2) James

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Leah referme la porte derrière nous et nous suivons Sam jusqu'à la cuisine où nous retrouvons Pete et Maria que j'enlace à tour de rôle, puis je vais serrer la main à des amis et collègues que je connais vaguement de vue.

— Wow ! James est-ce vraiment toi ? demande Pete en attrapant mon menton et en tournant mon visage qu'il inspecte.

Il faut dire que la dernière fois qu'ils m'ont vu, je n'avais pas encore pris la décision de laisser pousser ma barbe, et je sais qu'elle me change, mais ce n'est pas non plus quelque chose de rare. Surtout que Pete a une moustache et Sam porte aussi une petite barbe ou plutôt un bouc.

— Qu'est-ce que tu nous caches ? sourit Pete.

J'attrape la main sa main et la retire de mon visage.

— Je ne cache rien du tout.

— Mais laissez-le, le pauvre, pour une fois depuis des mois que James se pointe à nos soirées. Je suis ravie de te revoir, et la barbe te va à ravir, me sourit Maria.

Je la remercie. Maria a toujours été la plus sage d'entre nous tous, la plus douce. Elle vient d'une famille africaine de dix enfants, je pense qu'elle connait le conflit et qu'elle a l'habitude de gérer. Elle a beau être la plus jeune d'entre nous, elle est largement la plus mature. Ensuite, je dirais que c'est Robert, puis Pete. Honnêtement, Sam, Leah et moi sommes une sorte de triplés de l'Enfer. Nous sommes constamment en train de nous chercher, mais tout cela reste parfaitement amical. Jamais nous n'en sommes venus aux mains, et si jamais nous nous disputions, cela s'effaçait généralement en quelques heures.

Un bruit provenant de l'extérieur nous indique que Robert est en train de se garer dans l'allée. Tout le monde retient son souffle en silence et s'installe selon les indications de mon meilleur ami. Rob' déverrouille la porte, il rentre dans le salon et appelle Sam pour le prévenir de sa présence. Sam nous fait signe de la tête et nous nous jetons tous dans le salon en criant en cœur.

— SURPRISE !

Rob' ouvre grand les yeux, il nous regarde tous un par un avant de sourire plus franchement, découvrant ses dents parfaitement alignées. Il semble vraiment surpris, comme s'il ne s'y attendait pas alors que tous les ans c'est la même chose.

Il nous remercie puis vient nous saluer chacun. Il n'a que vingt-cinq ans, mais ce n'est pas rien ! Un quart de siècle ça se fête ! Il vient enlacer Sam dans ses bras pour le remercier d'avoir tout organisé et ils échangent un tendre baiser. Je les observe en souriant, ils sont le jour et la nuit mais ils se complètent bien. Sam est de nature extravagante voire excentrique. Ses cheveux bruns et courts sont toujours indisciplinés, il porte toujours des t-shirts avec des groupes de musique dessus, des jeans déchirés et des bottes de cowboys. Avec son bouc brun, il est comme ces vieilles Rockstars grunges sauf qu'il a la vingtaine. Il fait la même taille que moi, aussi musclé que moi, quoi qu'il a l'air d'avoir un ventre qui commence à se relâcher, sûrement à cause de l'alcool qu'il apprécie. Robert lui, est un scientifique, des lunettes rectangulaires se tiennent sur le haut de son nez, ses cheveux clairs sont courts et bien coiffés, ses t-shirts sont neutres, ses jeans n'ont pas de trou et il porte toujours des baskets. Ce qui le distingue c'est qu'il a une cicatrice sur le nez et l'arcade sourcilière gauche, il les a obtenues lors d'une expérience qui a mal tourné et où tout lui a explosé à la figure à la fac. Mais il n'est pas défiguré pour autant, ça lui donne un petit côté rebelle. Heureusement, son œil n'a pas été touché parce qu'il est en plein milieu de cette belle gravure cutanée. Il reste un bon vivant qui commence à se faire bedonnant, mais à en croire Sam c'est ce qui le rend sexy comme un « gros nounours ».

La soirée se déroule dans la joie et la bonne humeur. Ça fait beaucoup de bien de retrouver mes amis. Ils avaient continué à se voir une à deux fois par mois, je suis le seul qui s'est mis un peu en retrait. Je m'excuse d'ailleurs auprès d'eux, mais je n'y peux rien si après une journée de travail tout ce dont j'ai besoin c'est de rentrer chez moi pour me reposer plutôt que d'aller faire la fête.

— Qui aurait cru que tu deviendrais comme ça ? demande Leah.

— C'est sûr que, quand on te connait aussi bien que nous ça fait bizarre, dit Pete.

— Vous parlez comme des vieux ! dis-je.

— C'est vrai qu'on n'a plus dix-sept ans, mais c'est toi qui vit comme un vieux. Hey, vous vous souvenez au bal de promo quand c'est Sam qui a été élu roi au lieu de toi James ? Je pense que c'est à partir de là que ton égo en a pris un coup, sourit Robert.

— Vous rigolez j'espère ? Ça ne l'a pas empêché d'aller baiser Kateryn Garett dans les toilettes du lycée, me pique Leah.

— On sait tous que tu aurais aimé que ça soit toi à sa place, taquiné-je.

Je souris en lui donnant un coup d'épaule, elle me fait une grimace. Leah n'a jamais apprécié que je la laisse en plan pendant le bal de fin d'année pour aller me faire plaisir pendant vingt minutes avec Kateryn. Il faut dire que Leah était ma cavalière, et je pense aujourd'hui, avec le recul, que si elle m'avait planté pour faire pareil avec un autre garçon, je l'aurais très mal pris aussi. Il n'y a jamais eu d'ambiguïté entre nous. Mais c'était la période où je déconnais pas mal. Je me cherchais. Pas vraiment sûr que je me sois trouvé à l'heure actuelle, mais j'avais le cœur perdu et la tête embrumée. J'ai fait beaucoup de choses que je regrette, mais elles font qui je suis.

Je regarde ma montre et je suis surpris de voir qu'il se fait déjà tard, j'ai l'impression que cela fait seulement une petite heure que je suis arrivé. J'observe mes amis discuter et rire entre eux, et je me rends compte que chacun d'eux m'avaient éperdument manqué. C'est incroyable comme le temps passe vite, la vie est étrange. Nous pouvons passer des semaines sans nous voir et quand nous le faisons, c'est comme si nous nous étions vus il y a seulement quelques heures. Un jour, nous sommes des étudiants et le lendemain nous rentrons dans le monde du travail. J'aimerais qu'on puisse arrêter le temps et rester figé à cet instant. Leah qui danse avec Pete, Maria qui rit à gorge déployée, Sam qui se love contre Rob'. Les autres invités ont l'air aussi de passer du bon temps.

Je suis interrompu dans mes pensées par la sonnerie qui s'élève à l'entrée. Constatant que je suis le seul à m'en rendre compte, je me lève pour aller répondre. Je tourne la clef dans la serrure et mon cœur rate un battement alors que je plonge la tête la première pour me noyer dans ces yeux océans que je pensais ne jamais revoir. Ma respiration se coupe sans que je ne m'en aperçoive.

— River ? finis-je par chuchoter à bout de souffle.

Son regard se durcit, ses yeux se détachent de moi. Il me répond froidement.

— Tu comptes rester planté là, ou je peux rentrer ?

Il n'attend pas que je me décale, il me pousse brutalement de l'épaule pour pouvoir passer. Je ne me trompais pas, le temps m'a bien rattrapé.


*

Stupide James ! [MM]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant