— En mille huit cent huit, l'île de Korgaherys a été le théâtre d'un bien horrible événement, commença Zola, sous les yeux intéressés de Milléïs et Draval. À l'époque, une épidémie s'était propagée dans l'archipel tout entier : la Pyrodegéra. Une sorte de virus contagieux venu de nulle part qui donnait des douleurs et des brûlures inexpliquées sur le corps et dans l'organisme, tels que sur les poumons, le cœur et les reins. Il paraît même qu'elle donnait des saignements de nez et d'yeux. Les malades se comptaient par milliers et ne pouvaient être guéris par manque de place et de soins. Les Gouverneurs de l'époque, dépassés, ont donc décidé de débarquer les surplus de cas de Pyrodegéra jusque sur Korgaherys, afin de les laisser crever loin de tout, comme des bêtes non-désirées. Des familles entières sont mortes sur cette île.
— On a étudié ceci avec notre professeur d'histoire, au pensionnat. C'est monstrueux, murmura Milléïs, toujours choquée et attristée d'entendre ces faits.
— Oui. Mais ça a empêché des contaminations supplémentaires, et c'est ce que les Gouverneurs se disaient. Ils pensaient bien faire en mettant tout ce monde en quarantaine. Ha ha, billevesées ! Lorsqu'on néglige la vie des autres, on reçoit une bonne correction de la part du destin. Et le Gouverneur de Prisme, qui régnait à ce temps-là, fut lui aussi touché par la maladie. Il mourut dans la souffrance, comme tous ces gens abandonnés sur Korgaherys.
Draval portait de gros yeux sur le jeune homme roux, le visage virant par toutes les couleurs de l'arc-en-ciel. Il se sentait tout à coup très mal, après avoir entendu ce récit. Tout en grattant énergiquement son oreille où pendait un anneau, Zola relança, décontracté :
— Ah, puis, je ne vous ai pas dit ? Cette île est réputée pour être hantée, du coup.
— Hantée ? cria presque Draval.
— Ouais ! On raconte que les âmes des malades de Pyrodegéra n'ayant pas trouvé le chemin des Plaines Lunaires y vivraient encore. Elle ne porte pas le nom d'île maudite pour des arcmuls ! Des pirates échoués y seraient morts, des marins et beaucoup de personnes ayant frôlé ces terres ont dit avoir vu et entendu des choses bizarres. D'ailleurs, une légende liée à ces temps d'horreur borde Korgaherys ; celle de Mindeye, le fantôme aux yeux de boutons.
Milléïs fronça les sourcils et répéta, perplexe :
— Mindeye ?
— Vous ne connaissez pas cette histoire ? La légende de Mindeye est basée sur la mort d'une jeune fille prénommée Minda, ou du moins, c'est le seul nom qu'on lui connaît. Atteinte de Pyrodegéra, elle aurait fini ses jours sur Korgaherys lors de la grande épidémie, avec toute sa famille. D'après les vieux contes qui se passent de bouche en bouche, Minda aurait vu mourir chaque membre de sa famille, un à un, avant que les saignements d'yeux ne la prenne. Effrayée par cette vue rouge et ces douleurs insupportables, elle aurait décroché les gros boutons de son gilet et se les auraient enfoncés dans les globes oculaires pour faire cesser le saignement. Elle serait morte de ses blessures, agonisante.
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𝐌𝐈𝐋𝐋𝐄𝐈𝐒 𝐆𝐀𝐙𝐄𝐑𝐆𝐑𝐀𝐘, T1 : La Voie des Défenseurs
FantasyArchipel d'Enkkorag, 1877. Dans un monde où les engrenages côtoient les énergies solaires et les cités homériques, Milléïs évolue. Dès son plus jeune âge, elle nourrit une ambition : protéger les autres, servir la justice et lutter contre le mal. Dr...