TW : sujet sensible
CECILIA
J- 63
20h16
Bistrot La Gavroche, Paris, France
— Je te jure que c'est délicieux.
— Non, Thomas, des escargots ce n'est pas délicieux ! Hors de question que je mettes ce truc dans ma bouche.
Julia éclate de rire et attire les regards intrigués des tables autour de la nôtre. Loin des manières de Caleb qui plisse les sourcils depuis que le plat est arrivé sur la table, Julia enfourne la fourchette préparée par Thomas et avale l'escargot en une seconde. Emi l'observe, les yeux écarquillés, depuis l'autre côté de la table alors que le brun à ma droite est scandalisé qu'elle ait osée écouter les conseils du Français.
Personne ne dit rien, dans l'attente du verdict de ma sœur qui s'amuse à entretenir le suspense, à se lécher les lèvres et à faire mine de réfléchir comme le font les juges dans les émissions de cuisine. Tout le monde semble s'amuser et je suis presque vexée qu'Emilio arrive à sourire alors que je me sens terriblement fatiguée à la simple pensée de continuer de rire comme nous avons dû le faire durant notre visite du Louvres.
J'ai l'impression d'avoir fait un bond dans le temps et d'être revenu malgré moi à l'époque où nous mangions tous ensemble comme une vraie famille. J'ai bien conscience que le repas de ce soir est une tentative de la part de Cal et ma sœur de faire comme si rien n'avait vraiment changé mais les choses n'ont pas la même saveur s'il n'y a pas la main d'Alexander sur ma cuisse ou le regard perçant de Rosalia pour m'épier à l'autre bout de la salle.
— OK, c'est super bon, tranche finalement Julia.
— Je l'avais dit ! Vous crachez sur le terroir français alors que vous n'avez jamais goûté, bande d'incultes.
— Il prend ses aises le Parigot, commente Emilio avec une moue taquine qui amuse Caleb et fait se renfrogner le concerné.
J'observe la scène comme si je ne faisais pas vraiment partie du décor. Je me sens étrangère à mes propres amis, incapable de trouver ma place et de me forcer à passer un bon moment comme eux tous. Je ne veux pas oublier et je ne veux pas redevenir la femme crédule que j'ai été et si cela doit m'obliger à passer pour une vipère mal lunée, le jeu en vaut la chandelle. De toute façon, j'ai l'habitude d'inspirer la crainte aux gens.
— Vous ne connaissez rien à la vraie gastronomie, bougonne Thomas en enfournant une part de sa bouchée à la reine.
C'est amusant la manière dont ma sœur évite de croiser mon regard. Elle fait tout pour montrer à qui elle veut bien l'entendre qu'elle va bien mais refuse de se tourner vers moi, sans doute car elle sait que je lirais en elle dès le premier regard. Je le connais trop bien pour ne pas voir clair dans son manège.
Je n'ai pas d'appétit alors je joue avec mes couverts dans mon assiette et me laisse porter par le flot de conversations qui nous entourent. C'est Thomas qui a insisté pour venir dans ce bistrot, prétextant que c'est l'un des meilleurs de la ville et même si j'ignore si la nourriture est aussi bonne qu'il le dit, je dois reconnaître que le lieu a son petit charme. C'est sans doute aussi clichée que les pizzerias attrape-touristes près de la Piazza San Pietro mais j'aime assez l'idée d'enfin changer de décor, de quitter les musées et les repaires de drogues et s'autoriser le temps du soirée à croire que nous sommes des gens comme les autres.
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ANAIDÉIA | LES ROSES DE ROME T.2
Action↪ ceci est le second tome de la duologie : il est nécessaire d'avoir lu NÉMÉSIS pour comprendre ANAIDÉIA ❀ Rome, Italie Ils étaient derrière vous mais vous ne les avez pas vus. Ils vous ont tout dit et pourtant, vous n'aviez pas compris. Vous n'ave...