4-Un jour, j'irai ...

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Un mois plus tard...

Assise sur un des tabourets hauts de la cuisine, mes cours recouvrent toute la surface disponible de l'îlot. L'écran de mon ordinateur m'informe sur l'avancée de mon travail. Je remplis consciencieusement mon tableur afin de regrouper toutes les données. Un seul espoir. Pourvu que tout fonctionne. Cela fait des heures que je suis dessus. Léonie est venue m'aider cette après-midi car le contrôle de gestion n'est pas ma tasse de thé alors qu'elle, sous ses airs de bimbo des années cinquante, maîtrise ce domaine comme une reine. Je pense qu'elle a trouvé sa vocation. Elle s'éclate dans les chiffres.

Elle vient juste de partir quand Théo tourne la clé dans la serrure. Ce soir, Owen rentre tard. Mon demi-frère est un gros bosseur ; il est conseiller juridique pour un grand groupe pharmaceutique européen. Il doit rendre un dossier à la première heure demain. Cette idée ne me réjouit pas. Avec son mec, je ne suis toujours pas à l'aise. Sans parler d'animosité entre nous, je ne sais pas encore comment me comporter avec lui. Hormis le jour de la rentrée, il ne m'a plus jamais emmenée à la fac.

A l'inverse d'Owen, Théo sort beaucoup. A chacun de ses retours, sans un bruit, il surgit par derrière, lumière éteinte comme s'il souhaitait surprendre nos conversations. Bien sûr, il reste toujours souriant, agréable et se moque gentiment de nous à propos de notre série Netflix dont nous sommes devenus accros. De ses escapades, il porte l'odeur de l'alcool et du tabac. Je ne l'ai pourtant jamais vu fumer. Peut-être évite-t-il de le faire devant son homme ! Pour Théo, l'avis d'Owen a beaucoup d'importance ; il l'écoute avec intérêt. Sa bienveillance contrebalance avec sa froideur vis-à-vis de moi. Il n'a pas encore digéré mon arrivée dans leurs vies. Je l'impression d'être responsable de ses absences nocturnes.

Nos regards se croisent dès son arrivée. Il soupire en voyant l'état de l'îlot central.

— On mange quoi ce soir ? lâche-t-il sans un bonjour.

Je cuisine pratiquement tous les soirs mais à cet instant précis, je suis trop débordée pour envisager de préparer quoique ce soit. Il pourrait mettre la main à la pâte pour une fois, mais Théo semble en décider autrement.

— Explique-moi. Pourquoi quand Owen est absent, tu ne prévois rien pour le dîner ? Je crois savoir que nous sommes deux à t'héberger. Fais au moins semblant que je compte un peu pour toi !

Surprise, je ne sais pas quoi lui répondre. J'ai des chiffres plein la tête, une soirée pour les remettre à leur place et je n'avais pas envisagé d'avoir ce genre de discussion avec mon beau-frère. Je sens poindre une migraine... Youpi !

— Je ...je, bafouillé-je. Il y a une brique de soupe dans le placard, botté-je en touche.

— Dois-je te rappeler que je ne mange jamais de produits tout faits ? Les conservateurs et aliments extra transformés, non merci, très peu pour moi. Je te laisse ton immonde mixture industrielle, me lance-t-il avec dégoût. Il te reste de la salade niçoise ?

— Juste assez pour demain midi, l'informé-je.

— Tu t'achèteras un sandwich. Je meurs de faim et je suis pressé. Si au moins tu m'avais prévenu, mais bon, ça fera bien l'affaire ce soir, dit-il en sortant le plat.

Sans même se soucier de mon avis, il va s'enfiler mon repas prévu pour le lendemain.

— Au fait, je t'ai inscrite à la salle de Fitness, m'informe-t-il entre deux bouchées. Si tu continues cette mauvaise routine, tes parents ne vont plus te reconnaître à Noël. Je passerai te chercher demain après la fac. Je vais te présenter mon coach. Il va te remodeler.

Quoi ? Non mais de quoi je me mêle ?

— Je n'ai pas le temps de faire du sport, le coupé-je, vexée.

EmprisesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant