. Je venais de lâcher un froid dans tout ça et Baba passa une main sur sa nuque mal à l'aise.
- Ça fait longtemps qu'il n'est pas venu me voir, il est fâché sur moi peut-être...
- Quoi ? Non Baba jamais !
- Hmm, encore le travail...
- Oui mais là il a déménagé et il dit rien.
- Vous vous êtes disputés ?
J'expirai silencieusement, honteux. Je détestais rendre visite à mon père et lui annoncer de mauvaises nouvelles mais je n'osais pas non plus lui mentir.
- Oui on s'est pris la tête. Il a dit qu'il déménageait et j'ai pas voulu. Je l'ai insulté et là il fait le mort.
Mon père me lorgna tristement mais d'un air déçu à la fois.
- Pourquoi tu t'énerves sur lui comme ça ? Il a toujours été le plus gentil dans cette famille. Demande lui pardon Sajid.
Piqué au vif, je lui répondis assez méchamment.
- Oh c'est bon, garde tes conseils pour toi, je me suis occupé de lui quand t'étais pas là pour le faire ! Je me suis tué pour tes enfants alors que c'était ton rôle ! Donc je l'insulte si je veux.
Said haussa le ton après ma remarque.
- Sajid ! Non mais ça va pas ?
Je demeurai silencieux en sentant près de moi que mon père pleurait sans faire de bruit. Il n'avait même pas osé répondre et l'impression, qu'un poids énorme pesait sur mes épaules, s'accentua. Said mit une main sur sa tête pour essayer de le réconforter tandis qu'il éclatait en sanglots faisant de plus en plus de bruit.
J'eu droit à un regard noir de la part de mon petit frère en colère.
- Bravo t'es content ? Tu peux être fier de toi.
- Ferme ta gueule toi.
- Non, t'as vu dans quel état il est miskin et tu remues le couteau dans la plaie. T'as vraiment pas de cœur ! Qu'est-ce qui va pas chez toi ?
On fut interrompus par la voix saccadé de Baba alors qu'on s'était arrêté de marcher.
- Oui je sais, j'ai été faible. À un point que je n'ose même pas l'assumer. Vous devez pensez que je suis le pire parent qui existe mais je n'ai jamais cessé de vous aimer. Venge toi autant que tu veux Sajid, c'est ton droit, mais n'oublie pas qui s'est occupé de toi jusqu'à ce que tu deviennes un adulte !
Il commença à marcher en direction du centre médical où se trouvait sa chambre et Said virevolta vers moi.
- Tu trouves toujours le moyen de tout gâcher c'est incroyable !
- Jette pas de l'huile sur le feu c'est bon.
- Tu te plains que je me mets jamais à ta place mais tu fais pareil avec Baba. Il a tellement été brisé et toi t'appuies exprès là où ça fait mal !
Sur ces mots il s'en alla le rejoindre pour le réconforter.
C'était sorti tout seul, sur le coup de mes nerfs. Said avait pas tort, c'était méchant et je réalisai petit à petit l'ampleur de mes propos. Je devenais très méchant quand j'étais en colère et j'arrivais pas à me contrôler. La critique je l'acceptais difficilement, et mon mécanisme de défense c'était de dire des choses blessantes.
Prenant conscience de la gravité de la situation, je me mis en direction du bureau du docteur Vichy pour enfin lui parler en privé pour le suivi médical.
———
Quelques heures plus tard- On viendra à ton anniversaire, promis. Je te ferai un beau cadeau !
Notre père acquiesça à Said, heureux de cette nouvelle. Il allait pile avoir cinquante ans mais il faisait facilement dix ans de moins. Il enlaça mon petit frère pour se dire au revoir tandis que j'attendais contre le capot de ma voiture devant le centre médical.
- Je t'aime Baba...
- Moi aussi hbibi, fais attention à toi ça va ?
Son regard dévia vers moi et je me rapprochai d'eux instinctivement. Pour me faire pardonner, j'avais en tête le meilleur des cadeaux possibles. Said se détacha de l'étreinte de notre père et me regarda à son tour d'un air inquisiteur. Je devais avoir une expression bizarre.
- J'ai un truc à vous annoncer...
Ils attendirent ma réponse curieusement.
- J'ai parlé avec ton docteur Baba. Après avoir discuté avec lui j'ai demandé à ce que tu puisses revenir habiter chez nous et il est d'accord !
Tous deux ébahis, ils arborèrent une mine stupéfaite et Said s'écria en premier.
- Mais c'est trop bien ! Al hamdulilah.
Il nicha sa tête dans le cou de mon père avant de prendre sa tête avec sa main et de le serrer contre lui. Les mots manquaient à Baba pour exprimer sa surprise.
- T'es content ?
- Oui Sajid, weldi mais ça te dérangera pas ?
Je lui souris les larmes aux yeux.
- Samir avait sa propre chambre et comme il a déménagé, elle est que pour toi papito. Tu montes avec nous, ta valise est déjà prête...
Je vis le docteur Vichy derrière Said et mon père qui venait enfin dire au revoir à son patient préféré.
- Bonsoir Ahmed...
- D... Docteur, c'est vrai ?
Il demeura toujours choqué. Il avait posé la question et n'avait pas pu retenir son petit accent arabe qui faisait son charme.
- Oui Ahmed. Il faudra toujours avoir un suivi mais votre état s'est considérablement amélioré, soyez serein.
- M... Merci.
Il ne put contenir ses émotions en fondant à nouveau en larmes, nous tous autour de lui. Said le serra à fond dans ses bras et je me joignais à eux pour partager cet instant unique
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Samir - Par amour pour les miens [𝐵𝓍𝐵]
RomanceSamir, Sajid et Said. Trois frères ne vivant qu'à trois, après que la vie les ait durement éprouvés. Trois cœurs brisés qui ont grandi et vécu ensemble, mais ayant des rêves bien différents. Arrivant à un tournant de leur vie, comment prendront-i...