XII. Les nouveaux enseignements (2)

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Chapitre XIILes nouveaux enseignements (2)





J'ai suivi James dans les escaliers, jusqu'au deuxième étage que je n'avais pas encore exploré. Je traverse le couloir, où, sur les grands murs, j'observe une fois de plus des portraits d'un autre temps, magnifiquement encadrés de bordures dorées, mais aussi couverts d'une poussière incrustée qui ternit les couleurs des visages, comme si personne n'était plus venu s'occuper des lieux depuis des dizaines d'années. Et comme s'il avait la capacité de lire dans mes pensées -mais peut-être était-ce le cas ?-, James Hoffman lance :

— Le manoir est inhabité depuis vingt ans. Je m'occuperai de le nettoyer bientôt.

Là-dessus, il tourne la poignée d'une porte en bois quelconque et m'indique d'entrer.

C'est la première pièce dont le plafond semble atteignable. Les quatre murs sont en réalité quatre longues étagères remplies d'ouvrages de toutes sortes, anciens et poussiéreux eux aussi, aux reliures épaisses et au savoir infini.

Ça sent cuir âgé et le papier brûlé ; l'endroit est plus doux que le reste de la demeure. Sur ma peau, un voile de chaleur réconfortant se dépose dans l'intimité de la pièce. Et en son centre, il y a une petite table ronde en bois d'ébène, sur laquelle trois pierres de la taille d'un poing sont posées. Une verte, une noire, et au milieu, une ocre aux reflets orangers.

James Hoffman referme la porte derrière lui, et enfouit tranquillement les mains dans ses poches :

— Il y a beaucoup de livres ici, qu'il te faudra parcourir, déclare-t-il de sa voix profonde en balayant les étagères du regard. Je t'indiquerai les prioritaires au plus vite.

Il s'éloigne de la porte pour se diriger d'un pas calme et assuré, vers la table ronde où trônent les pierres colorées. Lentement, il retrousse les manches de sa chemise noire, et attrape la première, en la faisant tourner sous l'unique lampe plafonnière.

— Les Serviteurs ont fondé leurs règles de vie sur les préceptes des Ecrits Fondateurs, commence-t-il. Préceptes que je vais devoir d'apprendre, tu t'en doutes.

— Ils existent, donc.

Je ne suis plus surprise par aucune révélation de ce genre, mais j'attends tout de même sa confirmation.

— Ils existent, assure-t-il avant de reposer la pierre.

Il attrape la troisième roche, qui parait si noire qu'aucun reflet ne la traverse sous les projections de la lampe.

— Mais tu as quelques défauts que nous allons devoir corriger, avant, précise-t-il, toujours de cette voix détendue qui inquiète plus qu'elle n'apaise.

Le dos encore contre la porte, je me détache pour faire un pas vers le cœur de la pièce, et m'approcher prudemment de lui. Il ne me regarde pas, concentré sur l'éclat infime qui émane des pierres, absorbé par les fins faisceaux de lumières qui traversent la roche.

— Quels défauts ? demandé-je sur un ton de défit.

— Tu es prétentieuse, Hélianne, déclare-t-il en reposant la troisième pierre sur la petite table. Les Serviteurs détestent ça.

— Je ne suis pas prétentieuse, rétorqué-je aussitôt d'une voix dure. Les prétentieux prétendent, moi je constate. Je constate et j'assume.

— Mhhm, mhm, marmonne James Hoffman pour signifier son écoute tandis qu'il se penche davantage sur les pierres, examinant chacun de leurs angles.

La Troisième Rive [ROMANTAISY]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant