13) River

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Je regarde la voiture de son père s'éloigner, je fixe sa trajectoire et il me fait un signe de la main lorsqu'il passe devant moi. Je n'en reviens pas qu'il se souvienne de moi.

J'ai passé quelques nuits chez ses parents, mais à aucun moment l'un d'eux ne s'est posé la question de savoir pourquoi c'était moi qui venait passer la nuit et non Sam. On prenait le repas à table mais ses parents se disputaient souvent, ils ne nous portaient pas vraiment d'attention et j'essayais de distraire James pour lui apporter un peu de réconfort parmi le conflit qu'il vivait inconsciemment. En général, dès qu'on avait fini de manger on allait bien souvent s'enfermer dans sa chambre. On regardait des films, on écoutait de la musique, je lisais des livres pendant qu'il jouait aux jeux vidéo, James me faisait de nombreuses éloges, il était attentionné et il me répétait sans cesse qu'il avait de la chance de m'avoir dans sa vie. On finissait toujours par se cajoler avant de s'endormir enlacés. C'était surtout moi qui m'endormait alors que James me procurait de douces caresses sur le haut de mon corps, il me prenait dans ses bras en embrassant mon front. Il me traitait comme si j'étais un bijou précieux qu'il ne fallait pas briser. Je me souviens encore de la chaleur de sa voix dans mon oreille alors qu'il me chuchotait amoureusement qu'il m'aimerait pour toujours et que bientôt il serait prêt à l'annoncer aux autres. Et moi naïvement, j'y ai cru. Stupide James ! Toujours à avoir les bons mots. Ça avait été trop beau et trop intense pour que ça puisse durer.

Je tourne ma tête en direction de James et pour une fois je ne fronce pas les sourcils. Je l'analyse, après avoir dit aurevoir à son père il s'est rapproché de Sam et Robert avec qui il parle. Une main dans la poche de son jean droit, l'autre qui passe dans ses cheveux châtains en les rabattant en arrière avant qu'ils ne retombent sur son front. Il rit à une blague de mon frère et alors nos yeux se croisent. Il pose son regard sur moi en me souriant timidement. Je me rends bien compte qu'il essaie de faire le premier pas vers moi, mais je n'ai jamais su le retenir alors pourquoi est-ce que je devrais le laisser revenir aussi aisément ? Stupide James ! Tu mérites de galérer, de toute façon nous ne pourrons jamais devenir amis.

Le bruit d'un klaxon nous interrompe subitement dans notre contemplation. Leah est au volant, Pete sur le siège passager et Maria à l'arrière. Ils garent leur voiture dans l'allée avant de sortir bruyamment. Ils sont excités comme des puces, je souris en les saluant, ils me rappellent tant la bande d'amis que j'aurais aimé avoir et que j'enviais à mon frère lorsque je n'étais qu'un adolescent. Je suis content de pouvoir partir avec eux.

— Bon alors on est tous là ? demande Maria en se frottant les mains prête à monter dans le van.

J'allais pour répondre qu'il manquait quelqu'un mais le grondement de la moto de Roy résonne par-dessus ma voix. Il s'arrête devant la maison avant de couper le moteur. Comme une scène au ralenti, il descend de l'engin et retire son casque avant de passer sa main dans ses cheveux pour se recoiffer. Il ouvre sa veste en cuir pour laisser apparaitre un t-shirt qui met en valeur son corps en V, je souris en observant les filles puisqu'apparemment il réussit son coup en les mettant bouche bée devant ce spectacle de motard. Je pense qu'il a toutes ses chances avec Leah s'il se décide à dépasser sa timidité. Dommage pour lui, j'ai d'autres plans pour le moment. Je me mords la lèvre et me précipite sur lui pour lui sauter dans les bras. Je fais exprès de l'embrasser au coin des lèvres en appuyant quelques longues secondes dessus. Il recule sa tête en m'observant et me chuchote.

— Tu viens de me griller mon superbe spectacle pour charmer Leah là ?

— Fais semblant d'être mon petit ami jusqu'à demain et après tu pourras faire le barbu tatoué et sexy autant que tu veux, ça marche ?

— Et tu me files cent livres ?

— Cent ? T'es sérieux ? Mais c'est moi !

— Ah ben vu que c'est toi je double ma demande, rit-il.

— Ok alors on a un deal ? dis-je en grinçant des dents.

— Deal !

Il sourit et agrippe mes fesses avant de poser ses lèvres directement sur les miennes. Je souris contre sa bouche, je ne m'attendais pas à autant venant de lui, mais je suis content qu'il joue le jeu aussi bien. Bien sûr, il est hors de question qu'on s'embrasse avec la langue, mais l'échange est suffisamment convaincant. Je l'attrape par la main et je le présente aux autres. Je peux voir dans le regard des filles un brin de jalousie scintiller, de l'interrogation dans ceux de Sam et de Robert à qui je chuchote discrètement « c'était pour rire ! ». Pete semble totalement s'en moquer, en revanche Roy et James se lancent une sorte de concours de coqs, à celui qui osera cligner des yeux le premier, auquel je me délecte pleinement.

Nous prenons place à bord du van, Robert tient à conduire parce que c'est sa location, il ne veut donner la responsabilité à personne d'autre, même si financièrement nous avons tous payé une partie de la somme, mais c'est lui qui a donné ses papiers. Signification : s'il laisse le volant à quelqu'un et que cette personne ose abimer le véhicule qu'il a lui-même loué, il lui brise les doigts. De ce fait, Sam se met côté passager. A l'arrière il y a neuf places. Six qui sont occupées par nos êtres et celles du fond qui sont destinées pour nos bagages. Sur les premiers sièges, Leah s'installe sur le côté gauche, Roy est au milieu et ravi, et je suis assis à sa droite. Derrière nous, Pete se place sur le siège gauche, Maria au milieu et James à droite, juste derrière moi. Robert démarre la voiture et nous voilà en route pour dix jours de vacances au bord de la mer.

Pendant le trajet, je pose ma tête sur l'épaule de Roy et il joue très bien le jeu en frottant sa joue tendrement sur le haut de mon crâne. Il est vraiment le meilleur des amis, même s'il est déjà plongé dans une conversation avec Leah au sujet d'une musique dont je n'ai jamais entendu parler mais qu'ils ont l'air d'apprécier tous les deux.

Robert fait un arrêt au bout de deux heures pour remettre de l'essence et boire un café. Les filles s'empressent de sortir pour aller aux toilettes, Roy me laisse pour aller se dégourdir un peu les jambes, je lui demande de bien vouloir me rapporter un café au lait. Je me retrouve seul dans le véhicule avec James et Pete. Ce dernier ronfle, la tête en arrière et la bouche ouverte.

— J'aimerais vraiment qu'on puisse se parler, chuchote James.

— Je crois que nous n'avons rien à nous dire.

— Au contraire, nous avons beaucoup à éclaircir.

Je me retourne pour lui faire face, je pince les lèvres en constatant qu'il s'est approché de moi bien plus que je ne le pensais. Il met ses deux mains sur le bord de mon dossier et pose son menton dessus, ses yeux sont suppliants. On se détaille quelques instants en silence. Stupide James ! Pourquoi est-ce qu'il m'observe ainsi, je sens mes joues se réchauffer et je ne peux m'empêcher de pincer encore une fois mes lèvres pour retenir un sourire qui ose me trahir et se former sur ma bouche.

— Tu as toujours cette habitude irrésistible qui me faisait craquer, ajoute-t-il.

— Et toi tu as toujours ton air imbu de toi-même qui pense que je pourrais me jeter dans tes bras.

— Est-ce que c'est le cas ?

Il me fait un sourire en coin qui vient faire vibrer mon cœur. Et merde ! Je déteste savoir qu'après toutes ces années à le détester, il me fait toujours de l'effet. Les portes du van s'ouvrent et le vacarme extérieur s'invite dans le véhicule. Je ne réponds pas et me retourne en boudant comme un enfant, me perdant dans mes songes.


*

Stupide James ! [MM]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant