Chapitre VII
Clara d'Olivier
Doit-on croire en la possible existence des légendaires « Ecrits Fondateurs » ou « Livres Fondateurs » comme les nommait le Vénérable Bertanin ? Je le pense. Il semblerait étrange, voire anormal, qu'une simple invention ait prit autant d'ampleur au fil des siècles, jusqu'à devenir la base de religions sur les continents annexés, ou encore de philosophies quotidiennes chez les Grands Penseurs. Rappelons à ce titre que Ethiarque lui-même basait une grande partie de son mode de vie sur les préceptes de ces dits écrits. Il revendiquait son pacifisme, son végétalisme et ses heures de méditation comme provenant directement de la pensée des Livres. Mais alors, si nous pouvons supposer sans crainte que les Ecrits ont bel et bien existé, la véritable question serait plutôt : où sont-ils à présent ? Détruits ? Cela reste peu probable. Des ouvrages d'une telle ampleur auraient au contraire, été particulièrement protégés de quelque pillage que ce soit. Perdus ? Là encore, la perte semble peu probable au regard de l'importance de l'objet. Notre idée, plus simple mais aussi plus farfelue penserez vous, est qu'ils seraient cachés. Certes, cela sous-entendrait une organisation de plusieurs millénaires autour des ouvrages, et loin de nous l'idée de provoquer des craintes complotistes, mais avant de crier à la société secrète, ou à la paranoïa collective, tentez simplement de vous poser cette minuscule question : et si c'était vrai... ?
Conférence au Sommet des Stikos, sur le thème « Recherches des fondements au cœur des Civilisations Continentales », intervention du Vénérable Estrade « La possibilité des Livres».
Clara D'Olivier se penche sur la victime et grimace à la vue des globes oculaires vides et ensanglantés. Ce n'est pas le premier cadavre de sa carrière, mais l'habitude ne parvient pas à se faire une place auprès du dégoût.
L'homme devait avoir une soixantaine d'années, à en juger les quelques rides attardées au coin de ses yeux absents, et les nombreuses mèches blanches de sa tignasse claire. Clara D'Olivier incline sa tête pour mieux distinguer les marques rouges autour de son cou.
Les protecteurs ont déjà retiré la corde, mais on voit encore les hématomes. Le tabouret a aussi été redressé et se fait maintenant examiner par l'équipe d'analystes. Clara se redresse pour demander à son premier assistant :
— Est-ce que vous lui avez trouvé de la famille ?
— Aucune, répond-il. C'est peut-être pour ça qu'il a... -il mime une pendaison en tirant exagérément la langue sur la droite- vous voyez. Couiiiiik.
Clara d'Olivier soupire devant la jeunesse et -il faut bien le dire ainsi- l'idiotie de son assistant, puis examine de nouveau le cadavre.
— Le vrai problème, lâche-t-elle, c'est que vous avez sans doute raison.
— Bah, c'est pas un problème, non ? reprend l'assistant d'un ton évident. Vaut mieux un suicide qu'un meurtre, non ? Hein ? 'Pas un problème, hein ?
Clara ne fait pas même l'effort de lui répondre et quitte la scène pour rejoindre son plus vieux coéquipier. Il porte, comme tous les protecteurs de la Régence, l'insigne PR fièrement brochée à sa veste rouge, et parle d'un ton virulent dans son communiquant.
Mais à cause de son embonpoint et de son air juvénile, on prend peu au sérieux ses accès de colère. Orel ressemble à un bébé dont on aurait greffé le visage sur le corps d'un quinquagénaire.
— Quand on vous dit de ne pas toucher à la corde avant notre arrivée, ça veut dire que la corde, la corde LÀ, sur le mec mort, il ne faut pas y toucher AVANT notre arrivée ! Argue-t-il dans le combiné.
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La Troisième Rive [ROMANTAISY]
RandomTome I : Les ténèbres du Stikos Un autre monde, d'autres lois, d'autres légendes... Au Stikos, où l'on forme l'élite du Continent Régent, on ne croit pas aux légendes. Pas même à celle des Passeurs d'âmes. Pourtant Hélianne Kahn, l'orpheline si d...