19.2 Echecs

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Le serveur nous dépose nos desserts mais aucun de nous n'y prête attention. Nos regards sont restés scellés l'un à l'autre.

— Sait-il que tu sors avec moi ce soir ? demande Amaury en jouant nerveusement avec sa cuillère.

— Je ne l'ai pas croisé de la semaine. En ce moment, son travail l'accapare beaucoup.

— Ecoute ! Je ne sais pas si c'est une bonne idée de continuer à se voir, bredouille-t-il.

— Tu as quelque chose contre mon frère. Vous avez un dossier en commun qui expliquerait que ...paniqué-je.

— Nous travaillons ensemble et je viens d'obtenir un gros dossier.

— Félicitation ! dis-je sans entrain trop impatiente de comprendre quel est son problème.

— Ton frère et moi étions en concurrence sur ce dossier. Sa réaction a été assez "atypique", dirons nous, me déclare-t-il comme s'il voulait rester consensuel. Alors quand Théo m'a parlé de son hyper possessivité à ton sujet, j'ai cru que tu ne viendrais pas ce soir et je l'aurai compris. Je ne veux pas que tu subisses les conséquences de cette situation. Vous vivez ensemble. Cela peut être très compliqué.

— Pas d'inquiétude ! Je suis une grande fille, sourié-je heureuse que cela ne soit que ça. Oui, il est un brin protecteur. Il veut juste que je sois avec quelqu'un qui me respecte et je pense pouvoir dire que tu es exactement ce genre de personne. Avec le temps, il oubliera cette histoire. Et puis, il part bientôt à New-York. Il aura le temps de digérer tout ça.

— Non, je pars à New-York, me contredit-il.

Une chape de béton tombe sur mes épaules. Ce fameux dossier, c'était donc New York. En une semaine, il a perdu Théo et New-York. Et moi, je dîne avec celui qui lui a pris cette formidable opportunité.

Son comportement prend tout son sens. Pourquoi ne m'a-t-il rien dit ? J'aurai pu l'aider, le soutenir. L'alcool et les autres substances qu'il prend ne résolvent rien. Owen chute et moi, je ne fais rien.

— ....C'est pourquoi je voulais savoir si malgré tout, tu veux quand même que l'on continue ?

Le silence qui suit me fait enfin réagir. Incapable de donner une réponse cohérente, je prends un verre en face de moi et le bois cul sec, les yeux dans le vague. Oui, l'alcool ne résout pas tout mais ce soir, j'en ai besoin.

Ma gorge me brûle. Je deviens toute rouge. Mince, ce n'est pas du vin ! C'est du cognac. Je me mets à tousser et Amaury rapidement, contourne la table et vient poser sa main sur mon dos. Le tissu fin me transmet sa chaleur bienveillante. Quand mon souffle s'apaise, je regarde enfin l'homme qui est agenouillé devant moi. Il est suspendu à mes lèvres mais je ne peux pas lui répondre. Mon cerveau refuse de penser à deux choses à la fois.

— Depuis quand Owen ne part plus à New-York ?

— Ces derniers temps, il arrivait souvent en retard au travail. Cette semaine, son agressivité ..., tente-t-il de m'expliquer.

— ... Son agressivité ? Mais ce n'est pas juste, m'offusqué-je. Il n'est pas dans son état normal en ce moment. Tu le sais bien. Tu as parlé à Théo.

— Dans notre métier, nous devons toujours être à cent vingt pour cent quelle que soit notre vie privée. Ses changements incessants de comportement ne conviennent pas à la nature de la mission.

Je baisse le visage et observe nos doigts enlacés. Comment ma main s'est retrouvée à chercher refuge auprès de la sienne ?

— Il le sait depuis quand ? bredouillè-je.

— Depuis ce soir.

Owen est seul et moi, je suis ici en train de fêter la réussite de son adversaire. Je ne suis pas à ma place.

— Je dois rentrer. Je suis vraiment désolée, dis-je en fuyant son regard.

— Je comprends. Si tu veux, en attendant que la croisière se termine, allons sur le pont ! Je crois que nous avons besoin de prendre l'air.

Je tremble autant de froid que d'appréhension de retrouver mon demi-frère. Acceptera-t-il mon soutien ou me rejettera-t-il encore?

C'est blotti contre Amaury que je tente de trouver un moyen de soutenir Owen. Les lumières de Paris brillent moins qu'à l'aller. Je quitte enfin les rives du regard et nos regards se croisent. J'ai terriblement envie de l'embrasser. Une petite voix me traite de félonne et une autre me dit qu'enfin, j'ai une occasion de goûter ses lèvres. Oui mais pas avant d'avoir vu mon demi-frère et de connaître son état. Les yeux d'Amaury brillent. De froid ou de désir ? Ses lèvres frôlent ma joue et soudain, il enfouit son visage dans mon cou. Il respire ma flagrance comme s'il voulait en garder le souvenir. Nous restons immobile profitant de ces quelques instants avant d'affronter ma tempête.

Pourquoi ai-je toujours cette impression de quitter cet homme et de passer à côté de nos plus beaux moments ? Je ferme les yeux à l'abri de ses bras. Je grapille ces moments de paix et les fige moi-aussi dans ma mémoire. 

XXX

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Et un grand merci à mes gentilles lectrices correctrices. Votre bienveillance est motivantes.

L.P.R



EmprisesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant