Emprises

25.2 Confidences

Je ne comprends pas. Je lui donne ce qu'il veut. Je sens son sexe dure contre moi alors pourquoi me rejette-il ? Ses yeux saphirs ne me lâchent pas. Je suis perdue. Son silence me tut. Après un soupir, il tombe sur le dos à côté de moi fixant le plafond. Ce rejet me lacère la chair. Je dois partir. Ces mots me feront du mal. Je le sais. Cela se passe toujours ainsi. Je donne ma confiance et ils la piétinent.

Finalement, Amaury n'est pas différent des autres. Il a décidé que je n'étais pas assez bien. Je suis trop cassée, si peu intéressante, si quelconque.

Abandonnée par mon frère, puis par mon père, qui voudrait de moi ? Je ne suis rien, rien qu'un déchet, pas assez bien pour être aimé, en tout cas pas pour toute la vie. Owen et mon paternel me l'ont bien fait comprendre. Il est tant que je parte me réfugier chez mon amie, ramassé le peu de fierté qui me reste et m'enfuir. Demain, tout ira mieux. Je m'en fais la promesse sans trop y croire pourtant. Mais quand je tente de me lever, il me retient.

— Si tu savais comment c'est dur d'arriver à ne pas te céder, comment je rêve de ce moment avec toi.

Ma pensée tangue. Mon regard étonné se dirige vers ses yeux qui ne cillent pas. Sa main chaude englobe la mienne et son pouce caresse l'intérieur de mon poignet. Des ondes réconfortantes s'immiscent sous ma peau frissonnante.

— J'ai trop attendu pour gâcher cet instant, me confie-t-il un sourire timide sur les lèvres. Je ne te ferais pas l'amour avec des larmes sur tes joues.

Son discours à la fois me gêne et me libère. J'ai trop de doutes en moi pour croire en la véracité de ses belles paroles. Veut-il vraiment de moi, moi avec toutes mes cassures, mes fêlures ? Moi, l'enfant rejetée, incapable de m'éloigner de mon demi-frère malgré toutes les souffrances qu'il m'impose.

Amaury avance dans notre relation si subtilement que souvent, cette attirance me semble irréelle. Assis sur le rebord du lit, il écarte ses cuisses et m'invite à le rejoindre. Mes jambes presque nues frôlent le tissu de son pantalon. Les muscles de ses cuisses tressaillent sous ce léger impact. Ses bras entourent ma taille et sa tête repose sur mon ventre. Je ne voie plus que les boucles brunes et souples de ses cheveux. J'ai tellement envie de me perdre dans cette sombre forêt. Timide, ma main se pose sur sa tête. Il reste silencieux. Mes doigts jouent dans cette ébène. Quand ils le décoiffent et tirent sur une mèche, un râle sort de sa gorge. Je sens ses lèvres sur mon abdomen. Petites ailes de papillon insuffisantes pour combler mon manque. J'en veux plus. J'ai tellement besoin de plus.

Je n'ai plus les bras d'Owen pour me protéger de mes doutes, de mon manque d'amour. Sans lui, mon cœur est perdu. Il a froid. Je ressens la glace recouvrir mon âme. Repenser à mon enfance, mon adolescence, m'ont vidée. Un pieu s'est enfoncé dans mes entrailles. Pourquoi ai-je accepté de me mettre à nu ?

Noël approche et la peur ne cesse de croître de jour en jour. Elle m'étreint. Faire semblant, porter un masque. Être une adulte quand l'enfant en moi souffre toujours autant. Affronter mes parents, leur querelle qui n'a jamais cessé et aujourd'hui, j'ai perdu mon pilier, mon gardien, mon confident : Owen.

Même absent, son souvenir m'aidait à supporter les crises de jalousie mélangées à l'indifférence du couple qui m'a donné la vie. C'est au-dessus de mes forces. A l'orée de mes yeux, le trop plein d'émotions s'invite et rien n'arrêtera ces perles sur ma joue. Pour les fêtes, je ne veux pas retourner chez moi mais où irai-je ? Des sanglots plus forts s'invitent. Amaury nous bascule sur le lit et ses lèvres couvrent ma peau humide. Il me murmure qu'il sera là pour moi, qu'il sera toujours là pour moi.

Comment peut-on promettre une telle chose ? Il ne me connaît pas. Un jour où l'autre, il m'abandonnera comme tous les autres. Je ne mérite pas leur amour. Je ne mérite pas l'amour des hommes. Je suis destinée à être le second choix. Je ne suis qu'une passade dans la vie d'Amaury. Il ne le sait pas encore. Il est trop beau, trop intelligent pour se limiter à une personne comme moi. Je ne suis pas de son monde. Quand il se sera lassé, je resterai au mieux un beau souvenir et je serai à nouveau seule. Je suis gelée. Son corps peine à me réchauffer. Il me couvre et peu satisfait, se relève et rajoute une épaisseur puis il s'éclipse de la chambre.