34 | Les deux pieds dans la tombe

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CECILIA

J- 47

11h18

Morgue fédérale, Quantico, Virginie, États-Unis

      

Rentrer dans une morge est plus simple que ce que j'ai toujours cru.

Je vérifie que mon cache œil est toujours en place avant que mon guide ne se retourne et ait la peur de sa vie en voyant mon œil de verre le fixer. Je l'ai convaincu de me laisser passer avec un joli sourire avenant mais j'ai bien peur que mon charme ne fasse plus effet s'il vient à découvrir la supercherie.

Tout est allé si vite une fois que nous avons quitté le bureau de Sélènne Davis que j'ai du mal à me souvenir de tout. Je me rappelle notre passage express à l'hôtel pour récupérer nos affaires, la course contre la montre pour trouver un taxi prêt à nous conduire à l'aéroport et l'attente, l'attente insoutenable pour savoir s'ils étaient morts ou non.

Rosalia nous avait conseillé de ne pas allumer la télévision et ne pas écouter la radio locale car aucune information ne serait aussi fiable que le SMS que Ruiz lui a promis. Alors, nous avons attendu sur les bancs de l'aéroport, nos valises à nos pieds, de savoir si oui ou non nous pouvions prendre cet avion la conscience tranquille. Julia a été d'un calme impressionnant. Bien loin de moi et mon ventre noué par l'appréhension, ma jumelle n'a rien laissé paraître, si ce n'est quelque regard dans ma direction pour s'assurer que nous allions bien.

Quand l'écran du portable de Rose s'est allumé, je me souviens avoir sursauté. Je ne sais pas pourquoi j'ai été aussi nerveuse, pourquoi je n'ai pas réussi à faire redescendre ma tension ou à penser à autre chose qu'à la manière dont j'avais traité Alexander avant notre départ. Tout se mélangeait dans ma tête, aussi bien les peurs que les regrets et ce maudit SMS, loin de m'apaiser, n'a fait que rendre les choses plus stressantes encore.

Il a fallu courir partout, même une fois arrivé à Quantico, même après avoir regardé les infos et découvert les images des corp brûlés de nos tortionnaires. Rosalia ne nous a laissé avoir aucun répit, a refusé de nous laisser reprendre notre souffle et je crois que Julia lui en est très reconnaissante car, au moins, cela l'empêche de trop réfléchir.

Le silence de la morgue, en comparaison des deux jours agités que nous venons de passer, est un cadeau bienvenu. Mes pieds résonnent sur le sol en lino blanc, j'entends mon propre souffle se répercuter contre les murs vieillis du couloir et la lumière blafarde du plafond m'aide à garder mes idées claires. Ju n'a pas tenu à m'accompagner à l'intérieur donc je suis la seule de notre trio à suivre les pas du coroner en blouse blanche qui s'enfonce dans les allées aseptisées de la morgue. L'odeur est déplaisante, un mélange de produits chimiques et de corps en décomposition et l'air est si froid et sec que j'ai du mal à respirer.

Quand le médecin légiste ouvre la porte devant moi, le parfum devient plus atroce encore. Pourtant, je ne recule pas et pénètre dans la salle d'autopsie sans manifester le moindre signe de désagrément. Je sais que j'ai pas beaucoup de temps avant que mon hôte ne me reconduise à la sortie. Il n'a pas le droit de me faire entrer ici, dans cette pièce et face à ces corps mais il croit seulement que je suis une jolie curieuse au look étrange, un peu gothique sur les bords dont le trip est de venir voir des corps en décomposition le samedi matin.

Mon accompagnateur reste sur le pas de la porte tandis que je m'engage dans la pièce. Il n'y a que deux tables au centre de la chambre mortuaire, placée sous un néon éclatant qui m'oblige à plisser les yeux. L'odeur est tellement forte que je place ma main contre mon nez et appuie de toute mes forces pour ne pas me mettre à vomir.

ANAIDÉIA | LES ROSES DE ROME T.2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant