10-2 Double face

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C'est tout le paquet de farine qui me tombe dessus.

— Le style Bonhomme de neige te va bien, s'esclaffe-t-il.

Je me jette sur lui et il court comme un fou dans l'appartement pour éviter ma vengeance. Son fou rire l'empêche d'être rapide et je l'attrape très vite. Nous tombons à même le sol. A califourchon sur lui, je secoue mes cheveux épais et je trouve enfin un intérêt à ma tignasse. Des flocons blancs tombent sur ses boucles blondes.

— Mais vous foutez quoi ? tonne Owen au-dessus de nous.

Son regard va de l'un à l'autre et le vert de ses yeux s'assombrit. Est-il en colère ? Je ne crois pas. Je n'arrive pas à décrypter ses pensées. Je tente de me redresser mais Théo me maintient et attrape mon coup. Il me plaque contre lui et dans le creux de mon oreille me souffle.

— A trois, on se jette sur lui.

Dans ma cage thoracique, mon cœur fait un bond face à cette complicité inattendue. J'oscille de la tête et attends avec impatience le décompte.

— Si je vous dérange, vous pouvez me le dire , s'énerve Owen en nous surplombant.

Nous bondissons sur lui tel un seul homme et mon demi-frère ne peut plus nous échapper. Nous le prenons en sandwich. Quelques instants plus tard, l'appartement est dans un piteux état, les crêpes ne seront jamais prêtes mais nous nous en foutons. Affalés sur le canapé entre Théo et Owen, je regarde ce joyeux bordel que nous avons mis autour de nous. Théo glisse sa main dans la mienne et je tourne mon visage radieux vers lui.

— C'est toi qui as commencé, c'est toi qui ranges, me dit-il sournoisement.

— Une petite poignée de farine contre un sac de farine. Tu ne couperas pas au ménage. Tu es le pire second de cuisine que je connaisse. Je te vire.

Je sens la main d'Owen à ma droite sur mon avant-bras et je me détourne de Théo. Ses yeux pétillent.

— Tu sais ce qu'il te manque, bébé.

Je sens Théo se raidir à l'écoute de mon surnom et je resserre ma pression sur sa main. Je fronce les sourcils quand Owen revient avec un objet caché derrière lui. Sans pouvoir réagir, il m'asperge de chantilly. Théo essaie de me protéger mais son amant lui inflige la même punition. Impossible de l'arrêter, le contenu entier de la bombe y passe. Soudain, Owen se penche sur moi et avale un morceau de chantilly sur mon cou, un endroit pour moi hautement sensible. J'explose de rire et me retrouve sur les genoux de Théo en implorant son aide.

— Tu l'as cherché, petite poupée.

Enfin, il prend pitié et oblige Owen à arrêter de jouer avec la peau tendre de mon cou. Je n'ai plus de souffle. Je reste sans bouger un instant. C'est en tournant la tête que je me rends compte de notre situation. Owen est sur moi, entre mes cuisses. Heureusement que je suis en pantalon. Mais, je suis aussi dans les bras de Théo, ma tête reposant sur un de ses biceps. Le regard de mon demi-frère passe de l'un à l'autre comme s'il hésitait. La situation commence à devenir gênante. Quand le regard un peu trop sombre d'Owen se pose sur moi, je me racle la gorge. J'ai fait assez de conneries ces derniers jours. Si Théo me donne une seconde chance, je ne vais pas m'en priver.

— Je vais me doucher. Je vous laisse nettoyer vos bêtises, annoncé-je en me relevant.

Au moment de partir, mon beau-frère me retient par le poignet.

— Et mes crêpes ? implore-t-il.

— Plus de chantilly, plus de crêpes.

— C'est pas juste, grogne mon beau-frère.

— Vois ça avec ton chéri, dis-je en lui faisant un clin d'œil.

Je pars heureuse. Après la pluie, le beau temps. Je ne pensai pas que ce week-end finirait aussi bien. La farine se colle dans mes cheveux et je galère à la retirer mais cela valait le coup. Après plusieurs shampoings, je sors enfin et afin de libérer la salle de bain au plus vite, je m'entoure d'une serviette et traverse la pièce. Les garçons s'affairent aux ménages. Théo lève le nez en m'entendant et s'écrit « Prems sur la douche ». A une vitesse impressionnante, il fait un bond dans sa chambre puis s'enferme dans la salle de bain. Son empressement me fait rire.

— Ne ries pas si vite ! Tu vas devoir m'aider à ranger votre bazard.

— Laisse-moi le temps de m'habiller et je suis tout à toi.

— Si tu étais vraiment tout à moi, je ne te laisserais pas le temps de te rhabiller, dit-il en se pinçant la lèvre inférieure.

Ne sachant pas trop comment réagir, je choisis de prendre sa réplique avec humour.

— Mr Owen Demaisons,un peu de sérieux.

Nous sommes si proches que je sens la légère odeur de vanille provenant de la chantilly restée sur sa peau.

— Stop ! imploré-je

— Pourquoi ? De quoi as-tu peur, bébé ?

Je sens cette odeur aphrodisiaque chatouiller mes narines. Pourquoi fallait-il que je sois accro au sucre ? Ses mains chaudes se posent sur mes hanches. Souffle coupé, je prends ma dernière once de courage et je lui réponds de ma voix la plus neutre possible.

— J'ai peur que tu me salisses, murmuré-je.

Bon, pour la voix neutre, il faudra que je m'entraîne un peu plus.

— Tu reprendras une seconde douche. Ce n'est que de la farine et de la chantilly. Tu ne risques rien. Tu le sais, Barbara ?

Sa façon de dire mon prénom, cette voix rauque qu'il ne devrait pas m'être destinée, m'hypnotise. Il est si proche. Des tonnes de films plus beaux les uns que les autres se forment dans mon esprit. Ils finissent tous pareils mais ce ne sont que des rêves, des rêves d'adolescente, des fantasmes de jeune fille, pas de ceux qui se réalisent quand on est adulte.

Bon sang ! Faites qu'il cesse ce regard, ce regard qui me fait croire que je suis unique, ce regard comme si je ne suis pas sa petite sœur, sa sœur de cœur, comme si nous n'avions pas été élevé ensemble. Notre relation est biaisée depuis le début.

Ses lèvres frôlent ma joue. Je ferme les yeux et lève la tête pour mieux apprécier son contact. Sa main droite glisse de ma taille vers mon cou où elle se pose en territoire conquis. J'entends à peine le jet de la douche, preuve que nous ne sommes pas seuls. Seuls les battements de mon cœur rythment cet instant.

— Merci, murmure-t-il.

Je rouvre les yeux et me perds dans les siens devenus si sombres.

— Merci pour Théo. Je suis parfois dur, dit-il en insistant sur ce dernier mot. Et toi, tu es si douce. Nous ne te méritons pas.

Sa main gauche caresse mon bras et je resserre mon emprise sur le haut de ma serviette tentant de calmer mon excitation.

— Je n'ai jamais rencontré quelqu'un d'aussi gentil que toi, Bébé.

Je ne bouge plus. Je ne vis que pour recevoir ses mots, ses gestes. Le sait-il ? Finalement, il s'éloigne de moi laissant un horrible manque. Cependant, son regard ne me quitte pas et d'une voix sombre, il conclut.

— Tu as raison. Je vais te salir et le pire, c'est que j'y prendrai un très grand plaisir. 

XXX

Et oui, j'adore te frustrer. Je m'en fais une spécialité.

J'espère que ce chapitre publié en avance te plait.

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Le phénix Rouge

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