chapitre 46

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46.

SHAMS

Je regarde par la fenêtre. Il fait chaud et beau. L'été est officiellement de retour.

Nous venons de passer nos examens du bac, la fin du lycée approche... et avec elle, mon départ loin de tout ce que j'ai toujours connu.
Ces derniers temps, un pressentiment refuse de me quitter. Peut-être est-ce le stress de tous ces changements qui m'attendent, mais au fond, je sens que c'est plus profond que ça.

— Tu viens manger ? demande mon père en posant les assiettes sur la table.

Je me contente de m'approcher de la cuisine et de m'asseoir en face de lui.

— Un problème ?

— Juste fatigué.

— Je vois.

— Les gars viennent à la maison dans pas longtemps, dis-je, histoire de briser le silence.

— Ça tombe bien, il reste du fondant au chocolat que j'ai fait hier. Il n'allait pas disparaître tout seul. Je sais qu'Akmar adore ça.

— Oui, le chocolat, c'est son truc, dis-je en esquissant un sourire en coin.

Mon père me regarde un instant avant de reprendre :

— Alors, ces fameux cours de piano ?

J'ai commencé il y a quelques semaines. Ça me fait un bien fou, comme si chaque note me rapprochait un peu plus d'elle.

— Tu veux écouter un petit extrait ?

Je le sens réticent. Le piano, pour lui aussi, c'est ma mère. Mais contre toute attente, il prend sur lui et hoche la tête.

Je prends une bouchée de mes spaghettis, puis me lève pour m'asseoir devant l'instrument qu'il a fini par sortir du garage après des années.
J'inspire profondément avant de laisser mes doigts effleurer les touches. Les notes résonnent doucement dans la pièce, et je me laisse emporter. Pendant ces instants, tout le reste disparaît.

Quand le morceau s'achève, je me tourne vers lui. Ses yeux brillent.

— Elle serait fière de toi, dit-il simplement avant de quitter la pièce, laissant son assiette à moitié pleine.

Je le regarde s'éloigner.

Qu'est-ce que ça fait, d'aimer quelqu'un si éperdument que même la mort n'efface rien ?
Les années ont passé, mais son amour pour elle est resté intact. Pas une poussière, pas une fissure.
Si c'était possible, il aurait pris sa place sans hésiter. À quoi bon vivre, si elle n'est plus là ?

Refaire sa vie n'a jamais traversé son esprit. Quand tata Fatima lui en parle, il répond toujours la même chose :
« Je n'attends qu'une chose, nos retrouvailles là-haut. C'est mon unique but. »

Parfois, j'aimerais qu'il m'aime autant. Mais je sais que j'en demande trop.

Mon téléphone vibre. C'est Luna. Elle m'envoie des photos de ses nouveaux achats. Elle est magnifique, tout lui va.
Ces derniers jours, j'ai passé plus de temps avec les gars qu'avec elle, mais après ce qui s'est passé, je me devais d'être là pour eux.

La porte s'ouvre, laissant apparaître Akmar. Il a l'air préoccupé, mais dès qu'il me voit devant le piano, un sourire étire ses lèvres.

— Il faut que tu me joues un morceau, c'est urgent ! s'exclame-t-il en s'installant à côté de moi.

Il pose ses doigts sur les touches, appuyant au hasard avant d'enchaîner quelques notes sous mon regard surpris.

— Attends... tu sais jouer ?

Nous quatre ou rien T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant