Mon bail d'un mois arrive à sa fin dans deux jours. Le propriétaire ne peut pas me renouveler le contrat parce qu'il compte faire des travaux. Je ne sais pas où je vais aller et je commence à stresser, je ne peux pas retourner chez Sam et Robert et encore moins chez mes parents.
Cela fait trois semaines que j'ai quitté Sean. Je n'ai pratiquement pas donné de nouvelle, à personne en vérité. J'avais besoin de refaire le point sur moi. J'ai été me faire dépister et heureusement je n'ai pas été infecté par le VIH. J'ai eu tellement peur, je ne comprends pas comment Sean peut être aussi irresponsable. Qu'il me trompe est une chose, mais qu'il ne se protège pas, ça me met hors de moi. Mais après tout, je l'aurais bien mérité, je n'aurais jamais dû lui céder cette nuit-là puisque ça n'a fait qu'empirer la suite et mon état de santé mentale. Il a raison, qui voudrait d'un raté comme moi ?
J'ai mis du temps à me rendre compte que Miles ne me contactait plus. Joe, du bar, m'a dit que Sean sortait désormais avec Yanis. Je lève les yeux au ciel, ça ne m'étonne même pas dans le fond. J'ai été tellement aveuglé par notre relation toxique que je ne voyais pas tout ce que Sean me cachait. Je ne pensais pas pouvoir m'en sortir aussi facilement, il aura fallu que je lui dise que je ne veuille plus être avec lui pour pouvoir être libre. Avant qu'il n'aille en prison, mon cerveau était tellement embrumé que ce choix si simple, me paraissait impensable. Sean ne cessait de me répéter que j'étais à lui, comme si je lui étais redevable de mon existence. Sean qui voulait tout contrôler a arrêté de me contacter au bout de trois jours quand il a vu que je ne répondais plus à ses messages. J'ai reçu pas mal d'insultes, et des photos pornographiques de lui et Yanis, mais ça m'est bien égal maintenant. Tout ce que j'éprouve envers Sean aujourd'hui, c'est du dégoût. Je me demande comment j'ai pu être aveuglé à ce point, tout ce qui me faisait craquer chez lui me donne envie de vomir à l'heure actuelle. Mais le pire dans tout ça, c'est que je continue de m'en vouloir pour avoir pensé que c'était avec lui que j'avais trouvé l'amour alors que c'était avec lui que j'avais trouvé l'addiction à la toxicité.
Souvent je repense à mes vacances à Newquay. Je me demande aussi ce que James pense de moi. J'ai reçu un message de Roy il y a quelques semaines me disant qu'il s'était battu avec Sean. J'ai failli sortir de ma cachette pour voir comment il allait. Mais je ne le pouvais pas. Je ne sais pas comment faire face à James après ce que je lui ai fait. Je m'en veux encore terriblement de la douleur que je nous ai infligé. J'ai laissé Sean me toucher, je l'ai regretté à l'instant, j'ai vu la peine que j'ai créé dans le regard de James. Stupide James ! Depuis tout ce temps c'est moi qui suis totalement stupide ! Ça m'a aidé à comprendre comment il avait pu se sentir lorsqu'il a rompu quatre ans plus tôt. C'est affreux de devoir dire aurevoir à la personne qu'on aime. On voudrait la rendre heureuse, mais le dégoût envers notre propre personne est tel qu'on a peur de le voir se refléter dans les yeux de la personne qui nous fait vibrer, qui nous rend vivant.
Demain j'ai rendez-vous pour un entretien d'embauche. Quelque chose de sérieux qui pourrait m'ouvrir d'autres portes par la suite. J'espère que je pourrai enfin trouver une stabilité. Et quand je serai prêt, j'irai retrouver James.
Roy m'a envoyé la photo que Leah avait prise avant qu'on aille manger sur le port. James est magnifique dessus, je ne fais que la regarder. Ça me donne du courage pour aller de l'avant.
*
Le soleil est éblouissant aujourd'hui, il tape directement dans la vitre du building. Ce mois de septembre s'annonce rayonnant, et cette journée belle. J'espère que ça va me porter chance pour mon entretien d'embauche. J'essaie d'être calme, je me tiens droit. Je desserre un peu le col de ma chemise.
Pour mon entretien, j'ai fait du mieux que j'ai pu, j'ai pris dans mes affaires une chemise blanche, je n'ai pas pu m'empêcher de remonter les manches parce qu'il fait chaud, et j'ai fait en sorte de mettre un jean noir qui n'a pas de trou aux genoux. Je n'ai pas de costard ni de chaussures vernies, j'ai nettoyé mes baskets noires hier soir. J'ai l'air plus classe que d'habitude mais en même temps je suis plus décontracté que la plupart des hommes qui travaillent ici. La secrétaire, qui m'a fait attendre sur le fauteuil rembourré en velours bleu nuit, mâche son chewing-gum vulgairement et le bruit commence doucement à m'insupporter.
Je passe une main dans mes cheveux. J'ai retiré ma mèche bleue hier soir aussi, je l'ai recouverte de noir pour se fondre dans mes cheveux naturellement corbeau. Je sais qu'à Londres nous sommes plus ouverts et plus excentriques qu'ailleurs, mais j'avais vraiment envie d'essayer de mettre toutes les chances de mon côté. Le poste pour lequel je candidate aujourd'hui n'est pas compliqué, je vais être, il me semble à la place de la mâchouilleuse de chewing-gums ou avec elle, mais le salaire est plus que correcte pour quelqu'un qui débute.
Mes yeux explorent les lieux, ce n'est qu'un sas d'accueil mais on dirait presque une réception d'hôtel.
— River ?
Je tourne la tête surpris qu'on m'appelle. Lorsque mon regard se pose sur James je suis aussi surpris que lui. Il est magnifique, il n'a pas ses lunettes, je peux mieux voir ses perles d'absinthe qui se posent avec douceur sur moi. Son sourire s'étire et il s'approche de moi. Je reste assis, je n'ose plus bouger. Il est très sexy dans son tailleur et en chemise.
— On se demandait tous ce que tu devenais, tu vas bien ? me chuchote-t-il inquiet.
— Je vais bien, souris-je timidement.
Mon cœur s'accélère bêtement et mon estomac se noue. Je ne sais pas si je suis totalement nerveux avec James qui en rajoute une couche ou si j'ai peur de griller mes chances d'avoir un emploi dans ce lieu en discutant avec lui.
— Qu'est-ce que tu fais là ?
— J'ai un entretien d'embauche, réponds-je nerveusement.
— C'est vrai ? Tu vas venir travailler ici ? Est-ce que je peux t'attendre ? On peut discuter après ?
Son regard s'illumine et je peux sentir son excitation. Je n'ai pas le temps de répondre qu'une dame m'interpelle pour que je la suive pour l'entretien. Je m'excuse auprès de James et je la suis. Je me retourne en jetant un œil par-dessus mon épaule, je constate qu'il me regarde en se mordant la lèvre. Je baisse la tête en rougissant. Stupide James ! Ne me regarde pas comme ça, tu me fais encore plus stresser.
L'entretien se passe très bien, la directrice des ressources humaines et le directeur me mettent à l'aise. Je n'ai pas vraiment le profil qu'ils recherchent mais je leur montre que je suis motivé et que je suis prêt à me mettre au défi d'apprendre de nouvelles choses pour les satisfaire. Nous échangeons pendant plus de trente minutes. La directrice m'informe que j'aurais un retour rapidement. Je les salue et sors du bureau. J'observe les locaux en constatant qu'ils sont modernes et bien entretenus. On me retient par le bras, je me retourne surpris, avant de sourire.
— Alors ça a été ?
James se rapproche et il passe sa main dans mon dos avant de la descendre au creux de mes reins. J'ai l'impression d'être brulé tant son geste fait vibrer en moi des milliers de frissons.
— On verra, je suppose. Peut-être que je serai ton collègue.
— J'aimerais beaucoup ça, te voir plus souvent.
Il se rapproche de moi, son odeur familière m'émoustille, il me chuchote tout bas.
— Tu veux bien que je t'invite à boire un verre ? J'ai fini pour la journée.
— Tu as fini ou tu t'en vas à cause de moi ?
— Est-ce que ça change quelque chose ?
Je pince les lèvres pour retenir mon sourire mais je sens mes joues s'empourprer et mes zygomatiques me trahir. Je le suis alors jusqu'à son bureau où il récupère sa veste et ses clefs. Nous marchons jusqu'à l'ascenseur et la blonde de l'accueil lui souhaite, de façon très aguicheuse, une bonne soirée. Une sonnerie retentie, les portes s'ouvrent, nous montons dans la cage d'acier, il appuie sur le sous-sol et tout va très vite.
Les portes se referment et il m'enlace dans ses bras sans que je puisse réagir, je me laisse emporter dans son étreinte.
— Je suis si heureux de te voir River, tu m'as terriblement manqué.
*
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Stupide James ! [MM]
Roman d'amourA Londres, depuis quelques temps, James a pris l'habitude de faire faux bond à sa bande d'amis, préférant se faire absorber dans le tourbillon du "métro, boulot, dodo". Il finit par accepter de les rejoindre lors d'une soirée, seulement James ne s'...