« Personne n'est plus redoutable que celui qui n'a jamais de doute. »
Jacques Sternberg
Sur le ponton, gentleman, Owen me tend la main afin que je garde mon équilibre. Mais ses mots trop déstabilisants ont percuté mon peu de confiance. Mon grand frère se trompe sur mes intentions. Je suis une personne honnête malgré mes sentiments pour lui. J'essaie de me contrôler pour ne blesser personne. Au lieu de me défendre, je baisse les armes. J'accepte sa vision de ma relation avec Théo.
Il est triste, malheureux. Quand sa peine disparaîtra, il s'excusera de ses paroles cruelles et nous en rirons. Il ne peut pas être aveugle à tout l'amour que son ami et moi lui portons. Il ne se rend pas compte de ses paroles cruelles. Il est sur le coup de la colère. On est vraiment con quand ce sentiment nous submerge.
A ses côtés, je lui trouvai mille excuses en marchant sur les sentiers du parc. Théo le tourmente et Owen me tourmente à mon tour. Ses attaques sont aussi fortes que sa peine. Leurs disputes sont de plus en plus intenses, brusques et violentes. Ils peinent à dialoguer.
A la dérobé, je l'observe. Sa main toujours logée dans la mienne, il est souriant, joyeux. Il s'amuse de tout. Son touché est ferme mais doux. Son pas se calle au mien. Il est enfin détendu et ça lui va bien.
Owen est redevenu Owen. Je le connaissais garçon. L'homme d'aujourd'hui malgré les années ne peut être si différent de celui de mon enfance. Il lui reste des zones d'ombre. La vie nous polit, nous forme et nous déforme.
Mon demi-frère redevient prévenant, s'attache à mon confort, mon bien-être, se moquant gentiment de mon petit nez rouge tout en m'offrant un chocolat chaud à siroter sur un des nombreux bancs du parc.
C'est une évidence maintenant que je suis lovée dans ses bras admirant les vaguelettes sur la surface grise du lac. Je viens de complémentement romancer son attitude. En voulant tout analyser, je me prive d'un moment unique et rare en sa compagnie. D'ailleurs, je ne me rappelle plus exactement de ses mots. Et les mots ne veulent rien dire. Les actes ont plus de sens.
Oui, j'ai rêvé. J'ai forcément rêvé. La journée est formidable. Je suis là où je dois être. Je ne dois plus en douter. Je commence à enfin me détendre et je sens les lèvres d'Owen s'appuyer sur mes cheveux formant un baiser fraternel. Je n'aurais peut-être plas plus d'excuses que cela. Ce n'est pas grave. Je n'en ai pas besoin.
En arrivant dans ma chambre, le bip de notification du téléphone m'arrache à ma bulle.
Léo : « Besoin de câlin, ma puce. La maladie m'emporte. »
Moi : « Pathétique ! »
Léo : « Besoin aussi d'une pizza. »
Moi : « Plus réaliste. »
Léo : « Pour 4. »
Moi : « Sacré appétit pour une mourante. »
Léo : « Gardes malade à nourrir ! »
Moi : « BG au moins . »
Léo : « Of course. »
Sourire aux lèvres, je sors de ma chambre. Owen avachi sur le canapé, regarde son portable. Le bruit de mes pas l'arrache à son téléphone et un sourire m'accueille.
— Je dois rejoindre Léonie, l'informé je.
— Tu sors deux soirs de suite. Tu ne devais pas travailler tes cours, dit-il étonné.
— Elle est malade. Je vais lui chercher une pizza, dis-je en omettant volontairement la présence de deux autres personnesqui s'occupent déjà d'elle.
— Tu vis maintenant à Paris, Bébé. Ta copine peut commander.
En vivant avec lui, je ne pensais pas être obligée de me justifier pour chacune de mes sorties. Il prend son rôle de grand frère à coeur.
— Un livreur ne remplace pas une amie et je ferai pareil pour toi.
A mes paroles, il se lève du canapé et s'approche de moi. Je me sens toute petite à ses côtés. Il pose sa main sur mon cou faisant naître des frissons sur ma nuque. Son odeur s'invite dans mes narines et le reste de la pièce s'efface. Son pouce me caresse la mâchoire dans un mouvement lent. Les yeux mi-clos, je pourrai presque ronronner. Il est si proche que son souffle caresse mes lèvres. Lucifer s'est invité dans ma tête.
— Ce n'est pas la question. Je sais bien ce que tu ferais pour moi, dit-t-il d'une voix basse presque inaudible comme s'il se parlait à lui même. Mais, ne me mens pas ! Je t'en prie. Pas toi ! me supplie-t-il, ses yeux émeraudes plongeant dans les miens.
L'espace entre nous s'efface. Une seule main sur ma joue et pourtant, il est en moi, dans ma tête, dans mon coeur, dans mon âme. Sa tristesse résonne en moi.
—Tu peux aller le rejoindre, me souffle-t-il. Tu n'as pas à te cacher.
— Je ne vais pas rejoindre Théo, le rassuré-je. Tu n'as rien à craindre.
— Je ne te parle pas de mon mec mais du tien, celui qui t'a envoyé un texto ce matin et que tu a décidé de me cacher.
Sous le choc de cette information, je m'éloigne de lui d'un mouvement rapide. Connait-il le principe d'un vie privée ? Il fouille dans mon portable. Son côté paternaliste n'a donc pas de limite. Le pire est que je ne vois aucun remord dans son regard.
— Il faut que j'y aille. Je ne sais pas quand je rentre. Ne m'attend pas ! dis-je sèchement souhaitant couper la conversation avant d'exploser.
— Je n'aime pas quand tu sors. Ici, c'est dangereux. On n'est pas dans ta petite province, dit-il d'un air condescendant.
— Je suis capable de me défendre. Je ne suis pas aussi fragile que tu le penses et j'ai déjà habité dans des grandes villes, répliqué-je-je en attrapant mon manteau.
Je l'entends crier mon nom derrière moi. Sa voix menace et frappe les murs du couloir espérant me rattraper. Le reflet de mon visage dans le miroir de l'ascenseur me renvoie l'image de mes joues rouges, de mon regard noir. Je n'ai pas pris le temps de me préparer. Mes cheveux sont devenus suffisamment longs pour être attachés en queue de cheval. Cela suffira pour ce soir. Je n'ai pas envie d'être belle mais d'être moi. Je ne vais pas me terrer dans son appartement juste pour le rassurer. Il faut qu'il se fasse une raison. J'ai grandi. Je ne suis plus une enfant mais une femme.
Et il a l'air de s'en rappeler que quand cela l'arrange.
Léonie m'a envoyé l'adresse d'Alex. A priori pour sa santé, elle a migré dans l'appartement de son pote. Son petit studio inchauffable n'est pas le meilleur endroit pour reprendre des forces. Elle a donc trouvé un nouveau refuge.
D'ailleurs, c'est bizarre. Nous sommes en week-end et elle n'a pas rejoint son chéri. Elle aurait été aussi au chaud près de lui. A-t-elle aussi des problèmes de couple ?
Ce soir, j'ai tellement besoin de passer du temps loin d'Owen et de sa possessivité que voir du monde me fera le plus grand bien. Avec mes pizzas sous le bras, je découvre un quartier plutôt chic pour un étudiant. Je reconnais à peine la voix de mon ami dans l'interphone. Le palier est propre, bien éclairé. Quand la porte s'ouvre, je découvre un visage inattendu.
— Voilà la plus charmante livreuse de pizza de tout Paris.
XXX
La relation d'Owen et Barbara évolue énormément depuis que la jeune femme est devenue l'amie de Théo. Owen se sent -il exclu du trio ou le problème est plus profond?
Quand penses-tu?
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Emprises
RomantikEnfant, Barbara a vécu difficilement le divorce de ses parents. Dans cette tempête émotionnelle, elle fait la rencontre de son demi-frère Owen. Si devant leurs parents, il est froid, hautain et n'hésite pas à l'humilier. A l'ombre des regards, il de...