14) James

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Je souris en le voyant agir, je rêve où j'ai failli le faire sourire ? J'aimerais qu'on puisse se parler, j'ai tant à lui dire. Je ne m'attends pas à ce qu'il me pardonne, ou même qu'il comprenne mon choix à l'époque, mais j'aimerais pouvoir me rapprocher de lui à nouveau. Il est si près de moi et en même temps il est hors de portée. Je l'observe attraper la tasse cartonnée, remplie de café latte que lui tend Roy.

Merde, mais c'est qui ce guignol ? J'aimerais savoir pourquoi River est le seul à avoir pu ramener son petit ami ? Non pas que j'aurais aimé venir avec quelqu'un mais ça me gêne de devoir supporter leurs démonstrations. Est-ce qu'il sait ce qu'il fait dans ce club où je l'ai croisé l'autre soir ? River embrasse chastement ses lèvres et je peux voir de la surprise dans le regard du livreur de caféine. Qu'est-ce que cela signifie ?

Le trajet se finit rapidement et nous arrivons pratiquement deux heures plus tard devant la maison des parents de Robert. Je me souviens être venu passer un été ici quand nous avions quinze ans. La baraque à la devanture de pierres blanches est énorme ! De devant on ne peut rien laisser deviner, mais si mes souvenirs sont bons, derrière la vue est imprenable. Elle se tient sur deux étages et comporte quatre chambres. Le rez-de-chaussée est composé d'un hall d'entrée qui donne sur les escaliers ou sur un long couloir qui nous fait arriver sur une immense cuisine américaine, ouverte elle-même sur une salle à manger très lumineuse. Tout est fait de bois blanc sur un sol de carrelage gris anthracite à l'exception du dessus des meubles de la cuisine et du plan de travail qui en plus sont couverts de marbre blanc. La baie vitrée mène à une terrasse aménagée puis sur un jardin aux contours arborés et à la pelouse verte impeccable.

A la droite de la salle à manger, un spacieux salon avec un énorme canapé en U qui fait face à une télévision tellement grande qu'on pourrait penser à un home cinéma. Des plantes vertes et différents cadres de peinture viennent décorer la pièce. Plus loin, il y a la porte qui mène au garage qui cache un garde-manger, et enfin une première salle d'eau avec des toilettes. Au premier étage, il y a un deuxième salon, plus petit que celui du rez-de-chaussée, il n'y a qu'un canapé d'angle avec un pouf de l'autre côté, seulement là-haut il n'y a pas de télévision mais une bibliothèque avec des livres et des jeux de société. Deux chambres immenses sont séparées par une salle de bain et des toilettes dissociés. Enfin, au deuxième et dernier étage il y a une suite parentale que Sam et Robert vont prendre, ainsi qu'une dernière salle de bain et la quatrième et dernière chambre qui est un peu plus grande que les deux autres. On décide alors que Maria et Leah la prenne pour qu'elles puissent avoir plus d'espace. Je vais partager la mienne avec Pete et enfin Roy et River prennent celle qui se trouve en face de la nôtre.

Quand nous étions jeunes, les parents de Robert dormaient dans la suite parentale. Les filles dormaient toujours dans celles qu'on leur a laissé. Je partageais déjà la mienne avec Peter et en face on pouvait entendre Sam et Robert batifoler comme ils l'ont toujours fait.

Je descends après avoir vidé ma valise dans mon armoire. J'aperçois River en train de fumer sur la terrasse, son sourire est radieux, un sentiment de jalousie m'envahit puisqu'il ne m'est pas destiné et je n'en suis pas le responsable. Je peux entendre des bribes de la conversation qu'il partage avec Roy que je vois de dos.

— La maison est incroyable, la vue est dingue ! Tu crois qu'on peut descendre d'ici jusqu'à la crique ?

— Je ne suis jamais venu ici mais Sam en disait toujours du bien à mes parents lorsqu'il revenait de ses vacances. Je pense que tu peux descendre, il disait que la maison était à cinq minutes à pieds de la plage.

— Merci de m'avoir forcé à venir avec toi. Et dire que j'avais l'impression de faire ça seulement pour ton petit cul, je pense que je vais pouvoir en profiter moi aussi.

— Et mon petit cul te le rendra bien, rajoute River en riant.

Une part de moi déteste vraiment les mots qui sont parvenus à mes oreilles et me font comprendre que River est avec quelqu'un d'autre. L'autre part se ravit d'entendre son rire mélodieux, celui qui vient du cœur et me fait vibrer. Leah me dépasse dans la cuisine en me donnant une tape sur les fesses puis elle se dirige sur la terrasse. Je constate qu'elle porte déjà son maillot de bain une pièce sous son short en jean. Des sandales aux pieds, son chapeau de paille sur la tête.

— Vous êtes partants pour aller à la plage ?

— Avec plaisir, justement je me demandais si on pouvait descendre à la crique juste en bas, dit Roy.

— C'est ça qui est génial avec ce petit coin de paradis c'est que tout est à portée de mains, ou presque, fait Leah avec un sourire charmeur.

Je rêve où elle est en train de mettre le grappin sur Roy, et cet abruti est totalement en train de se laisser envouter. Mon amie prend ses aises et ne se gêne pas pour s'appuyer sur l'épaule du grand barbu, cela n'a pas l'air de le déranger le moins du monde, au contraire. Ce qui me surprend le plus c'est que River n'a pas l'air vexé, est-ce qu'il tient vraiment à ce type ? Je passe alors la baie vitrée pour les rejoindre à l'extérieur. Pete, Sam et Robert se joignent à nous une micro seconde après mon arrivée.

— Bon si tout le monde est partant on va se baigner ? propose Rob' comme s'il avait eu l'idée du siècle.

Maria nous rejoint dix minutes plus tard, et nous nous mettons alors tous en route pour la crique située plus bas. Ce qu'il y a de bien ici c'est qu'on doit seulement longer quatre à cinq propriétés avant de trouver des escaliers qui nous font descendre le long de la falaise sur laquelle les maisons sont suspendues. Les gens du quartier disposent alors d'une petite parcelle de sable et peuvent bénéficier de l'eau de la mer qui s'est glissée dans un couloir privé appelé la rivière Gannel. On a au moins la chance de pouvoir éviter la population qui s'amasse sur la plage populaire de Fistral.

On pose nos serviettes sur le sable, les filles en profitent pour se tartiner de crème. J'observe à travers mes lunettes de soleil River qui retire son t-shirt, dévoilant son torse pâle et parsemé de tatouages. Ils ne sont pas très gros mais il en a quelques-uns, tous dans un style que je cataloguerai de rétro. Il a une hirondelle sur chacun de ses pectoraux, un cœur transpercé par une dague sur son sternum et le haut de son ventre, une date sur la clavicule que je reconnais être la sienne. Sur son bras gauche je peux voir un crâne entouré d'un serpent, un diamant, un cœur noir brisé sur son épaule. Lors de mon analyse, je constate que sur son poignet une phrase est écrite et remonte dans son bras, mais d'ici je ne peux pas la lire. Il est vrai qu'il a changé, mais il m'intrigue encore plus que ce qu'il ne le faisait à l'époque. Mes yeux sont interpellés par la petite scène à côté où Leah est en train de s'appliquer à étaler de la crème sur le corps musclé et excessivement tatoué de Roy. Pete, qui se tient à mes côtés regarde dans la même direction en pestant.

— Peut-être que je me trompe, mais je n'ai pas vraiment l'impression que Roy soit gay. Alors, soit c'est une entourloupe, soit il est en train de jouer avec les sentiments de River. En tout cas, je n'aime pas ça !


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Stupide James ! [MM]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant