INDECISE

Chapitre 59

Le reste du voyage, cette vision me hante, il paraissait si sombre, dénué d'émotions. Je suis au bord de faire demi-tour, mais Annabelle insiste pour continuer le voyage. On s'arrête se reposer dans la maison d'hôte d'une magicienne. Comme à chaque lieu que je foule, je suis autant émerveillée par la beauté des lieux. L'intérieur est un jardin des plus belles plantes que je n'ai jamais vues. La magicienne nous guide à l'étage où une fumée rose se dégage du couloir. On s'arrête devant notre chambre pour la nuit. Nous avons confié Rainbow et Licorne au forgeron du village.
J'ouvre la porte sur cette chambre, qui paraît bien petite, je me tourne vers Annabelle qui me fixe en souriant. Tout mes souvenirs ne me sont pas revenus, je suis toujours aussi impressionné par tant de magie. Je pose un pied dans la chambre, et je me sens emporté par la pièce. Elle est gigantesque, décorée de fleurs et de fruitiers, c'est magnifique. Je cueille une pomme, mais Annabelle me l'arrache des mains.

— Ne croquez pas dedans, princesse, elles vous feront plonger dans un sommeil profond.
— C'est extraordinaire.
Elle sourit avec tendresse.

Je me prépare à aller dormir, je m'allonge le cœur lourd, seul Adam est dans mes pensées, j'aimerais encore dormir à ses côtés, me sentir en sécurité dans ses bras. Mes yeux se ferment, exténués par cette journée. À peine endormi, je sens ses fourmillements s'emparer de moi, mon esprit quitte mon corps et je suis projetée dans une pièce. Mes yeux se posent sur Adam, enlaçant une autre femme, mon cœur se brise. Il finit par me remarquer, repousse la jeune femme.

— Qui est-ce ?
— Mon ex-femme.
— Que fait-elle ici ?

Il pose ses yeux sur moi avec haine.

— Elle n'accepte pas la rupture.

Je suis comme spectatrice de cette scène, incapable de parler ou de bouger, trop choquée par ce qu'il était sur le point de faire avec elle. Je sens une chaleur se propager dans mes membres, mes mains se dirigent vers elle.

— Ne fais pas ça, princesse !
— Tais-toi ! Tu me dégoûtes ! Cole avait au moins la décence de ne pas se cacher !
— Ne prononce plus ce nom.

La jeune femme sort de la pièce et nous laisse.

— Cole.

Il se rapproche à sa vitesse vampirique et me projette contre le lit. Il est au-dessus de moi. Mes mains prisonnières des siennes. Sa respiration est saccadée. Il me fixe avec un intérêt qui me déstabilise, il semble m'analyser.

— Ne prononce plus ce prénom!
— Co...

Il se jette sur mes lèvres et m'interrompt, je réponds à son baiser, pleine de rage et de rancœur. On se détache l'un de l'autre, il paraît confus. Il me libère, se redresse, et s'en va à sa vitesse vampirique.

Je regagne mon corps, tremblante. Mes yeux s'ouvrent sur Annabelle qui me tamponne le front d'une serviette humide.  Je me jette dans ses bras en pleurant. Elle tente de calmer ma crise par une comptine qu'elle me chantait enfant.

— Tout va bien se passer.
— Je ne veux plus y aller. Je le déteste.
— Tu dois l'aider, pour le meilleur et pour le pire.
— J'aurais dû choisir Cole.
— Oh ma chérie, ne dit pas une chose pareille, tu aurais été malheureuse.
— Je le suis aussi avec Adam.
— Ces six derniers mois ont été les plus beaux de ta vie, oserais-tu me mentir ?
— Non, mais maintenant, je souffre.
— Repose-toi. Demain, nous serons au Palais. On trouvera une façon de l'aider.

Je me repose quelques heures pour contrer la fatigue de ma téléportation. Après un copieux déjeuner, nous reprenons la route sur notre carrosse tiré par Rainbow et Licorne.
Des heures à parcourir des contrées plus fantastiques les unes que les autres. Nous sommes accueillis par un village qui signe la frontière du royaume magique. Nous nous arrêtons de faire une pause. J'entre dans un restaurant, mais il y a seulement une pièce sombre, aucune table ou bruit de personne attablée. Je me tourne vers Annabelle. Elle frappe dans ses mains, une navette s'arrête devant nous, elle m'invite à m'asseoir, et la navette se met à bouger et se déplacer, elle s'arrête devant une porte. Annabelle passe devant et ouvre sur une terrasse en bord de mer, c'est exceptionnel. On se dirige vers une table, on commande. Je lui raconte mon dernier voyage auprès de Koop.

— Il n'y a pas de doute, un sort maléfique le ronge.
— La seule façon de l'aider, c'est de trouver qui lui a fait ça. Je n'ai pas eu de vision dans ce sens.
— Ça viendra, tu as des facultés exceptionnelles.
— Tout comme toi, Annabelle.
— Je ne suis qu'une dame de compagnie.
— Si tu avais vécu sur Terre, tu comprendrais.
— Un jour, tu m'emmèneras.
— Promis.

Après le déjeuner, nous parcourons les derniers kilomètres jusqu'au chemin qui nous fera traverser le champ enchanté. Rainbow et Licorne s'arrêtent.
Deux hommes, des gardes, apparaissent et s'avancent vers moi.