7) James

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Il vous est déjà arrivé de vous demander ce que vous faisiez à un endroit ? Je suis en réunion et celle-ci a seulement commencé depuis cinq minutes que toute mon attention s'en est allée. J'ai l'impression que je vais m'endormir à tout moment, mes yeux me démangent et la luminosité de la pièce me les fait cligner sans que je ne puisse me contrôler, je n'arrive pas à m'intéresser à ce qu'il se dit. Ma jambe se secoue frénétiquement pour me maintenir éveillé. Mon ouïe se déconnecte doucement du discours soporifique qu'est en train de nous servir Hans, notre directeur. Les bruits de mastication de chewing-gum provenant de la bouche de Miranda qui est assise face à moi sont en train de m'agacer au plus haut point. Je lui lance un regard sévère mais j'ai peur qu'elle ne l'interprète mal alors que je sens son pied sous la table qui vient se frotter le long de mon mollet. Mon regard se change pour faire paraître la surprise et elle me fait un clin d'œil. Je lève les yeux au ciel et me rassieds correctement sur ma chaise en me reculant subtilement pour ne plus être à la portée de ses pieds.

A la fin de la réunion, Pierre, le français de la boîte vient me voir, un gobelet en carton dans la main.

— Café ? me demande-t-il avec un accent.

— Merci, j'en ai bien besoin !

— Toi aussi tu as trouvé que le discours d'Hans était à mourir d'ennui ?

Je le regarde en souriant et je bouge ma tête de façon affirmative. Anthony se joint à nous avec un air bien heureux sur le visage.

— Vous venez toujours ce soir ?

— Je ne manquerai ça pour rien au monde, dit Pierre.

— Il se passe quoi ? demandé-je.

Tous les deux se regardent, Anthony fait une moue faussement offusquée avant de se pencher vers moi pour chuchoter.

— Tu ne te souviens pas ? On fait un pot de départ pour Jimmy.

— C'est soir ? m'interloqué-je en me tapant le front. J'avais totalement oublié !

— Tu comptes nous faire faux bond, ajoute Pierre.

— Absolument pas, j'ai dit que je viendrais, je serai là.

— Tant mieux, c'est moi qui ai réservé le restaurant, dit Anthony en me faisant un clin d'œil.

Anthony est ouvertement gay et il flirte avec tous les hommes de la boîte, même avec Hans. Ne sait-on jamais si cela pouvait lui offrir une superbe promotion ça peut être un bon plan. Je fais un sourire en coin avant que mon regard ne croise à nouveau celui de Miranda. Elle s'approche lentement avec une démarche féline. Il faut que je m'éclipse de là au plus vite avant de me faire attraper dans sa toile !

— Merde les gars, je dois vous laisser mais je vous retrouve tout à l'heure, d'accord ?

Sans leur laisser un instant de réflexion je me dépêche de sortir de la salle. Je vais dans mon bureau et prends mes affaires, mon téléphone se met à sonner au même moment. Je décroche sans même regarder mon interlocuteur.

— Oui, allô ?

— James Porter vous êtes prié de confirmer votre présence à nos vacances de groupe ! Merci de bien vouloir m'informer pour que je puisse tout organiser !

Je ris en reconnaissant la voix de Robert, il aime que tout soit bien organisé et qu'il puisse gérer ce qu'on va faire. Je peux comprendre que Sam aime se laisser porter par sa guidance.

— Pour être honnête ça m'est totalement sorti de la tête. Je peux te dire ça plus tard ?

— James, on doit partir dans trois jours, je suis en train de réserver un van pour tout le monde comme ça on fait la route ensemble.

— Je ne sais pas, dis-je hésitant.

— S'il te plaît, tu sais que ce n'est pas pareil sans toi, on a besoin de toi pour être au complet. Ça ferait encore plus plaisir à Sam que tu sois là.

— Très bien compte moi parmi vous, mais s'il te plait ne me fout pas au milieu du van j'ai horreur de ça.

Il rit et nous mettons fin à la conversation. Je rentre dans ma voiture, m'assois côté conducteur, je place mes mains sur le volant avant de poser mon front dessus. J'espère que ces vacances vont bien se passer, et que j'aurais la chance de pouvoir parler avec River. Je ferme les yeux quelques instants pour me remémorer son visage. J'angoisse déjà à l'idée de passer dix jours avec lui, alors qu'avant l'autre soir nous avions passé près de quatre années sans nous voir. Est-ce que c'est normal d'avoir l'envie extrême de le revoir absolument désormais ?

*

Je sors de chez moi, prêt à rejoindre mes collègues pour le pot de départ de Jimmy. C'était sympa de travailler avec un gars comme lui. La boîte lui a proposé de muter dans les bureaux d'Espagne, il a hâte d'y aller, il m'a déjà dit que là-bas les hommes étaient chauds comme la braise. Oui, il est gay et totalement assumé. Quand je suis arrivé il y a deux ans, il a essayé de me mettre le grappin dessus, mais je l'ai décliné poliment. Il m'a dit « toi, t'as eu un chagrin d'amour, ça se voit, mais tu sais que le sexe peut te sauver ? ». Bien sûr que non, le sexe ne m'a pas sauvé. Après River, je n'ai jamais voulu tenter avec un autre homme, simplement parce qu'ils ne m'intéressaient pas, mais aussi parce que je ne voulais pas oublier les sensations exquises que j'ai partagé avec lui. Et les femmes ? Elles m'ont toutes semblées bien fades. La dernière fois que j'ai couché avec l'une d'elle, c'était il y a six mois environ. On s'est trouvés sur une application de rencontre, ni elle ni moi ne cherchions quelque chose de sérieux, c'était parfait, sans prise de tête.

J'arrive au restaurant en métro. Je savais que ce soir je risquais de boire et je n'avais aucunement envie de passer à travers les rues contrôlées de Londres avec quelques verres dans le nez. J'aperçois Anthony, Pierre, Jimmy et je me joins à eux. Ils m'annoncent que nous devons encore attendre John et Dean qui auront un peu de retard à cause de la circulation, ils sont désespérément en train de chercher une place pour se garer. Vous vous demandez certainement pourquoi nous n'avons invité aucune collègue ? Tout simplement parce que Janice et Martha ont décliné l'invitation, elles sont vieilles et ont un certain rythme de vie. Anna doit s'occuper de son fils malade mais nous avons fait un repas sur le temps de pause du midi avec elle. Et nous ne considérons pas vraiment Miranda comme une collègue mais comme la « potiche de l'accueil », et je vous jure que ce n'est pas moi qui le dis.


*

Stupide James ! [MM]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant