Chapitre 46 Je ne regrette rien 2/2

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Sieglinde

J'étais le témoin impuissant de cette scène, le corps de Duncan qui était en train de disparaître petit à petit. Je me sentais si faible et impuissant. Ces garces d'aînées ne me laissaient même pas la possibilité d'une dernière étreinte... Je devais agir, peu importe si je devais subir une déculottée. Mais avant même que j'ose faire le premier pas, Thor attrapa le bras de Sigrdrifa et repoussa les deux autres aînées.

-Elle a peut-être brisé les lois d'Asgard, mais elle a le droit d'avoir un dernier instant avec Duncan ! déclara Thor.

Personne, pas même père, ne répondit. Libérée, je fis un signe de tête à mon frère et accourus vers Duncan, dont le corps était devenu presque transparent.

Ne nous préoccupant plus de rien d'autre que de nous, nous nous enlacèrent et échangeâmes un dernier baiser. Je pouvais encore sentir la chaleur de son corps, mais soudain, ma main traversa la sienne.

-Je ne regrette rien, Sieglinde... Je t'en conjure, ne finis pas comme Brunhilde... Vis, ma douce Valkyrie...

Avant même que je puisse lui répondre, Duncan disparut définitivement, emporté vers Helheim. Une douleur poignante transperça mon cœur, et les larmes commencèrent à ruisseler sur mon visage, me laissant totalement impuissante. Soudain, je sentis un liquide chaud s'écouler le long de mes jambes. En baissant les yeux, un frisson de panique et de honte me parcourut.

Sigrdrifa, à proximité, poussa un ricanement moqueur. "Quelle misérable gamine... Tu n'arrives même pas à contrôler ton corps. Comment as-tu pu vaincre un Dreki par toi-même, ça me dépasse."

À cet instant, mon esprit, plongé dans un flot mêlé de tristesse, de honte et de colère, me fit perdre tout contrôle. Sans que je décide quoi que ce soit, mon poing s'abattit sur la mâchoire de ma prétendue sœur. Elle tomba lourdement au sol, totalement prise par surprise. Sans lui laisser le temps de se relever, je m'installai à califourchon sur elle et commençai à la frapper avec une colère de plus en plus incontrôlable.

Figés et stupéfaits par cette scène, mes autres frères et sœurs sortirent de leur léthargie. Thor et Hilda attrapèrent chacun un de mes bras. Malgré leur poigne ferme, je luttai pour continuer à frapper cette garce. Non, à cet instant, je nourrissais même un désir de la tuer.

-Reprends-toi, Brindille ! hurla Thor en serrant mes bras plus fort, essayant de me tirer en arrière.

Hilda, les yeux remplis d'inquiétude, ajouta : "Elle n'en vaut pas la peine, calme-toi, Lindi!"

Je sentais leur force combinée me retenir, mais ma rage aveuglait mon jugement. Je n'entendais plus rien d'autre que le bruit sourd de mes poings s'écrasant sur Sigrdrifa et les battements furieux de mon cœur. Sigrdrifa, les lèvres en sang, les joues tuméfiées et violacées, se releva difficilement.

-Tu vas le regretter, petite sœur, cracha-t-elle en essuyant le sang de ses lèvres.

Elle tenta de se précipiter vers moi pour me frapper à son tour, mais la main ferme de Tyr l'arrêta avant qu'elle ne puisse m'atteindre.

-Tyr, laisse-moi passer ! Cette catin doit payer pour ça ! hurla Sigrdrifa, luttant contre la poigne de son frère.

-Il suffit ! gronda-t-il. "Elle a brisé les lois, mais elle reste malgré tout de notre famille."

-C'est une bâtarde, comme la plupart des personnes ici présentes ! répliqua Sigrdrifa en crachant une gerbe de sang à mes pieds.

-Sigrdrifa ! Assez ! hurla Odin, frappant sa lance contre le sol de marbre autour de son trône. "Va voir Idunn pour qu'elle te soigne. Quant à toi, Sieglinde, tu vas retourner dans tes quartiers pour ré..."

Une douleur vive me transperça l'abdomen. Mes forces m'abandonnèrent un instant et je m'effondrai, seules les mains de Thor et Hilda, qui me tenaient encore, m'empêchèrent de tomber complètement. Voyant mon corps se plier en deux, haletant, ils me relâchèrent doucement. Incapable de tenir debout, je me recroquevillai au sol, incapable de comprendre ce qui m'arrivait. La douleur s'intensifiait, bien au-delà de tout ce que j'avais connu auparavant.

-Lindi, qu'est-ce qu'il se passe ? demanda Hilda, posant une main paniquée sur mon épaule. Son visage reflétait la même terreur que le mien.

-J'ai... mal... insupportable... parvins-je à articuler entre deux halètements

Klara s'avança vers moi et m'examina brièvement. Ne voyant rien d'évident, elle passa ses mains sur mon ventre, appuyant ici et là. Ses yeux s'écarquillèrent soudainement. Elle se tourna aussitôt vers notre père, la voix tremblante.

-Père, il faut l'aider ! Elle va mettre au monde un enfant.

Un silence stupéfait tomba sur l'assemblée. Le choc de la réalisation me frappa de plein fouet. Comment était-il possible que je porte une vie en moi sans que mon ventre ait changé, sans que rien au cours de ces derniers mois ne m'ait laissé penser que j'étais enceinte ? La douleur et la confusion s'entremêlaient dans mon esprit, me laissant abasourdie.

-Un enfant... c'est impossible, Klara... répondis-je, le souffle court et grimaçant à cause de la douleur.

-Sieglinde, j'ai des aptitudes en soin. Crois-moi, je ne fais pas erreur. Ton cas est rare, mais il arrive que des femmes soient enceintes sans percevoir les signes.

Klara avait beau m'expliquer, ça ne pouvait pas être vrai. Comment cela pouvait-il arriver ? Duncan et moi étions certes ensemble, mais il était humain et moi, une Asgardienne... Une union entre nous ne pouvait pas être fertile, enfin normalement. Aucune Valkyrie n'avait vécu ce genre de situation auparavant.

Odin, qui avait jusque-là observé avec une sévérité impassible, laissa soudainement tomber sa lance au sol. Il se précipita vers moi, ses yeux habituellement froids révélant une inquiétude profonde.

-Sieglinde, tu... tu portes son enfant ? demanda-t-il, la voix grave et teintée d'un regret soudain, comme s'il venait de réaliser l'ampleur de sa décision.

Je pouvais voir dans ses yeux un mélange de choc et de tristesse, comme s'il comprenait trop tard les conséquences de son jugement. Mes frères et sœurs, tout autour de nous, semblaient également saisis par l'étrangeté de la situation, leur regard oscillant entre moi et Odin.

-Je... je ne savais pas, balbutiai-je, encore sous le coup de la douleur et de la surprise. "Je n'ai rien senti, rien vu... Comment est-ce possible ?"

La douleur se mêlait à la panique, me rendant presque incapable de réfléchir. Mes sœurs, mon frère et mon père tentaient de me calmer, mais une peur instinctive m'envahissait. Ils étaient peut-être là, mais je réalisais que j'allais devoir faire face à cet événement auquel j'avais encore du mal à croire sans l'aide de Duncan, sans le soutien de celui que j'aimais plus que tout.

Finalement, dame Frigg intervint.

-Cette pauvre enfant est en plein travail ! Vite, il faut l'emmener, je vais l'aider à mettre au monde ce petit être ! s'écria-t-elle, son ton plus autoritaire qu'à l'accoutumée.

Les amants du ValhallaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant