Les rayons du soleil qui transpercent la vitre s'écrasent sur ma peau, la lumière qu'ils dégagent m'éblouit, je n'arrive plus à tenir en place. Je me relève incapable de rester plus longtemps sur ma chaise à sentir le cuir chauffer contre mon postérieur. Je décolle mon pantalon de ma peau et remonte les manches de ma chemise. La chaleur est étouffante et pourtant l'air conditionné est allumé, mais je pense que je vais devoir appeler l'équipe technique parce que là ce n'est pas possible ! C'est le prix à payer de travailler dans les bureaux en verre du centre des affaires de Londres. On ne va pas se plaindre tout de même d'un peu de soleil, alors que nous sommes plus souvent confrontés à la grisaille mais je préfère quand l'astre lumineux ne tape pas directement à mon carreau du trentième étage.
Je fais les cents pas en regardant à l'extérieur, tout allait bien jusqu'à ce que je reçoive un SMS d'un de mes meilleurs amis d'enfance, Sam. Cela fait plusieurs mois que je ne l'ai pas revu, et pourtant c'est celui dont je suis le plus proche. Avant, on se voyait régulièrement mais depuis que nous avons été diplômés nous nous sommes tous un peu éloignés. Pas par manque d'intérêt, mais chacun vit sa vie et vaque à ses occupations. La covid 19 ne nous a pas non plus aidée même si nous faisions des visios presque quotidiennement, pendant de longs mois. Nous nous retrouvions avec la bande à dix-neuf heures, webcam allumée et dans ces moments-là, c'est comme si nous étions retournés en enfance.
Sam sort avec Robert depuis le lycée, et quand ils nous l'ont annoncé personne n'a été surpris, je pense même qu'ils étaient les derniers au courant. Rob' est aussi un gars de notre bande d'amis. Nous ne sommes pas beaucoup, Sam, Robert, Pete, Leah et Maria, puis moi. Je souris en pensant à eux, nous nous connaissons depuis la maternelle, mais nous avons vraiment tissé des liens à partir du collège. Nous avons par la suite été au lycée ensemble puis nous n'avons jamais perdu le contact même à l'université. On a toujours été une bande d'amis et Leah et Maria doivent être les seules femmes de cette Terre qui n'ont jamais eu d'attirance pour nous. Bon, bien sûr que j'abuse quand je dis les seules femmes puisqu'il y en avait d'autres. Personnellement, j'ai eu plusieurs aventures mais je ne suis jamais vraiment resté en couple. Mon cœur s'est attaché une fois, personne n'est au courant, mais depuis je n'ai plus envie de revivre ça. J'ai eu trop mal quand j'ai dû laisser partir cette personne que j'aimais.
Je regarde à nouveau le message sur mon téléphone.
Sam
« Tu viens ce soir ? Tout le monde sera là. Ta tronche de cake me manque. RDV à 19 heures chez nous ».
Je dois dire que j'ai bien besoin de me changer les idées et je suis à court d'excuses pour détourner l'invitation. N'allez pas croire, j'aime mes amis, mais depuis que je travaille, je suis dans une sorte de bulle « métro, boulot, dodo » et je n'ai pas envie d'en sortir. Je me surprends même à apprécier passer du temps avec moi-même, à être beaucoup plus casanier. J'ai fait mon quota de sorties et de dérives lorsque j'étais jeune, je pense que c'est ça qu'on appelle s'assagir, ou vieillir.
Soudain, mes yeux s'ouvrent en grand alors qu'ils se promenaient sur le calendrier de mon bureau. Je claque automatiquement la paume de ma main sur mon front. Mais bien sûr ! Qu'est-ce que je suis stupide ! C'est l'anniversaire de Rob' !!! Je dois me dépêcher ! Je glisse mon téléphone dans ma poche, j'attrape la veste de mon costume sur ma chaise de bureau, j'éteins mon ordinateur. Il faut que je file en ville pour trouver un cadeau immédiatement avant de rentrer pour me préparer.
Je ferme la porte à clefs et passe devant la réception où Miranda tire sur sa robe pour exposer davantage son décolleté gonflé. Elle me fait un grand sourire injecté de botox accompagné d'un regard charmeur souligné par des yeux de biches, en même temps vu la taille de ses faux-cils, elle octroie ce regard à tout le monde. Elle n'est pas méchante mais elle n'a vraiment pas besoin de tout cet attirail. A une époque je me serais peut-être laissé amadouer par tant de vulgarité, mais depuis quelques mois, je suis un autre homme.
— Tu t'en vas déjà James ? me demande-t-elle.
— J'ai une course à faire pour un truc que j'avais totalement oublié, j'y vais vite ! lui réponds-je poliment.
Je me précipite vers l'ascenseur en lui souhaitant une bonne soirée et un bon week-end. Je fixe l'heure sur ma montre comme si j'avais le pouvoir d'arrêter le temps mais je constate qu'il est seulement dix-sept heures, ça devrait pouvoir le faire. Il faut absolument que je rentre chez moi, hors de question d'aller chez Sam et Robert en costard !
*
Punaise, à chaque fois que j'essaie de tout faire pour être à l'heure, je suis en retard. En même temps, si la vendeuse avait fait son travail au lieu d'essayer de me draguer, peut-être que j'aurais pu arriver à l'heure. Sam va me tuer ! Je le connais, mais bon je sais aussi que je l'ai mérité cette fois-ci. Je ne sais pas comment j'ai pu oublier l'anniversaire de Rob', moi qui suis d'habitude ultra ponctuel et qui n'oublie rien, ça m'agace.
Je m'inspecte dans le miroir sur pied installé dans un coin de ma chambre. J'ai enfilé un polo à manches courtes beige, un jean brut et mes baskets habituelles, enfin, celles que je porte lorsque je ne vais pas au travail. Je passe mes mains sur mon visage pour analyser ma barbe que j'entretiens depuis des semaines, avant de les relever dans mes cheveux châtains et épais. Je n'ai toujours pas pris l'habitude de me voir avec une barbe, si on peut vraiment appeler ça une barbe. J'ai déjà croisé des adolescents de treize ans en avoir une bien plus fournie que la mienne. Je ne sais pas ce qu'ils prennent au petit déjeuner mais j'aimerais leur recette. Bon, après je ne compte pas en avoir une trop longue, elle me suffit amplement comme ça. En attendant, j'ai l'impression de faire plus mûr, pas plus âgé, mais plus mon âge tout simplement. Je place mes lunettes rondes sur mon nez, je ne mets mes lentilles que lorsque je travaille. La sonnerie de mon téléphone me sort de mes pensées. Je l'attrape et je fais la grimace avant même de décrocher, juste en voyant le nom de celui qui me sort de mes songes.
— Sam, comment ça va ?
— Putain James qu'est-ce que tu fous ? On attend plus que toi !
— Oh moi ça va bien, je te remercie de t'en soucier.
— Oh ça va ! J'avais dit dix-neuf heures et tu n'es toujours pas là, Robert rentre dans trente minutes du boulot, alors magne-toi !
— Promis, je fais au mieux, mais je suis dans les embouteillages.
Bien sûr qu'il s'agit là d'un mensonge, je ne vais pas lui dire que j'étais en train de me mater parce que j'ai envie de faire bonne impression à mes amis que je n'ai pas revu depuis plusieurs mois. Je raccroche, prends un gilet à capuche bleu marine et mes clefs avant de fermer la porte à double tour. Je commence à descendre les quelques marches de mon immeuble quand je me rendre compte que j'ai oublié le plus important. Le cadeau ! Je lève les yeux au ciel en pestant et me dépêche de faire demi-tour.
*
Je me gare devant leur maison environ quinze minutes plus tard. Je ferme ma voiture et me dirige à l'entrée de la petite maison. Je frappe à la porte qui s'ouvre immédiatement sur mon amie Leah, comme si elle avait attendu mon arrivée.
— Ah enfin, on commençait à se demander si tu n'allais pas nous poser un lapin !
Elle me sourit en me prenant dans ses bras, son odeur fleurit rentre dans mes narines, sa chevelure de feu bouclée me chatouille le visage. Elle se décale pour me laisser rentrer. Sam débarque par surprise et m'attrape par l'épaule pour me tirer à l'intérieur de l'habitation.
— Bon sang ! Mais dépêchez-vous de fermer cette porte il va arriver, allez-vous cacher !
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Stupide James ! [MM]
RomanceA Londres, depuis quelques temps, James a pris l'habitude de faire faux bond à sa bande d'amis, préférant se faire absorber dans le tourbillon du "métro, boulot, dodo". Il finit par accepter de les rejoindre lors d'une soirée, seulement James ne s'...