Les plus folles hypothèses tourbillonnent dans ma tête. Je dois me détendre. Réfléchir sans affolement. Avant tout, ne pas me laisser abuser par les manières courtoises et l’amabilité de mon ravisseur. Mais mon inquiétude persiste. Un poids pèse sur ma poitrine. Si je ne me calme pas, je sens l’hyperventilation me gagner d’une seconde à l’autre. En respirant à fond, posément, comme on me l’a enseigné dans mes cours de gym, j’arrive à endiguer ce début de panique.
D’une voix mal assurée, je le questionne :
Moi: Qui êtes-vous ?
Puis j’enchaîne à toute vitesse :
__ Que voulez-vous ? Pourquoi m’avez-vous enlevé ?
Avec une souplesse qui tient du félin, l’homme quitte mon chevet et se place au pied du lit. Il a l’élégance et la grâce d’une panthère. Mais peut-être est-il aussi dangereux ? Quoi qu’il en soit, ainsi je peux le voir face à face. Son expression n’indique rien de ce qu’il pense.Si ses yeux ne trahissent pas ses pensées, son regard n’a rien d’hostile. Au contraire, il semble bienveillant.
D’un geste rapide, il remet en place une mèche de cheveux qui tombe sur son front. Ses mains sont belles, visiblement soignées, les doigts longs, souples, déliés. Ni son allure ni son physique ne font penser à un malfrat. Il est vrai que les kidnappeurs n’ont pas forcément un physique particulier.Il prend la parole ensuite et me sort de mes nuages:
Klaus: Je m’appelle Klaus…Moi: Klaus comment ?
Ignorant mon interruption, il poursuit :
____ .... et si je t'ai amené chez moi pour plusieurs raisons. La principale étant que tu es ma fille !
Mes yeux s’arrondissent de stupéfaction. Je me fige. Durant une poignée de secondes, cette réponse à laquelle je ne m’attendais pas m’enlève toute réaction. Puis, d’un mouvement brusque, je me redresse et m’assieds sur le lit.
Moi: Qu’est-ce que vous racontez ? C’est n’importe quoi !
Il fait signe que non sans prendre la peine de me contredire ouvertement. J’avais tout envisagé, mais pas ça ! Les théories les plus extravagantes s’étaient bousculées dans mon esprit, mais pas celle-ci ! Pourquoi mon père m'aurait enlevé ? Dans quel but ? Et qu'est-ce qui prouvait qu'il disait la vérité ?
Moi: Comment vous croire ?Il perçoit mon incrédulité.
Klaus: Ça a l'air fou mais c'est la vérité pourtant !
Moi: Ma mère ne m'a jamais parlé de vous. Vous vous êtes probablement trompé de personne.Il secoue la tête, ce qui dérange à nouveau sa mèche rebelle. Qu’il remet en place du même geste élégant et machinal.
Klaus: Ta mère ne pouvait pas, ses péchés sont trop lourds à porter.
De mieux en mieux !Non seulement il affirme être mon père mais en plus de cela, il ose dire des propos négatifs au sujet de ma mère.
Je rêve, ou quoi ?
Et il me sort ça comme un magicien sort un lapin de son chapeau ! Ça n’a aucun sens.
À l’instant où je vais répliquer sans mâcher mes mots, il a une réaction qui me déconcerte. Il s’accroupit au pied du lit afin que nos visages se trouvent à la même hauteur. Et, dans cette position, il me fixe intensément, sans un mot, comme s’il cherchait à m’hypnotiser. D’une façon inexplicable, cette réaction me calme immédiatement. Je me tais. Je ne sais plus quoi penser…
Nous nous considérons un moment sans parler, les yeux dans les yeux. Peut-être que je me trompe, mais je crois lire une prière au fond de son regard. Comme s’il me demandait instamment de croire à cette histoire insensée. Mes neurones s’activent à la vitesse grand V.
D’un côté, il faudrait que je sois une idiote pour gober un tel conte à dormir debout, il ne peut pas l’ignorer. Donc, son histoire n’est pas une invention. Mais d’un autre côté, il s’agit peut-être d’une manœuvre pour m’embrouiller l’esprit. Je pèse désespérément le pour et le contre. Le doute s’insinue en moi. Mon regard reflète si clairement mon indécision qu’il reprend enfin la parole.
Klaus: Fais-moi confiance Léane !Me dit-il toujours de sa voix grave, calme, posée.
Il connaît mon prénom. Impossible, ce qui m’arrive est impossible !Ma lutte intérieure atteint son maximum. Toute ma raison me crie de ne pas le croire, de ne lui accorder aucune confiance. Pourtant, une part de moi ne peut pas s’empêcher de se dire que peut-être ma raison a tort.
Pour sortir de cette impasse, je change de sujet. Une autre question me vient immédiatement aux lèvres.
Moi: Que me voulez-vous ? Pourquoi apparaissez vous maintenant dans ma vie ?Klaus: J'ai découvert ton existence tout récemment et je compte te faire passer un test d'Adn tout de même pour me rassurer car ta mère ment comme elle respire mais j'ose croire que tu sois réellement mon enfant.
Moi: Après le test, que ferez-vous ?
Klaus: Tu seras à mon service et je t'utiliserai comme monnaie d'échange.
Cette fois-ci, je prends peur réalisant soudainement dans quel gouffre je me trouve.
Il est tout sauf un saint.
J'ai peur.