Chapitre 39 Doutes

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Suleika


Alors que je la suivais vers la plaine d'Idavol, mes pas manquaient de conviction. Pourtant, je lui étais profondément reconnaissante : c'était grâce à elle que j'avais pu revoir Stephen et mon petit Noah. Lorsque la nuit s'abattit sur nous, Sieglinde nous guida jusqu'à un pont arc-en-ciel, le Bifrost, sous la garde d'un étrange personnage répondant au nom de Heimdal. Comme prévu, Duncan et d'autres hommes apparurent et détournèrent son attention en lui offrant de l'alcool. Finalement, Heimdal céda et se joignit à la bande de Duncan. Grâce à cette diversion, Sieglinde put nous escorter au-delà du pont en toute discrétion.

C'est alors que j'eus la confirmation irréfutable que je ne rêvais pas. Cette monture nous emporta dans le vide spatial, galopant avec une grâce inattendue comme si elle foulait le sol terrestre. Peu à peu, elle nous ramena sur la Terre.

Lorsque je me présentai devant la porte de ma vieille maison, l'expression sur le visage de mon bien-aimé évoquait la surprise et l'incrédulité mêlées à une pointe de terreur. Et dans sa réaction, il n'avait pas complètement tort. Après tout, il avait vu mon corps étendu, immobile, dans un sac mortuaire.

La joie de le retrouver se mêlait à une anxiété croissante. Je ne pouvais m'empêcher de me rappeler les paroles sombres et prophétiques de Sieglinde : si jamais je décidais de fuir mes nouvelles responsabilités, mon corps finirait par se volatiliser pour rejoindre un lieu nommé Helheim... Elle évoquait cette perspective avec une gravité qui ne présageait rien de bon quant à la nature de cet endroit.

Mon petit Noah dormait paisiblement, et quelque part au fond de moi, je savais que c'était mieux ainsi. Lui montrer mon visage aurait été lui offrir un espoir fragile, pour ensuite le déchirer à nouveau en disparaissant de sa vie. Alors, dans le silence de sa chambre endormie, je me suis efforcée de retenir mes larmes et de rester à le contempler sachant que ce serait la dernière fois...

Plus tard, après avoir laissé Noah plongé dans ses rêves, mon mari et moi avons entamé une conversation qui semblait durer des éternités. J'ai tenté de lui expliquer la situation, de lui faire comprendre que j'étais résignée à partir, mais lui refusait catégoriquement d'accepter cette réalité. Il m'a suppliée de rester, ses mots chargés d'un désespoir palpable. Peu importe combien je lui exposais la dure vérité, il semblait incapable de l'accepter. Ce n'est que lorsque Sieglinde est intervenue avec une compassion infinie qu'il a finalement accepté la vérité. Grâce à elle, nos adieux ont pu être prolongés un peu plus longtemps dans une ultime étreinte charnelle. Ce fut la dernière fois que je ressentis les caresses de mon homme, ses mains, ses lèvres sur moi.

Ces moments supplémentaires qu'elle nous a permis de partager ont été précieux, mais ils n'ont fait qu'accentuer l'amertume de nos adieux. Et quand le moment du départ est devenu inévitable, mon bien-aimé Stephen a juré de veiller éternellement sur notre petit.

Alors, alors que nous nous éloignions, montant sur la monture qui nous conduisait vers le ciel étoilé, j'ai senti son regard pesant sur nous. Je n'ai pas osé me retourner, sachant que si je le faisais, je risquais de m'effondrer sous le poids de la douleur et du chagrin.



***



Elle et moi avons fini par atteindre le terrain d'entraînement où les guerriers se livraient à leur pratique. À notre arrivée, Duncan, qui se mesurait à un autre combattant, interrompit son exercice et se dirigea vers nous d'un pas déterminé. Il s'inclina respectueusement devant Sieglinde, puis me gratifia d'un signe de tête cordial.

Les amants du ValhallaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant