Chapitre 54 Ragnarök 1/4

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Duncan

Le cor de nos sentinelles postées non loin du Bifrost se mit à sonner à trois reprises peu avant l'arrivée de l'aube, nous réveillant, Sieglinde et moi, presque simultanément. Nous savions que le moment était venu. Sieglinde prit délicatement Elara dans ses bras, toujours endormie. Elle lui donna un baiser sur le haut de la tête et la serra contre elle pendant quelques instants. Je me joignis à elle, profitant d'un dernier réconfort familial avant la bataille imminente.

L'arrivée de Dame Frigg nous fit sortir de notre bulle de tendresse. Elle nous assura qu'elle prendrait soin d'Elara. Les larmes aux yeux, nous franchîmes le seuil de la chambre sans nous arrêter, déterminés à ne pas flancher. Nous dévalâmes les escaliers à toute allure et rejoignîmes la salle d'armes pour enfiler nos armures et prendre nos armes.

-Sieglinde... quoi qu'il advienne, je...

-Je sais, mon amour... répondit-elle en me caressant la joue et en me donnant un ultime baiser sur les lèvres.

-Y a des hôtels pour ça ! déclara Heckel en entrant dans la salle d'armes.

-Fais-moi penser à te mettre de corvée de nettoyage après la bataille, Heckel, répondit Sieglinde avec un sourire en coin.

-Alors espérons que je meurs avant, répliqua-t-il avec un clin d'œil.

Nous échangions un regard complice avec Sieglinde. Ce mélange de tension et d'humour nous rappelait pourquoi nous nous battions. Nous étions prêts à affronter notre destin, armés de notre amour et de notre courage.


***


Après nous être équipés, nous rejoignîmes en toute hâte les hauteurs des murailles du Valhalla, déjà garnies par une grande partie des Einherjar. Les Valkyries étaient également postées, chacune à une bonne distance de l'autre, pour assurer le maintien du moral et la cohésion des troupes.

Arrivant enfin en haut, je découvris les vertes plaines d'Idavoll, noircies de monde. Le nombre de nos ennemis se comptait en dizaines de milliers. Jötnar de Niflheim et de Muspellheim, des kobolds, des spectres d'Helheim et des Alfar brandissant les armoiries d'Araphalon. Malvéria, qui était non loin de moi, dégageait une aura meurtrière en voyant que son tortionnaire faisait partie de l'armée de Lokkju. Je m'approchai d'elle, un peu inquiète de son état, mais je me rendis compte qu'elle n'avait pas peur. Elle était seulement impatiente de pouvoir se venger d'Araphalon.

L'armée de Lokkju se déploya en formant des lignes compactes et serrées sur des centaines de mètres autour de la muraille principale du Valhalla, exactement comme je l'avais anticipé. Une fois le dispositif de nos ennemis totalement positionné sur le futur champ de bataille, un silence pesant s'installa. Ce silence n'avait rien d'apaisant ; il était lourd de tension, annonçant la tempête à venir.

-Hey, bande de tarlouzes, vous allez bouger vos culs, bordel ! déclara heckel, a bout de patience après pratiquement une heure d'immobilisme total.

Un rugissement retentit peu après, loin derrière les lignes ennemies. Sur la ligne d'horizon, je pouvais voir une ombre se mouvoir à une vitesse folle, droit sur nous. C'est alors que je réalisai avec horreur qu'il s'agissait d'un dragon. Et ce fils de pute de Lokkju se trouvait sur son dos. Ce dragon surclassait tous ceux que j'avais pu voir depuis ma vie d'Einherjar. En termes de comparaison, il devait faire la taille d'un Boeing.

En voyant cette bête foncer à toute allure sur nos positions, les hommes commencèrent à vouloir battre en retraite. Mais les Valkyries ordonnèrent de maintenir les rangs. Le dragon de Lokkju arriva sur nous en vomissant une colonne de flammes. Heureusement, celles-ci furent stoppées par une sorte de bouclier magique. Sieglinde m'avait tout raconté : les murailles du Valhalla ne sont pas de simples fortifications, elles offrent aussi une protection contre les attaques magiques, telle que celles des dragons. Lokkju tenta à plusieurs reprises de briser cette protection en vain. Frustré, il finit par ordonner à sa monture ailée de faire demi-tour. Le dragon le déposa à l'arrière de la formation ennemie.



***



Lokkju

Je laissai les Valkyries et leurs larbins savourer cette prétendue petite victoire. Je savais que les murailles seraient toujours aussi impénétrables, et j'avais anticipé qu'ils trouveraient ma petite entrée personnelle. Ils pensaient avoir l'avantage, pauvres imbéciles. Je vais me délecter de voir leur moral s'effriter comme de la neige au soleil.

- Seigneur Lokkju... déclara cet hypocrite d'Araphalon.

- Seigneur Lokkju, nous n'attendions plus que vous, ajouta le roi Surt.

- Vous connaissez mon goût prononcé pour les entrées fracassantes, déclarai-je avec un sourire narquois.

- Devons-nous procéder comme prévu ? demanda Araphalon.

- Tout à fait. Nous allons envoyer nos chiens de guerre. Laissons-les épuiser les Einherjar et les Valkyries le temps que notre petite surprise soit mise en place. Araphalon, donne l'ordre aux Kobolds de lancer l'assaut.

- À vos ordres...

Je montai sur une petite colline pour admirer aux premières loges le premier acte de ma future victoire. Les pathétiques peaux vertes se lancèrent immédiatement à l'assaut dès qu'ils virent les bannières leur dicter les ordres. Cette marée verte s'avança sur la plaine d'Idavoll. Soudain, des cris, ou plutôt des hurlements de douleur, attirèrent mon attention.

- Que se passe-t-il ? demandai-je en me tournant vers Surt.

- Les Asgardiens semblent avoir posé des pièges en grand nombre sur la plaine, me répondit-il.

- Astucieux... Je ne pensais pas qu'ils s'abaisseraient à ça. Mais ça ne change pas mon plan. Que les Kobolds continuent d'avancer !

Les Kobolds se déversaient sur la plaine en une vague sans fin, leurs hurlements de guerre se mêlant aux cris de douleur des premiers malheureux tombés dans les pièges. Observant la plaine, je devais reconnaître que les Asgardiens venaient de me surprendre... Utiliser ce genre de méthode n'était pas dans leurs habitudes. Sans doute les Einherjar étaient-ils derrière cette initiative. Ont-ils prévu d'autres traquenards?

Alors que mon esprit était occupé, je fus sorti de mes pensées par un vacarme comme je n'en avais jamais entendu auparavant. Cette fois, les peaux-vertes semblaient victimes de pièges explosifs. À chaque détonation, un trou béant se creusait dans les lignes de nos troupes. Les Kobolds, dont le moral n'était jamais très élevé, commencèrent à battre en retraite. Seule l'intervention des commandants Jotnar permit d'éviter une débandade totale.

La situation commença à me faire douter. Nous subissions trop de pertes avant même d'avoir franchi les murailles du Valhalla. Les Kobolds allaient finir par refuser d'obéir. Je devais opérer une réorganisation rapide. Donnant des consignes aux porte-bannières, je fis passer les Spectres en première ligne pour qu'ils soient les cibles de ces pièges. Étant des cadavres, totalement dénués d'émotion, ils avaient une valeur militaire bien plus grande que les Kobolds. Mais au vu de la situation, je préférais sacrifier les Spectres.

Malgré les pertes catastrophiques, les Spectres finirent par atteindre les murs. Enfin, nous allions pouvoir assouvir notre soif de sang sur les Asgardiens. Mais là aussi, je déchantai rapidement. Une mer de flammes s'étendit au pied des murailles sur une longue distance. Les Spectres qui osaient traverser ce mur de feu étaient immédiatement consumés. Ils obéissaient sans hésitation, avançant vers ce mur infernal malgré les pertes.

Sous le nombre de cadavres de Spectres qui tombaient dans la fosse en flammes, de petits passages se formèrent finalement. Les Spectres survivants purent alors atteindre le pied des murailles. Sans attendre, ils commencèrent à dresser les échelles, marquant le véritable début de la bataille.

Les Spectres avaient subi de lourdes pertes et ne pourraient pas submerger seuls les Einherjar. Je fis signe aux porte-bannières pour qu'ils transmettent l'ordre aux Kobolds de les épauler. La combinaison de ces deux forces de combat, même si elle échouait à prendre les murailles, causerait des pertes irremplaçables chez les Asgardiens, tout en les épuisant avant l'arrivée de mes frères Jotnar.

Les amants du ValhallaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant