26) River

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La porte de ma chambre s'ouvre à la volée et l'espace d'un instant j'ai cru que c'était James qui revenait comme un sauvage. Au lieu de ça, Roy se jette sur le lit, je souris en mordant ma lèvre, s'il savait ce qu'il s'est passé dans ce lit quelques minutes plus tôt... Heureusement, nous n'avons pas tâché les draps.

— Tu vas mieux ?

Il s'allonge sur le ventre et pose sa tête sur ses mains, les coudes plantés dans le matelas. Assis, le dos appuyé contre la tête de lit, je repose mon livre que je faisais semblant de lire.

— Oui ça va mieux, je me suis reposé et j'ai lu un peu.

— Tu as meilleure mine en tout cas.

Il tend le bras et me pince la hanche. Je peste et lui donne un léger coup de pieds sur l'épaule. Il attrape son coussin pour le mettre sous ses aisselles et être mieux en appui sur le ventre, son sourire s'agrandit.

— J'ai embrassé Leah.

— Sérieux ? Raconte !

— Franchement, vous auriez dû venir, on s'est super bien amusés. Ça m'a permis de mieux les connaitre. On a fait une bataille avec les filles, Pete et Maria contre Leah et moi. Tu sais, on portait les filles sur nos épaules. On a perdu et Leah boudait, alors je suis allé la voir et on a parlé un peu. Ensuite, elle m'a proposé d'aller faire la course au toboggan et que le dernier en bas devait réaliser le souhait de celui qui avait gagné.

— Donc tu as gagné, souris-je.

— Non ! Laisse-moi finir ! J'ai perdu, et alors qu'on était dans le jacuzzi elle m'a dit « Vu comme tu as perdu, tu dois faire ce que je te demande. Je veux que tu m'embrasses » et je l'ai fait. Roy junior serait si fier de ce que nous avons accompli !

Son sourire s'étend sur ses lèvres et ses yeux se perdent dans le vide. C'est marrant de le voir comme ça, je le taquine.

— C'est plutôt elle qui t'a embrassé.

— Quoi ? Mais non, c'est moi qui me suis rapproché et qui ai posé mes lèvres sur les siennes, qui ai glissé ma langue dans sa bouche sucrée.

— Oui, mais si elle ne te l'avait pas demandé, est-ce que tu l'aurais fait ?

— T'es le pire !

Il attrape son coussin et me tape avec. Je ne me laisse pas faire, je prends celui qui est dans mon dos et fais de même. Il se met sur ses genoux et il prend le dessus sur moi, je mets mes mains pour me protéger en lui demandant de bien vouloir arrêter.

*

Le temps ne va pas en s'améliorant, il pleut à grosses gouttes et par moment des éclairs viennent allumer le salon et la cuisine qui sont totalement plongés dans la pénombre. On a l'impression qu'il est l'heure d'aller se coucher alors qu'il est à peine l'heure de manger le repas du soir. Le vent souffle par bourrasque faisant trembler les vitres et se plier les branches d'arbres.

— C'est ce soir que nous aurions dû regarder le film d'horreur, dis-je.

— C'est vrai que le temps s'en porte à merveille pour nous mettre dans l'ambiance. Je ne suis pas contre de faire une séance de visionnage, qu'est-ce que vous en pensez ? demande Sam en s'adressant aux autres.

Les filles ne sont pas vraiment enchantées par notre programme et elles nous proposent quelques choses de plus détente.

— Ça ne vous dirait pas qu'à la place on regarde un film de romance ? propose Maria.

— Oui, ou qu'on mette des bigoudis dans vos cheveux, on se fait des masques en regardant un film bien girly ? rajoute Leah.

Personne n'a l'air emballé par leurs propositions. Je dois avouer que ça ne doit pas être facile d'être des filles parmi ce groupe plein de testostérones. Enfin, je dis ça mais Sam comme Rob' sont aussi gays que moi, en soit, ça ne nous dérange pas.

— Vous savez que vous pouvez faire ça, même si on regarde un film d'action ? sourit Pete.

— Ce n'est pas pareil ! On doit toujours regarder vos trucs gores ou d'action, et même si on aime bien. Là, on a envie de douceur, insiste Maria.

— Je ne suis pas contre, un bon masque pour avoir la peau plus douce, sourit James.

C'est ainsi que nous nous retrouvons tous devant un film romantique que les filles connaissent par cœur, elles nous sortent même les répliques tellement elles ont dû le visionner. Ça me fait sourire. Nous sommes installés comme la dernière fois, sauf que nous avons tous des chouchous, barrettes, bandeaux, élastiques pour tenir nos cheveux en arrière et que nous avons des masques en tissus sur le visage. Le mien et celui de Sam sont roses à paillettes, les filles et James dorés et les autres ont des visages de dessins animés. Leah nous prend en photo en riant et en rappelant que cela pourrait faire un très beau souvenir.

Après avoir retiré les produits de nos visages, je constate que nous sommes tous absorbés par le film qui se déroule devant nos yeux. James vient poser son bras, qu'il derrière mes épaules sur le dossier du canapé. Il ne me touche pas, mais l'idée qu'il puisse le faire me fait redresser le duvet de ma nuque jusque dans le bas de mon dos. Je mords inconsciemment ma lèvre, le frisson est puissant et délicat en même temps. Je m'enfonce un peu plus dans le canapé, la chaleur qui se dégage du corps de James est douce, je m'en délecte. J'ose lever un regard vers lui et je tombe dans ses globes oculaires qui me caressent avec envie. Mon pouls s'accélère, je nous revois lors de notre premier baiser quand nous étions plus jeune. Stupide James ! Pourquoi faut-il que tu sois aussi attirant ? Je prends conscience des autres autour de nous, je me racle la gorge en annonçant que je vais fumer sur la terrasse.

— Je t'accompagne, s'empresse de rajouter James.

— Vous allez finir trempé à vouloir vous intoxiquer à ce point, vous pouvez fumer à l'intérieur, explique Robert.

— Non, je préfère aller dehors. Je vais aller sur le palier alors au moins là-bas je serai un peu plus à l'abris.

J'attrape un pull à capuche qui traine sur le porte manteaux de l'entrée et je file dehors. James me rejoint et il se colle à moi pour éviter d'être mouillé. Sa tête se baisse sur moi, il me fait un de ses sourires en coin qui a le don de me charmer. Je sens mes joues s'empourprer, j'attrape une cigarette que je cale entre mes lèvres, je l'allume et en propose une à James alors que j'aspire une première bouffée. Avant que je ne puisse souffler l'air toxique à l'extérieur de mes poumons, il m'attire subitement à lui et pose ses lèvres contre les miennes. La fumée qui sort de mon nez effleure son visage alors que celle qui passe dans sa bouche se mêle à nos langues qui se cherchent. Il me pousse doucement pour me plaquer contre le mur de pierres, il met fin au baiser en se reculant doucement.

— Je n'ai jamais fumé une aussi bonne cigarette.

Il attrape mon poignet pour porter mes doigts à sa bouche. Il ne me lâche pas du regard mais je suis envouté par ses lèvres qui se referment autour du mégot. Il inspire puis souffle lentement sur mon visage. Je passe mes bras autour de son cou pour le rapprocher de moi et l'embrasser à nouveau. Je ne sais pas si c'est le sentiment de redevenir adolescent ou si ce sont nos retrouvailles mais je ne me suis jamais senti aussi vivant et excité qu'à cet instant depuis, une éternité.


*

Stupide James ! [MM]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant