44. baby, you don't know what you're missing

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Chloé Leclerc - 15 décembre 2023

Le problème quand on passe de grosse fainéante entretenue par son frère richissime à carriériste plus ou moins indépendante, c'est de se lever le matin. Je ne m'habituerais jamais à la sonnerie stridente de mon réveil. C'est chaque jour pareil. Il me vient des envies de meurtre quand il retentit près de mon oreille.

Je me lève aux aurores tous les matins pour aller travailler. Des mots que je n'aurais jamais pensé prononcer il y a encore quelques semaines. Ma routine est rodée: réveil, café, étirements, douche, dressing, maquillage et départ. Le tout me permet d'être plus ou moins fraîche quand je sors de mon immeuble logé dans le quartier de Kensington.

Casques sur les oreilles, je fonce ensuite jusqu'au métro, qu'on appelle tube à Londres, pour trente minutes de trajet. Les transports en commun, ça aussi j'ai de la peine à gérer. Fini les escapades en Ferrari sur les crêtes de la Principauté et les Uber pour éviter de marcher cinq-cent mètres. Ici, il n'est question que de pendulaires aux visages gris et fermés. On s'entasse comme du bétail dans les rames en priant pour qu'il n'y ait pas de retards.

C'est en passant la porte de l'atelier où je travaille que je prends seulement conscience de la chance que j'ai. Je bosse pour Vivienne Westwood. Pas la styliste aux cheveux flamboyants, elle est morte à la fin de l'année dernière, mais pour la marque qui cherche à se réinventer. Je fais partie de cette armée de petites mains qui confectionnent sous les ordres de stylistes arrogants et lunatiques. Et comme tous mes collègues, je rêve d'être un jour celle qui commande cette garnison.

J'ai été engagée à la fin du mois d'octobre un peu par hasard. Après avoir réalisé que je ne pouvais pas rester dans la même ville que Max pour me reconstruire, j'ai postulé pratiquement partout. J'ai fait valoir mes quatre ans d'étude à Paris, mes notes excellentes et les multiples stages que j'ai effectués avant de vivre aux crochets de Charles. Je ne suis pas naïve. Je sais que mon nom de famille a joué en ma faveur. C'est d'ailleurs l'une des premières choses qui a été évoquées lors de mon entretien d'embauche. Cependant, puisqu'il est fort probable que la plupart des maisons de couture désapprouvent mon passé sulfureux, je me voyais mal refuser le poste.

Voilà comment je me suis retrouvée à Londres à coudre des milliers de perles sur de la tulle pour un défilé auquel je n'assisterai même pas. C'est éreintant, mais c'est aussi gratifiant. Je me sens enfin utile. Je contribue à ma manière et ça, ça n'a pas de prix quand on a passé des mois à vivre pour quelqu'un d'autre que soi.

Je travaille près de dix heures par jour. J'ai donc peu de temps pour sortir et découvrir tous les trésors de Londres. Heureusement, j'ai rencontré deux personnes extraordinaires dans l'atelier. Il y a Sasha Davis, une Américaine qui parle comme une poissonnière, et Anna Keller, une Suissesse un peu délurée. Nous occupons le même poste. Quand je suis arrivée - hésitante et timide - elles m'ont accueillie dans leur duo de choc. Je me suis rapidement intégrée et aujourd'hui, il ne se passe pas une journée sans que nous ne papotions avec un café et une cigarette.

Sasha et Anna me parlent constamment des mecs avec qui elles couchent. Leur tableau de chasse a de quoi impressionner: traders en costume trois pièces, héritiers de bonne famille, footballeurs un poil abrutis, ... elles ne sont pas très regardantes du moment qu'elles passent un bon moment. Je les envie. J'aimerais aussi papillonner et baiser avec des types différents toutes les semaines. Le problème, c'est que je n'y arrive pas.

C'est inutile. Je sais que personne ne pourra me faire autant de bien que Max. Je n'ai pas envie de me retrouver dans un lit avec un homme normal, un homme qui aurait un début de calvitie et qui un peu de bedaine. Mêmes les canons me laissent indifférentes. En plus d'être beau, Max était virile et confiant. Il transpirait l'assurance. Quand je passais du temps avec lui, j'avais l'impression d'être unique pour la simple et bonne raison qu'il m'avait choisie. Alors excusez-moi si Brendan, le banquier qui ne veut pas payer l'addition, ne me suffit pas.

Mes nouvelles amies ne savent rien de mon passé. La F1, très peu pour elles. Elles ont déjà entendu parler de Lewis Hamilton, mais seulement parce qu'il ose mettre des jupes. Je me suis bien gardée de leur dire que je le connaissais. J'aime être cette Monégasque sans histoires et sans attaches. Je suis l'une des leurs maintenant. Pas la conne qui était invitée partout et qui ne connaissait pas la valeur du travail et de l'argent.

Le soir, je rentre généralement vers vingt-deux heures. Je passe la porte de mon appartement, épuisée mais émerveillée par mon indépendance. Ok. J'exagère un peu. Je ne suis pas totalement indépendante. Mon frère a tenu à ce que j'habite dans un quartier huppé de Londres pour que je sois en sécurité. Il paie donc mon loyer, mais je lui ai promis qu'il n'aurait plus besoin de le faire quand je gagnerai assez. C'est à dire jamais, car l'appartement est un vrai bijou. Il y a d'abord un petit hall d'entrée où j'ai suspendu des photos de mes frères pratiquement partout. Si on tourne à gauche, on tombe sur un grand salon ouvert sur la cuisine. Les fenêtres donnent sur la rue calme. De l'autre côté, à droite, il y a ma chambre. La décoration est chargée. Je passe mes dimanche aux marchés aux puces.

Ce soir, je rentre, des sacs de courses suspendus à mes bras. J'ai prévu de faire une soupe. Manger, ce n'est pas encore ça. Il faut du temps pour se soigner. Dans quelques mois, j'espère que je serai capable de m'envoyer une pizza toute entière sans culpabiliser. Je m'aide de mon coude pour ouvrir la porte de l'appartement. Les clés sont serrées entre mes dents, mon visage rougi par l'effort. Je pose les sacs sur le sol et allume la lumière. Le sentiment de contentement est immédiat. Je suis chez moi. Je range les courses en écoutant de la musique, me mets à cuisiner et finis par manger devant une série. Il est presque minuit quand j'ai terminé. L'heure d'aller au lit pour attaquer une nouvelle journée de travail demain.

Je fais un dernier tour de l'appartement pour éteindre les bougies qui seraient encore allumées. Mon regard se pose un instant sur le magnifique secrétaire en bois du salon. Une pile d'enveloppes encore fermées y prend la poussière. Elles portent toutes la même adresse d'expédition. Monaco. Je soupire. Les lettres viennent de Max. J'ai reconnu facilement son écriture appliquée de gamin qui sort de l'école. J'en reçois souvent. Peut-être qu'un jour je trouverai le courage de les lire. Mais pas ce soir. Ce soir, les enveloppes resteront fermées. Tout comme le tiroir du secrétaire qui contient les souvenirs que je me suis promise de garder: le bracelet Cartier, les Polaroïds de la soirée passée à Amsterdam, les t-shirts volés, ... autant de choses merveilleuses qui me rappellent que j'appartiens encore à Max.

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Un petit chapitre pour poser les bases de la deuxième partie de l'histoire. Vous la sentez comment?

Encore mille merci pour vos mots ❤️

bad girls do it well // Max VerstappenOù les histoires vivent. Découvrez maintenant