Quand le réveil matin sonne, mon frère est toujours dans mon lit et a pris toute la place. J'ai des courbatures du fait du peu de places qu'il m'a laissé. De mauvaise humeur, je me coule un café bien corsé. Je ne veux même pas savoir s'il bosse ou pas aujourd'hui. Je ne suis pas sa mère. Il se lèvera quand son corps aura dessaoulé.
Deux heures plus tard, un message oral sec et rageux m'indique qu'il est bel et bien arrivé en retard et que j'en suis l'unique responsable, que je suis irrespectueuse. Ce soir-là, quand Léonie me propose un ciné, c'est avec plaisir que je l'accompagne sans avertir Owen de mon absence. Dent pour dent, œil pour œil. Quand je rentre à l'appartement, mon frère dort déjà et après une bonne douche, je décide de reprendre ma lecture du moment. Un bruit attire mon attention et je le voie rentrer dans ma chambre. Son regard est sombre et sans un mot, il se couche à mes côtés et me tourne le dos.
— Tu comptes dormir tous les soirs dans mon lit.
Il ne me répond pas et tire sur la couette.
— On est plus des enfants, Owen.
— Tarde pas trop à éteindre ! Je suis crevé
— Tu m'entends quand je te parle ?
— Oui mais je m'en foue. J'ai besoin de dormir.
— Mais pas dans mon lit, bon sang !
Il souffle bruyamment et me fait face.
— Mon docteur ne sait pas ce que j'ai. Je dois aller voir un cardiologue alors excuse-moi de vouloir un peu de réconfort de la part de ma famille.
Après ces mots qui m'effraient et me fracassent, il me tourne à nouveau le dos. Ne sachant pas quoi lui répondre, je pose mon livre, éteins la lumière et le prends dans mes bras. Je crains soudain qu'il puisse un jour partir définitivement de ma vie et même si en ce moment, il est loin d'être facile, je ne pourrai pas me passer de lui. Le lendemain, je lui tends une bonne tasse de café pour le sortir des bras de morphée et lui dépose un baiser sur la joue avant de le quitter. Il me sourit tristement. Ce soir, je lui ferai son gâteau préféré.
Owen a pris rendez-vous chez le cardiologue juste après Noël. Il n'y avait pas de créneau plus rapide. Nous avons convenu que je l'accompagnerai. J'hésite à annuler mon week-end avec Amaury. Léonie me dit que je ne peux pas tout conditionner à l'état de santé de mon frère, que tant que rien n'a été diagnostiqué, c'est inutile de se faire peur. Je la trouve dure. Elle ne semble pas porter dans son cœur Owen et plus, elle passe du temps avec Théo, plus son ressenti négatif s'accroît. Que lui a-t-il raconté ?
J'ose de moins en moins parler de mes états d'âme, de mes doutes et de mes peurs car je ne la trouve plus du tout objectif. Elle continue à jouer au chat et à la souris avec Alex. Je vous laisse deviner qui joue le rôle du chat. Si ces deux là ne sont pas ensemble avant les fêtes de fin d'année, je n'y comprends plus rien.
Amaury m'envoie chaque jour des textos énigmatiques sur notre destination. Je dois prévoir un maillot de bain si possible, un monokini (bien sûr, l'espoir fait vivre) mais aussi un gros pull (ça, pas de problèmes), des bonnes chaussures de marches, une robe de soirée (noire désir ou blanche immaculée ?). Je reçois des photos de plages paradisiaques, de montagnes enneigées et de plaines désertiques. Il y met tellement de cœurs (et dans les deux sens du terme avec les émoticônes à profusion que je reçois) que je ne peux pas annuler.
Ma valise faite dans la plus grande confusion quant à la destination finalement choisie par mon petit copain (et oui, Amaury en a enfin ce titre et c'est pas trop tôt, en tout cas pour moi), je m'approche avec précaution de mon frère qui gît dans le canapé comme s'il attendait sa mort.
Nous avons trouvé un compromis. Sa mère vient passer le week-end avec lui. Il l'a eu longuement au téléphone. J'avais pensé que cela lui ferait du bien, qu'elle le rassurait mais j'étais bien trop naïve. Après ce contact, elle n'a pas arrêté de lui envoyer des liens Internet sur toutes les maladies cardiovasculaires aussi rarissimes qu'improbables. J'ai tenté de calmer les craintes qu'elle avait fait naître en lui mais j'ai juste eu le droit à ses colères sans queue ni tête.
Pour dire vrai, j'avais oublié le caractère Drama de la mère d'Owen. Pour elle, les peurs de son fils sont une véritable nourriture narcissique. Je ne sais pas comment je vais le trouver après trois jours loin de moi. Je me penche au-dessus de lui pour lui dire au revoir. Il m'agrippe le cou fermement alors qu'il paraît sans énergie. Ses lèvres se déposent durement sur les miennes comme s'il voulait tatouer son empreinte sur ma bouche. Je me recule tout en le fusillant des yeux. C'est quoi cette nouvelle lubie ?
— Regarde-moi pas comme ça. Je prends juste ma dose pour tenir ce week-end.
— Tu veux que je te laisse un doudou avec mon parfum, grinçé-je.
Il me tire vers lui et me plaque contre son corps chaud. Il respire mes cheveux comme un accro à son dope, dope que je suis devenue sans que je m'en rende compte. Je me dis soudain que cela va nous faire du bien de nous éloigner, que notre relation ne correspond à aucune autre et je ne sais pas si c'est bien ou mauvais. De plus en plus fatiguée par toutes ses tensions, je me laisse aller contre lui et lui donne ce qu'il me réclame c'est-à-dire encore un peu de ma présence, de ma force pour faire taire ses démons.
J'ai assez d'énergie pour nous deux. Je le sais et il le sait aussi. Vivement que nous sachions ce qu'il a ! Nous pourrions alors nous battre contre ses maux. La sonnerie de l'interphone retentit dans le silence. Amaury est arrivé. Je dois le rejoindre. Quand j'ouvre la porte, je tombe nez à nez avec la mère d'Owen. Cheveux courts, rictus au coin des lèvres, elle ne perd pas une minute à scanner ma tenue et le couperet tombe. Elle juge que je ne ressemble pas à grand-chose. Elle ne le dit pas mais ses yeux parlent pour elle. Je lui adresse un bonjour poli. Elle ne s'abaisse pas à répondre. Elle voue une haine profonde à ma mère et, étant son portrait craché, je ne dois pas m'attendre à du respect venant d'elle. D'ailleurs, ses mots glaçants en sont la preuve.
— Je vois que les rats quittent le navire.
— Maman, s'écrie Owen. Laisse-là !
— Oh, mon pauvre chéri. Ne t'inquiète plus ! Je suis là. As-tu lu les pages internet que je t'ai envoyées ? Mes copines ne reviennent pas de ce qui m'arrive. Un fils malade du cœur si jeune, c'est terrible pour une mère. Il n'y a rien de pire pour un parent que de perdre un enfant. La vie ne m'aura vraiment rien épargné. Tu as bien fait de m'appeler. Rien ne remplace l'amour d'une mère.
Un vrai drama Queen. Si je comptais sur elle pour donner un peu de sérénité à mon demi-frère, c'est perdu. Plus elle lui parle, plus il fronce les sourcils et se touche le torse pour s'assurer que son organe bat encore. C'est à peine s'il entend mon "au revoir". Toutes ses soirées à lui remonter le moral, en l'espace d'un instant, elle a tout foutu en l'air. J'appréhende déjà mon retour.
XXX
Un mot, un commentaire, une étoile.
L.P.R
VOUS LISEZ
Emprises
Любовные романыEnfant, Barbara a vécu difficilement le divorce de ses parents. Dans cette tempête émotionnelle, elle fait la rencontre de son demi-frère Owen. Si devant leurs parents, il est froid, hautain et n'hésite pas à l'humilier. A l'ombre des regards, il de...