35. Renaissance

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35. LA RENAISSANCE



Quand je me réveille dans ma propre chambre, sous les draps confortables, et sur le matelas moelleux, la première chose qui me frappe, c'est la terrible douleur encore à mon abdomen. Je palpe mon ventre, y trouve une aspérité étrange sous le tissu de mon pull, et j'essaye de me redresser, difficilement.

A ma droite, il est là. James regarde par la fenêtre, posté entre deux rideaux rouges ; un rayon de soleil éclaire son profil élégamment. C'est la vision la plus chaleureuse qu'il m'ait jamais été donnée de voir.

James tourne son visage vers moi, et sans se détacher de la fenêtre, me sourit avec tendresse :

— Comment tu te sens ? demande-t-il simplement.

J'essaye de formuler une réponse. Je me sens épuisée, endolorie, perdue, mais ce qui m'étonne, c'est de me sentir, tout court. Je suis en vie.

— J'ai cru que je mourrais.

— Tu es morte, signifie James en me rejoignant enfin pour s'assoir à mon chevet. Quelques secondes.

Je n'ai plus suffisamment de force pour me glacer de sa révélation.

— Qu'est-ce qui s'est passé ?

— Ton ami l'Indisciple t'a soignée à temps. La lame des Sabres t'empêchait de cicatriser, et ce que j'ai fait subir à l'Araignée a achevé le travail.

— Et l'Araignée... ? demandé-je, en redoutant la réponse.

— Il est dans un endroit sûr, dont il ne pourra jamais partir.

James se penche vers moi ; il ne me touche pas, mais je perçois un élan d'affection, et comprends que, si nous avions été de simples Continentaux, il m'aurait caressé le front comme un père.

— Ce que j'ai fait était risqué, avoue-t-il. Je ne voyais pas d'autre solution.

— Où l'avez-vous emmené... ?

J'éprouve toujours pour le garçon une sorte de tendresse étrange, comme la volonté de le protéger. Je sais présent pourquoi, mais ça n'ôte pas mon affection pour autant. Nous sommes liés, je ne peux pas combattre cela.

— Il y a un lieu, entre les Continents Annexes, répond mon maître. Strictement interdit. Les Passeurs qui n'y laissent pas leur vie y laissent leur raison. C'est très dangereux de s'y rendre, parce que l'Essence n'y existe pas. C'est comme...traverser le rien. Ceux qui réussissent deviennent généralement dépendants de cette sensation. Je l'ai déposé là. C'est ça, que tu as ressenti. Le vide absolu. Et c'est là que tu es morte.

— Il ne peut pas en sortir ?

— Il n'est pas assez puissant pour ça, non. Même si, je dois le reconnaître, il possède une Essence rare.

Je revois les yeux fiers et excités du jeune adolescent, lorsqu'il regardait James, et que chaque parole de ce dernier résonnait comme un sacrement. Je ne peux pas m'empêcher d'être triste pour lui. Triste et atterrée.

— C'est juste un garçon... soufflé-je. Comment c'est possible ?

— Les Indisciples, comme les Sabres-noirs, peuvent avoir des méthodes très dures, m'explique doucement James. C'est un garçon, c'est vrai. Presque un enfant. Mais il a été pris dans les rangs dès qu'il a su marcher. On les enlève à leur famille, et on leur donne de fausses réponses pour expliquer leur haine de la vie. Ils deviennent ce que tu as vu, des fous. Des fanatiques. Leur cause leur permet de ne pas voir ce qu'ils ressentent réellement : une infinie détresse.

La Troisième Rive [ROMANTAISY]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant