9. Le nouveau Vénérable

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9. LE NOUVEAU VENERABLE



De deux choses l'une : soit Chost est le meilleur menteur de la Rive, puisque son discours sonnait profondément vrai, soit James l'a mal perçu.

Et les deux théories me paraissent impossibles. J'y pense souvent, j'attends de rêver de nouveau, je suis fébrile à l'idée de le revoir. Je voudrais comprendre.

Incernable, l'Observateur. Je ne supporte pas que ça m'échappe à ce point. Il me semble que ma nature profonde est en contradiction avec ce genre de difficulté à percer l'autre. Après tout, je suis née pour voir, non ?

Je le recroiserai bien assez tôt, cependant. Car le Stikos rouvre ses portes après deux jours de deuil.

Deux jours. C'est ce qui suffit aux Vénérables pour remplacer leur pair et reprendre le cours normal de leurs journées.

Durant cette intense et si longue période de recueillement, j'ai placé ma colère dans un coin de mon cœur, ma tristesse très loin dans mes entrailles, et j'ai travaillé aux côtés de mon maître.

Dès que je fais faner la fleur, il lui permet de repousser. Nous affinons, heures après heures, ma façon de la détruire.

— C'est encore trop pulsionnel, Hélianne, signifie James. Ça doit venir de toi, c'est vrai. Mais cet exercice est soumis au contrôle. Contrôle. Ton. Essence.

Je n'y parviens bien évidemment pas. Mais je travaille, je prends sur moi, je m'entraîne.

Et les deux jours s'écoulent sans apaisement.

Me voilà devant les grilles infinies de fer et d'or qui entourent le lieu du savoir. Nous sommes tous agglutinés devant lui. Je ne vois pas Néhala dans la foule, mais je la chercherai à l'heure du déjeuner. Pour le moment, je me concentre surtout sur ce premier jour en tant que Troisième Cycle.

Et sur l'absence à venir de mon Vénérable.

Le grillage immense s'ouvre dans un grincement sacré. On fait tout d'abord entrer les Rhéteurs, puis, les Troisièmes Cycles et ainsi de suite jusqu'aux prérequis.

Je suis les Apprenants de mon niveau dans l'aile Est, réservée à nos Enseignements. Réussir ses cycles, outre l'honneur que cela apporte, gratifie de certains avantages. On ne s'adresse pas aux troisièmes années comme à d'ordinaires Apprenants ; on nous considère maintenant comme de potentiels Rhéteurs, porteurs des valeurs du Stikos, peut-être même futur Régent.

Il doit bien se trouver, dans ma promotion, au moins un ou deux étudiant qui finiront à la tête de l'Union.

Mais si on nous accorde plus de considération, on nous demande aussi plus de travail. Le niveau d'exigence de ce nouveau cycle dépasse de loin celui, déjà bien haut, des précédents. Ce matin, je rencontre deux nouveaux Vénérables, dans deux Enseignements supplémentaires : A.Farent, une femme ronde d'un âge déjà mûr, qui prodigue ses leçons d'Energie autonome d'une voix paradoxalement monocorde et fatiguée, et V.Bukob, un presque vieillard qui aime beaucoup s'entendre parler, et qui enseigne de son côté les Mathématiques figuratifs, bien plus complexes que l'enseignement de second cycle.

Ces matières intéressent principalement ceux qui se destinent à l'ingénieurerie continentale, mais moi, je me fiche bien de leur impact sur mes connaissances ou mes choix de carrière. Je les envisage seulement comme un cahier de plus à connaître mieux que les autres, pour devenir un jour Première Rhéteur.

Deux nouveaux cours, donc, viennent s'ajouter à la liste déjà fournie de mes études. Mais ce qui bouleverse réellement les Apprenants de Troisième Cycle aujourd'hui, ce n'est pas la difficulté denos nouveaux enseignements, mais bien le changement de Vénérable pour les anciens.

La Troisième Rive [ROMANTAISY]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant