XXII. La Célébration (3)

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XXII.
La celebration (3)



Quand la musique s'arrête, Araphël se fige, nos corps se touchant presque, incline le visage et s'en va aussitôt, sans plus de cérémonie.

Il laisse un vide devant moi, qui me permet d'admirer les visages déconfits de Hauts-Placés, de mes pairs encore statiques sur la piste de danse, des premiers et troisièmes cycles agroupés dans le même bloc... Une seule face sourit à l'insolence que nous avons eue, le Rhéteur et moi. Au premier rang des Avérés, les lèvres de Chosthovak s'étirent avec un amusement assumé.

Il a visiblement adoré notre petite provocation. Il me fixe, et porte la flute à ses lèvres pour boire, sans cesser de pétiller des yeux. Je lui tourne le dos, et, fièrement, m'en vais retrouver ma place près du buffet.

Moins d'une minute plus tard, Néhala m'y rejoint, tandis que les Troisième Cycle ouvrent leur propre danse. J'ignore qui, de mon amie ou moi, est la plus fébrile. Mais je me reporte immédiatement sur de l'alcool, tandis qu'elle murmure, sous les premières notes, tremblante et choquée :

— C'était quoi, ça ?

Pour l'instant, je ne réponds pas. Je laisse à mon corps les secondes nécessaires pour se remettre. Néhala ne lui laisse pas autant de temps :

— Un Rhéteur...Non, attends, un Premier Rhéteur, t'as fait danser devant tout le monde. Tu...Tu réalises que tout le monde l'a vu ? Je veux dire...Tout le monde !

— Trois fois. Tu l'as dit trois fois, Néha.

— Mais parce que... Tout le monde... !

Son désarroi mêlé de surexcitation apaise étonnement le mien. Oui, c'était particulièrement déplacé, et les couloirs en parleront encore longtemps. Mais je préfère les choquer que leur faire pitié.

Araphël a disparu dans la foule immense ; nous étions deux cent aux ouvertures des portes, nous devons avoir atteint les cinq cent à présent.

Les Troisième cycle ont terminé leur danse ; le bal est enfin ouvert entièrement. J'observe les couples envahir la piste, sous l'orchestre entonnant les musiques les plus appréciées sur le Continent.

Pour le malheur de mon estomac déjà bien malmené ce soir, j'ai l'occasion d'admirer Chosthovak entrainer son épouse parmi les convives. Elle rit aux éclats tandis qu'il lève gracieusement une main enlaçant la sienne pour la faire tourner sur elle-même, et la ramener contre lui.

Je détourne le regard de cette robe bleu en voile, légère, de ses longs cheveux noirs et de sa peau de bronze sombre. C'est une belle femme. Félicitations à lui.

Les seuls Avérés avec lesquels nous aurions le droit de parler, Néha et moi, - c'est à dire, les Vénérables-, sont tous agroupés ensemble. Près de la scène de bois où règne notre Régent, silencieux, et visiblement ennuyé par la cérémonie. Il baille d'ailleurs allègrement sur son siège.

Nos professeurs, eux, commentent, rient ponctuellement, mangent et boivent. Personne ne se mélange vraiment. Quelques familles moins aisées ont été invitées, on les remarque à leurs airs ébahis de tout, et l'extrême timidité de chacun de leurs gestes. Ils osent à peine toucher le buffet, comme si, même cela, c'était sacré.

Ils ont été conviés pour servir de vitrine. Regardez, l'élite invite les bas-fonds. Nous sommes si généreux, et si tolérants. Une idée de la Propagation, sans doute.

Il manque cependant d'éminents membres des Hautes Institutions. Je ne m'étonne pas de l'absence de Jacques Langlois, le président d'EE ne se montre jamais, je suis plus surprise en revanche de celle d'un Boltz.

La Troisième Rive [ROMANTAISY]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant