Chapitre 19

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19.

RAMZI

C'est enfin le week-end et je viens de forcer Akmar à dormir chez moi. Il a toujours ce regard vide, comme lorsqu'il nous observe pendant qu'on discute. Il doit se passer des choses dans sa tête, mais je sais que je n'en saurai jamais rien.

La manette à la main, il a l'air plus détendu. Il prend son temps pour formuler ses phrases et rigole peut-être un peu plus souvent que d'habitude.

Il se relève d'un coup, concentré à gagner sa partie, il remonte ses manches, prêt à en découdre. Mais mon cœur s'arrête lorsque je vois une blessure profonde sur son avant-bras gauche. Putain, mais d'où ça sort ?

Rien que d'imaginer qu'on puisse lui faire du mal me donne la nausée. Son père est un putain de monstre, et moi, je suis trop faible pour faire quoi que ce soit.

Je me souviens encore du jour où nous étions au collège, en train de jouer au ballon dans le parc devant chez lui. Ce sont des moments qui resteront gravés dans ma mémoire, parce qu'on était tellement heureux. Son père est arrivé de nulle part, s'est rapproché dangereusement de lui avant de le prendre violemment par le col de son t-shirt Spider-Man. « Tu rentres à la maison maintenant », lui a-t-il dit d'un ton si froid que nous avons tous retenu notre souffle. Dans le regard d'Akmar, nous avons vu de la peur, mais pas que. Il avait l'air de voir défiler tout un tas de moments difficiles dans sa tête. Il l'a pris par le bras et l'a traîné à l'intérieur de chez lui. Le lendemain, au collège, Akmar était silencieux, avec ce même regard vide qui ne le lâche pas jusqu'à aujourd'hui.

Un toc à la porte me sort de mes pensées, et le visage de ma mère apparaît avec un plateau repas.

-Coucou les garçons, je vous apporte le dîner.

-Merci, Tâta, ça a l'air super bon ! s'exclame Akmar.

Après que ma mère soit sortie, je me rue sur mon assiette de frites avant d'attaquer rapidement mon burger.

-Attends, t'as déjà fini ? me demande-t-il, étonné, encore en train de mâcher ses frites.

-Bah oui, c'est toi qui es lent, dis-je en sachant très bien que c'est moi le problème.

Pourtant, j'ai encore envie de manger. J'hésite, puis je finis par dire à Akmar que j'arrive avant de descendre les escaliers pour rejoindre la cuisine où il n'y a personne. J'ouvre les placards et prends la boîte de gâteaux devant moi, avant de commencer à ouvrir un sachet, puis un deuxième. Je vous assure que je ne me rends même pas compte que je viens de finir la boîte.

J'ai tellement mangé que j'ai vraiment mal au ventre, à deux doigts de vomir, mais pas complètement. Je repense à la soirée de la dernière fois et me dis que ça pourrait me soulager de le faire.

Je monte à l'étage, m'enferme dans les toilettes et m'y agenouille. Mon doigt rejoint ma gorge instinctivement, et me voilà à tout laisser quitter mon corps. Je me sens mieux physiquement, mais tout à coup, une sensation de tristesse m'envahit.

Mon visage rencontre le miroir de la salle de bain. Pourquoi je me sens aussi nul ? Je me supporte de moins en moins, et je n'arrive même pas à savoir pourquoi.

Des rires me sortent de ma spirale de questionnements. Je tire la chasse, me rince les mains et pars rejoindre ma chambre avant de tomber sur mes frères en train de se battre contre Akmar.

-Reste pas là à me regarder, LE CODE ROUGE EST LANCÉ, JE VAIS MOURIR ! s'exclame-t-il sous la main de Mounir qui lui écrase le visage.

-Je m'occupe de Nadir ! ai-je dit avant de lui sauter dessus.

Nous quatre ou rien T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant