13-2 Faire confiance

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Les yeux bleus d'Amaury me couvrent de convoitise. Je sors d'une journée bien trop forte en émotion. Je ne ressemble à rien et lui, me regarde comme la septième merveille du monde. J'ai l'impression d'avoir enfin la bouffée d'oxygène tant attendue depuis ce matin. Dans une tenue décontractée mais toujours hors de prix pour ma bourse, pieds nus, il m'accueille. Je me sens tout de suite à l'aise.

— Alors cette journée en famille ? s'enquiert-il.

— Joker, lui dis-je avec un rire nerveux.

Nous n'avons même pas le temps de continuer à discuter que la douce voix de Léonie se fait entendre.

— Enfin les pizzas ! Je crève la dalle, hurle Léonie dans la pièce d'à côté. 

Amaury m'invite à entrer en prenant les boîtes. Le parquet en bois clair donne envie de retirer ses chaussures et je ne m'en prive pas. Mes chaussettes dépareillées le font sourire mais il ne commente pas. Un bon point pour lui. Le couloir amène sur plusieurs pièces. Je rêve de le visiter mais je ne veux pas être intrusive. Je devine qu'il est spacieux. Les moulures blanches, les miroirs immenses assortis à des sculptures modernes démontrent un goût d'esthète que je suis loin d'avoir. Tout ça me remet à ma condition de fille du peuple. Je ne comprends toujours pas ce qu'il me trouve. Il a tout et moi, je n'ai rien à lui offrir. Il me traite cependant d'égal à égal.

Je suis bien auprès de lui, libre d'être moi, détendue. Il a ce don sur moi. Il m'apaise.

Le salon est aussi grand que notre appartement. Une cheminée moderne crépite et les flammes de bougies adoucissent les moulures en pierre. 

Dans un immense canapé en cuir sombre, je découvre ma Léonie, le nez bien rouge, ses cheveux sombres séparés en deux queues de cheval, une manette de jeu dans ses mains. Ma "grande"malade très excitée combat Alex à Mario Kart sur un écran géant. Sans maquillage, on lui donnerait à peine quinze ans. Amaury dispose les pizzas sur la table basse. Je me penche pour faire la bise à Alex et Léonie en profite pour m'attraper. Elle me fait chuter de manière peu élégante sur le canapé.

— Tu es ma sauveuse. Ils voulaient me faire un bouillon de poule. Sans toi, je mourrai de faim.

— Je te plains vraiment, dis-je ironique en observant son univers tout en me redressant.

Ma petite reine a pris ses aises dans ce salon qui n'est pourtant pas le sien. Une poubelle accueille ses mouchoirs. Des dolipranes l'attendent à côté d'une bouteille d'eau. Un plaid doux couvre ses longues jambes. A n'en pas douter, elle est plus que dorlotée. Elle porte même un gros pull d'homme. Je parie qu'il appartient à Alex qui malgré son nez rouge et ses airs de tyran la couve avec amour. Ce mec est dingue d'elle. C'est beau à voir.

Coincée entre Léonie et Alex, Amaury me tend une bière et une manette. Tout en jouant, je ne cesse d'observer à la dérober mon hôte. L'ambiance est si différente de celle de l'appart. Aucune tension. On rit, on s'amuse. Il faut bien tout ça pour que ma copine guérisse. 

Évidemment, je perds. Je suis nulle à pratiquement tous les jeux. Ils gagnent à tour de rôle. Me prenant en pitié, Amaury  me propose de s'installer dans ses bras afin de m'aider à finir une course sans être la dernière. Croit-il au miracle ? Je me glisse entre ses jambes et il dépose ses longs doigts sur les miens me guidant du mieux qu'il peut.

La chaleur qui émane de ses mains me trouble et je n'écoute rien de ses conseils. Le savoir contre moi me rend sourde à ses paroles et hypersensible à sa présence.Et quand il me serre encore plus fort, le temps n'a plus d'effet sur moi. Je ne reprends pas ma place même après avoir terminé la partie. Son pouce carresse le dos de ma main et je ne me dérobe pas non plus à son contact.

EmprisesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant