Je m'en veux terriblement de lui avoir infligé toute cette souffrance. J'aimerais avoir le pouvoir de remonter le temps pour que nous ayons à nouveau seize et vingt ans, que nous soyons enfermés dans ma chambre et qu'il n'y ait plus que nous dans notre bulle sans le monde déchirant qui nous entoure.
— Je vais préparer du thé, lance Maria.
— Je t'accompagne, dit Pete.
Je serre mes bras autour de sa taille fine et je l'entends renifler dans mon cou. Je me penche à son oreille et chuchote.
— Pardonne-moi.
Il s'accroche plus fort à mon t-shirt. Je dépose un baiser sur le haut de son crâne en frottant son dos et je regarde à nouveau Sam qui semble se détendre. Il s'assoit sur la table basse et nous fixe.
— Mais c'est arrivé comment ? demande-t-il.
— Quand je venais chez vous et que Robert était déjà là, je vous attendais dans le salon et River venait me tenir compagnie.
— Tu es en train d'insinuer que c'est de ma faute si tu es allé pervertir mon petit frère ?
— Sam, calme toi s'il te plait, je n'ai jamais insinué quoi que ce soit. Je t'explique juste. Tu me demandes, je t'explique.
— Et si tu veux tout savoir, on a couché ensemble seulement quand j'ai eu seize ans, ajoute River.
Sam blêmit et je crois que pendant trente secondes, un silence des plus bruyant s'impose à nous. River souffle et il se rapproche de son frère, il s'assoit à ses côtés et lui prend la main.
— Ce n'est pas de ta faute Sam. James venait souvent à la maison et, il m'intriguait. J'étais heureux de savoir qu'un mec comme lui pouvait m'accorder de son temps alors que j'étais seul à la maison.
Ses joues changent de couleur et le temps que ses mots m'atteignent, mon regard sur lui change.
— Un mec comme moi ?
Maria nous appelle pour nous indiquer que le thé est prêt. Leah tire Roy à elle pour retourner à l'étage. Pete se retire également. Sam et Rob' vont alors à la cuisine pour se servir une tasse et je me rapproche de River en me mettant au sol à genoux devant lui. Je pose une main sur sa cuisse et je le cherche du regard.
— Un mec comme moi ? répété-je.
Ses yeux brillants fondent dans les miens, son sourire timide s'installe sur son visage.
— Tu sais très bien.
— Non, dis-moi.
— James...
— River ?
— Tu sais, un mec populaire, inaccessible, sportif, beau, que tout le monde désire mais que personne ne peut avoir.
— C'est faux, tu m'as eu.
— Mais je t'ai perdu.
Il se relève lentement, je comprends qu'il ne veut pas parler plus du passé encore une fois, surtout la partie où je l'ai brisé.
Nous finissons tous par retourner nous coucher. Sam s'approche de moi et me met en garde.
— T'as pas intérêt à toucher River dans cette maison, ce n'est pas parce que les tensions sont apaisées que j'ai envie de te pardonner de m'avoir menti.
— Sam, je n'ai jamais voulu te mentir. D'ailleurs, je ne t'ai jamais menti, je ne t'en ai juste jamais parlé.
— A quel moment exactement nous-sommes-nous perdus ?
Ses derniers mots résonnent en moi et me blessent. Je suis planté dans la cuisine à regarder l'escalier où Sam n'est déjà plus. Une douce main fine se glisse dans la mienne, je me retourne pour plonger dans la beauté de River. Ses yeux bleus envoutants, ses joues rouges, ses lèvres roses, ce teint si pâle, ce contraste entre un ange et un rebelle. Il s'approche avant de me coller un sopalin humide sous le nez. Il frotte doucement, je gémis à cause de la gêne et je me rends compte qu'il devient rouge. C'est vrai que j'ai un peu saigné à cause du coup que Sam m'a donné. Je me penche sur lui pour l'embrasser au coin des lèvres.
— Merci.
— Ça me rappelle le lycée, quand je devais nettoyer tes plaies après tes matchs de rugby.
On retourne dans le salon pour se coucher et River s'endort rapidement. J'observe son visage si doux, il a l'air d'un ange quand il dort. J'avais oublié à quel point j'adorais l'observer dormir. J'admire son nez où l'arête est fine, concave, son bout relevé. Je pose mes lèvres sur son front avant de plonger mon nez dans ses cheveux noirs et bleus.
*
Je prends cette nouvelle journée du bon pied. Dormir sur le canapé n'était pas des plus confortable, mais me réveiller avec River dans mes bras est la plus belle des récompenses. Et pourtant, lorsqu'il a ouvert les yeux, parce que les autres s'agitaient dans la cuisine pour se préparer le petit déjeuner, il a ronchonné. Sa tête était adorable, mais, alors que je l'admirais un peu trop, il m'a balancé un coussin sur la figure.
Le soleil est de retour et nous sommes de retour à la crique. Leah est totalement collée à Roy telle une moule à son rocher. J'en connais deux qui se sont bien amusés hier soir. River est allongé sur le ventre à mes côtés en train de lire un livre posé sur la serviette de bain. Tête baissée, il porte ses lunettes de soleil, il a laissé une trace blanche sur son nez pour être sûr de ne pas se reprendre de coup de soleil dessus. Ses cheveux sont emmêlés à cause du vent et du sel de l'eau, ils lui donnent un côté sauvage.
— Ta lecture te plait ?
Je sais qu'il a horreur d'être interrompu, mais j'ai besoin de l'entendre parler. Maintenant que je l'ai si proche de moi, je veux rattraper le temps perdu et je meurs d'envie de l'entendre me raconter ses livres.
— Victoria finit seule, elle décide de prendre du temps pour elle. Tout le livre, on nous dit que son cœur vacille entre Pedro son amour de jeunesse et Henri son petit ami à Edinburgh. Elle n'arrive pas à oublier Pedro et a tendance à tout comparer à lui, Henri est trop bien pour elle et elle a le sentiment de tourner en rond, de manquer d'aventures. Donc, elle prend la décision de rompre et c'est comme ça que finit le livre... Ais-je vraiment pensé qu'Henri était l'homme qu'il lui fallait ? Oui. Aurais-je aimé avoir une aventure palpitante avec Pedro ? Certainement. C'est frustrant de ne pas avoir une vraie fin heureuse.
Je l'écoute parler en souriant, j'adore qu'il me raconte ses histoires, même si je ne comprends rien, je trouve ça amusant de le voir s'investir. Sur le dos, je me redresse sur mes coudes et me penche vers lui.
— Tout ce que je retiens c'est que c'est plus fun avec Pedro.
— Bien sûr que c'est ce que tu retiens, un pervers sait en reconnaitre un autre, dit-il en levant les yeux au ciel.
Il pense que je ne le vois pas, mais j'aperçois l'ombre de ses yeux à travers ses lunettes. J'embrasse son épaule, avant que mes yeux ne viennent observer son tatouage au poignet qui remonte sur son bras.
— C'est quoi ce tatouage ? Qu'est-ce qu'il signifie ? demandé-je.
Il baisse la tête sur son poignet, je le vois rougir et il cache son bras avec son autre main.
— Quel curieux tu fais, je ne pense pas que tu puisses me poser ce genre de question.
Je me redresse et monte alors sur ses fesses, il essaie de se débattre mais je le bloque, il essaie de cacher son bras en criant et riant. Il réussit à se retourner, je lui attrape les poignets et les plaques sur sa serviette, je me penche sur lui pour observer les mots encrés sur sa peau. Je peux alors lire « Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé », je comprends que c'est du français, mais je n'en connais toujours pas la signification. Il évite mon regard avant de me repousser.
— C'est bon, tu as fini ? Tu peux descendre ?
*
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Stupide James ! [MM]
RomanceA Londres, depuis quelques temps, James a pris l'habitude de faire faux bond à sa bande d'amis, préférant se faire absorber dans le tourbillon du "métro, boulot, dodo". Il finit par accepter de les rejoindre lors d'une soirée, seulement James ne s'...