32 | Nemo censetur ignorae lege

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JULIA

J- 50

17h01

Cabinet McLaren & Associates, Washington, États-Unis

         

C'est la troisième fois que son assistant juridique vient nous voir pour nous assurer qu'elle va bientôt nous recevoir mais plus aucune de nous trois n'y croit vraiment. Nous sommes assises sur les fauteuils de la salle d'attente du cabinet depuis une demi-heure, avec un café froid à peine entamé dans les mains et cela fait un moment qu'observer les aller-retours des avocats dans la pièce ne m'amuse plus.

Rosalia nous a prévenu avant de partir que puisqu'elle nous attendait, elle prendrait un malin plaisir à se faire désirer. Je sais qu'elles se détestent cordialement, elle et la brune qui attend sans faire le moindre commentaire à ma gauche, mais il est évident que je ne compte pas passer ma journée à attendre qu'on daigne nous accorder un peu d'attention.

Mes prières s'exaucent quand le nom d'emprunt de Rose est soudain appelé par un énième secrétaire au bout du couloir. J'ignore combien ils sont dans cet immeuble mais vu le luxe tape-à-l'œil du cabinet, le salaire de quelques employés de plus devient futile. Nous prenons notre temps pour rassembler nos affaires et nous lever. De loin, serrées dans nos tailleurs et perchées sur nos talons aiguilles, nous nous fondons bien dans la foule. Seule Cecilia attire l'attention avec son cache-œil noir mais elle s'en satisfait sans manifester la moindre forme d'agacement et je suis surprise de la trouver aussi calme, aussi sereine.

Ce serait mentir de dire que notre conversation d'hier a tout effacé de ma rancœur mais je dois pourtant avouer que sa présence m'a fait du bien. Dans le noir de l'ascenseur, je me suis mise à paniquer à l'idée que ce n'était peut-être pas une si bonne idée de revenir ici aussi vite, sans Emilio à mes côtés et alors que mes nouvelles résolutions sont toutes récentes. J'ai eu peur des ténèbres, peur de ne pas réussir à assumer mon passé, peur de trembler quand leurs noms seraient prononcer et il n'y a qu'une personne, que je le veuille ou non, qui comprend cette appréhension aussi bien que moi.

Cette épreuve est la nôtre. Nous serons deux à la traverser et sans doute qu'il serait raisonnable de ma part de laisser nos différends de côté le temps d'un instant, pour qu'elle sache que je suis là quoi qu'il arrive. Je veux arriver à lui pardonner, je le veux vraiment. Elle a fait des erreurs terribles, n'a cessé de vouloir parler à ma place mais elle est cette autre part de moi que je ne peux pas abandonner. Je dois faire en sorte que l'amour triomphe de tout, de ma peine et de ma douleur car sinon je n'avancerai jamais. Je veux revivre avec mes deux sœurs à mes côtés, même si le combat pour y parvenir sera sans merci.

Nous traversons un dédale de couloirs avant de parvenir à la bonne porte Le secrétaire nous laisse après avoir ouvert la porte et Rose est la première à s'engouffrer dans la pièce. Je la talonne de près donc je remarque en même temps qu'elle que le bureau est désert. L'avocate que nous venons voir n'est toujours pas là et cette fois, je souffle bruyamment.

— C'est un blague de mauvais goût, commente Cece en prenant place sur l'un des fauteuils en cuir qui trône devant le large bureau en bois noir.

J'inspecte la pièce du regard. En dehors de deux fenêtres, du bureau, d'une télévision qui diffuse une chaîne d'informations en continu et d'une bibliothèque surchargée de dossier, le cabinet de notre hôte est vide, presque impersonnel. Je m'approche de son fauteuil et attrape sous les yeux de ma sœur la plaque qui annonce le nom de notre avocate, la grande et très occupée Sélènne Davis.

Cece et moi ne l'avons connu même si elle a, elle aussi, été longtemps au service des Roses de Rome. Elle est partie quelques mois avant que Rosalia viennent nous débusquer au fin fond de l'Amérique. Pourtant, ce n'est pas parce que je ne l'ai pas connu, que j'ignore qui elle est. Au fil du temps, des conversations murmurés après une soirée un peu arrosée, j'ai posé des questions et obtenu des réponses. Et hier, tandis que je me remettais du décalage horaire, pelotonnée dans mon lit devant une sitcom absurde, j'ai fait quelques recherches de plus.

ANAIDÉIA | LES ROSES DE ROME T.2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant