13. Un instant chez les Indisciples

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13. UN INSTANT CHEZ LES INDISCIPLES



« La cuisse parfaite », Recette du Renard, connaisseur des mets les plus fins de la Rive et grand amateur de gastronomie.

Prendre un bon humain, frais si possible, ayant grandi en plein air. Il est recommandé de ne pas dépasser les 6 ans pour garder un muscle souple. Découper la cuisse délicatement, sans abîmer l'os. Laisser reposer la viande une heure dans un torchon humide. A côté, couper six tomates, quatre poivrons, un oignon, et les faire rissoler dans du beurre Continental -de préférence d'une première mère, les laits ont tendance à perdre en qualité au fil des grossesses-. Dans une autre casserole, faire frire le haut de cuisse, jusqu'à obtenir une peau craquante. Ajouter le mélange de légume, couvrir, et laisser cuire à feu doux pendant 3 heures. Ajouter du sel, du poivre, du thym et une gousse d'ail. Servir chaud.



J'ai demandé à James de supprimer ma douleur et ma rage, aussi. C'est la première fois que je lui réclame une chose pareille.

Mais je ne les supportais plus.

Il m'a ramenée au manoir, j'étais heureuse de me dissoudre sous le Souffle, et désolée de réapparaître toute entière.

Alors je l'ai supplié de m'enlever la souffrance.

J'ai choisi mon camp, c'est vrai. Et je suis déterminée maintenant à faire tomber le Suprême. Il faut que le massacre s'arrête. Mais je n'y arriverai pas, bouffée par toute cette colère, par toute cette haine, par mon dégoût et ma hargne.

Je dois être concentrée. Claire d'esprit. Il n'y a qu'ainsi que je réussirai mes cycles, que je deviendrai premier Rhéteur et que je reprendrai le siège des Kahn à l'Union. C'est là que je pourrais frapper.

Les Continentaux devront payer. Par la main de la Régence, ou par l'Essence de l'Oracle. D'une façon ou d'une autre, tout cela va s'arrêter. Je le promets.

Mais je ne sombrerai pas dans le piège qui a pris mon oncle lui-même : je ne laisserai pas la violence de ma colère me rendre aveugle.

Alors, il a accepté. Et il m'a débarrassée de l'encrassement dans mes bronches, mes membres et toute mon âme.

— Je les ai éteintes, m'a-t-il précisé. Lorsque tu le voudras, tu pourras les retrouver.

Et j'ai pensé qu'il avait raison de ne pas avoir tout détruit.

Ma colère, un jour, me servira sans doute.

Je suis épuisée lorsque je m'écroule dans mon lit. Je ne voulais pas manger, évidemment, que je ne voulais pas. J'ai dit à James que je mangerai de nouveau demain. Mais pour ce soir, pour cette nuit, qu'il me laisse en paix.

Lui, la Rive et les cris de la Rive...Je ne veux plus rien entendre. Je veux simplement dormir.

Je m'éteins sous mes draps frais.

J'ignore combien de temps s'est écoulé entre mon endormissement et le réveil délicat de l'Essence sur ma nuque. Elle m'a portée hors de mon corps trop lourd et m'a bercée doucement jusque sur les toits de la capitale.

Je reconnais cet endroit.

Il fait nuit, la terrasse de l'immeuble des quartiers Est est éclairée par plusieurs halogènes, placés de part et d'autre sur les dalles roses. Il y a encore les deux sièges, le petit parasole, et le coffre en métal qui conserve les baies au frais.

La Troisième Rive [ROMANTAISY]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant