Chapitre 16 Dreki 2/2

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SIEGLINDE

Avais-je été si naïf pour penser qu'un simple bloc de roche pourrait terrasser seul un Dreki ? Il était évidemment vivant, résistant malgré les coups qu'il avait reçus sur sa sale trogne. Cependant, il était sérieusement amoché : ses ailes étaient brisées, et l'une de ses pattes semblait incapable de soutenir son poids, probablement fracturée lors de l'éboulement. Tout n'était pas encore perdu. Bien que hors d'haleine, je savais que je ne pouvais pas abandonner. Me relevant une nouvelle fois, je brandissais la pointe de mon épée droit vers la créature.

- Je te laisse une chance, Dreki. Pars immédiatement si tu ne veux pas goûter à ma lame ! déclarai-je d'un ton assuré, espérant que ma confiance affichée le dissuaderait de rester.

Mes illusions s'envolèrent lorsque ses yeux injectés de sang me foudroyèrent. Bien que sa patte fût amochée, sa vitesse me surprit encore. Évitant sa gueule grande ouverte prête à me broyer, je sautai audacieusement par-dessus sa tête, visant précisément son œil, le manquant de peu malheureusement. Désormais sur son dos, je m'agrippai à l'une de ses épines dorsales tout en tentant de percer ses écailles. La bête, plongée dans une rage incontrôlable, avait perdu toute capacité de réflexion. Elle se secoua dans tous les sens et fit des bonds pour me faire perdre l'équilibre.

Épuisé par cet odieux serpent, je frappais inlassablement ses écailles. Petit à petit, l'une d'elles se fendit, révélant la mue de sa chair. Sans hésiter, j'enfonçai de toutes mes forces la lame dans son corps. Le Dreki poussa un hurlement si puissant que je voulus me boucher les oreilles, ne supportant plus ce bruit assourdissant. Relâchant par mégarde l'épine dorsale à laquelle je me tenais, mon corps tomba lourdement au sol, ma tête heurtant un rocher. Étourdi, j'étais à la merci du Dreki.

- Sale petite bâtarde ! je vais te faire payer ton acte !

Le Dreki s'avança vers moi, agonisant mais doté encore de suffisamment de force pour s'en prendre à moi. Chancelante, je tentai de ramper pour m'éloigner de lui, mais l'une des griffes de sa patte se planta dans mon mollet, l'écho de mon hurlement se propagea dans tout le canyon. Il se rapprocha lentement de moi tout en maintenant sa griffe plantée dans ma jambe, sa gueule entrouverte à quelques centimètres de mon visage, son souffle nauséabond m'envahissait.

- Ma fin est proche, mais j'aurai la satisfaction de te dévorer avant...

Une pierre se fracassa près de l'œil du Dreki, l'interrompant alors qu'il était sur le point de me dévorer. Tournant mon visage, je découvris Duncan qui s'était traîné péniblement jusqu'à nous. Mais qu'est-ce qu'il faisait là, dans son état ? Il ne faisait pas le poids.

- Je t'interdis de la toucher, sale lézard puant, dit-il en relançant de nouveau une pierre sur lui.

- Tu es si impatient de passer en premier? Demanda le Dreki. Très bien je vais exaucer ton souhait Einheri !

Le torse du Dreki s'illumina à nouveau d'une teinte orangée. Cela ne présageait rien de bon : il s'apprêtait à déchaîner son souffle de feu dévastateur sur Duncan. En toute hâte, je saisis une pierre et la frappai de toutes mes forces sur la patte du Dreki, espérant lui causer une douleur suffisante pour l'interrompre. La lueur orangée remonta lentement vers son cou, atteignant maintenant sa gorge. Refusant d'avoir comme dernière image celle de Duncan agonisant dans les flammes, je détournai mes yeux embués de larmes.

- Tu ne feras aucun mal à ma sœur ni à cette Einheri ! déclara une voix que je reconnus immédiatement.

- Sigrdrífa ! Je n'en revenais pas, elle était là avec une autre Aînée : Göndul, ainsi que toute une unité de Einherjar.

Le Dreki, prenant conscience de la situation, recula de quelques pas, me libérant aussitôt. Je me traînai vers Duncan, tandis qu'il fit de même. Nous arrivâmes péniblement l'un à côté de l'autre, je serrai son bras, ne voulant plus le lâcher. Duncan passa sa main sur une mèche de mes cheveux pour la remettre derrière mon oreille.

- Nous nous en sommes sortis, Sieglinde.

- Ce n'est pas grâce à moi, admit-je amer et honteuse.

- Sieglinde, je vous interdis de dire ça ! Si nous sommes encore en vie c'est grâce à vous ! Il me tira légèrement contre lui, et je me retrouvai blottie contre son torse, prise de cours. Je finis par me laisser aller un bref instant, finissant par poser totalement ma tête contre lui, sentant la chaleur de son torse et appréciant ses douces caresses sur mon épaule. Je voulais simplement profiter de l'instant présent, me laissant emporter par cette réconfortante proximité.

Heckel et les Einherjar sous mes ordres, arrivèrent à notre secours. Duncan et moi fûmes immédiatement pris en charge, allongés sur des brancards pour être transportés loin d'ici. Pendant que nous nous éloignions, je pouvais voir Sigrdrífa et Göndul sur leurs montures achevant le Dreki en quelques coups d'épées, immédiatement acclamée par les Einherjar.


***


Lokkju


Je me frottais nerveusement les tempes en écoutant mon subordonné m'annoncer la nouvelle. Son air hébété n'arrangeait rien à la lente éruption de rage qui commençait à monter en moi.

- Donc, si je comprends bien, l'embuscade a été un échec. Bien qu'en supériorité numérique, vous ayez subi des pertes considérables... J'aurais pu accepter cela si cela avait permis de nous débarrasser de cette Asgardienne. Mais elle est toujours vivante, et en plus, auréolée de gloire, car elle a tenu tête à l'un des descendants d'un de mes enfants...

- Monseigneur, n'accordez-vous pas trop d'importance à cette Valkyrie?

Laissant libre cours à la frustration, d'un mouvement à peine perceptible pour ses yeux, je me retrouvais déjà en face de lui, le prenant par la gorge et le soulevant en l'air.

- Imbécile de Jötun, elle a tenue tête à deux descendants de mes enfants. Elle ne doit pas être sous-estimée. L'élimination des neuf aînées est une priorité, mais celle de cette femme l'est tout autant. j'ai le pressentiment qu'elle est une menace pour le grand plan.

Les yeux de mon subordonné s'écarquillèrent, la compréhension de la gravité de la situation s'imposant à lui. Sa gorge comprimée, il hoqueta pour essayer de parler.

- Heureusement pour vous, l'échec de vos semblables ne permet pas de remonter jusqu'à moi. Je le lâchai brusquement, le laissant s'effondrer sur le sol, tout en gardant un regard sévère.

- Que voulez-vous faire à présent ? Les Asgardiens seront bien plus méfiants...

-Ce traître de Trarghal est une gêne dans l'accomplissement de mes projets. Poursuivez votre travail de sape afin qu'il perde peu à peu le soutien des clans. De mon côté, je vais retourner sur Asgard.

Mon subordonné, encore sonné par la brusquerie de la situation, se releva péniblement du sol. Ses yeux traduisaient à la fois la crainte et le dévouement. Je luis fit un signe de la main pour lui faire comprendre de quitter la salle.

Une fois seul, je passais en revue tous les détails dont je disposais. Cependant, une énigme persistait dans mon esprit : pourquoi avait-elle choisi d'affronter le Dreki seule ? Les Valkyries, bien que courageuses et aguerries, n'étaient pas du genre à se jeter tête baissée dans une situation suicidaire. Réfléchissant aux implications de cette décision, je me penchai sur la personnalité de Sieglinde. Bien qu'elle ne fût pas encore au niveau d'une Aînée, sa compétence et son expérience étaient indéniables. Elle aurait pu, comme toute Valkyrie censée, évaluer le danger et choisir la voie de la sécurité. Cependant, elle avait délibérément opté pour le défi, mettant ainsi sa vie en péril.

Cette décision allait au-delà d'un simple acte de bravoure. Il y avait quelque chose de plus profond, une motivation que j'ignorais. Mon esprit calculateur, habitué à anticiper chaque mouvement, se heurtait à une incertitude dérangeante. À mon retour sur Asgard, je m'attellerais à dévoiler le mystère qui entouraient l'acte de Sieglinde. Comprendre chaque pièce du puzzle devenait impératif pour garantir le succès de mes plans.

Les amants du ValhallaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant