24 | Les mensonges de la sorcière

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HAYDEN

J- 54

19h22

Quelque part à la frontière du désert, Égypte

        

Je sais que c'est elle avant même d'apercevoir sa silhouette dans mon champ de vision. En fait, je vis avec sa présence depuis que j'ai posé un pied dans cette chambre que nous devons partager. Son parfum est sur tous les draps, sur chaque objet de la pièce, dans chaque bouffée d'air que je dois inspirer. D'un simple regard, je suis capable de deviner à quelle place elle a choisi de dormir ou le temps qu'elle a passé assise près du bureau en acajou à attendre que nous revenions.

Je n'ai rien demandé mais elle est imprimée en moi d'une manière si puissante que je ne peux rien faire pour me débarrasser de sa présence, rien qu'une seconde. Alors, bien sûr que je reconnais sa démarche sur le marbre et le bruit que fait sa respiration quand elle entre dans une pièce vide. J'ai reconnu sa voix dans le couloir. J'ai imaginé le sourire qu'elle a servi à Thomas. J'ai su ce qu'elle allait dire avant même qu'elle n'ait besoin de le prononcer. Je la connais mieux que quiconque sur Terre et c'est sans doute pour ça que je lui en veux tellement.

Elle ne sursaute pas quand elle me trouve assis au bord du lit. Elle savait qu'elle me trouverait là et que ce serait l'occasion de me faire payer le prix de mon affront. Je lui ai promis mon amour éternel et j'ai donné ma vie pour elle alors elle ne cherche pas à comprendre pourquoi je suis de ceux qu'elle a déçu. Je savais tout de son plan et je l'ai même accompagné dans la fin alors, son esprit refuse de voir comment j'ai pu me détourner d'elle.

Pour être honnête, je ne lui en veux pas vraiment. Je me trouve juste pathétique de toujours tout ramener à elle, comme si je n'étais qu'un chiot qui se trimballe à ses pieds parce qu'il n'a jamais rien su faire d'autre. Pourtant, au cours des derniers mois, j'ai eu l'impression que c'est moi qui contrôlait ma vie et je ne m'étais jamais senti aussi libre.

C'est là que j'ai compris que j'avais quitté une prison pour une autre le jour où je l'ai rencontré. Du petit enfant prisonnier des griffes de son père, j'étais devenu l'esclave de mon obsession pour une femme si belle qu'elle ne faisait que m'éblouir. Ainsi, quand mon père s'est éteint dans chambre d'hôpital et que le sourire de ma Rosy n'est devenu qu'une ombre parmi tant d'autre, j'ai su que puisque que je goûtais enfin à la liberté, je ne pourrais plus jamais être enchaîné.

Je me suis senti bien avec Nawell parce que tout était plus simple. Je n'ai pas eu à me battre pour obtenir sa considération ou son respect. Je n'ai pas été obligé de choisir la violence parce que j'ai découvert qu'il existait d'autre chemin possible que la vengeance. Sa compagnie m'a fait comprendre que l'amour n'était pas censé nous détruire de l'intérieur.

Il suffit pourtant d'un regard de sa part pour faire voler toutes mes certitudes en éclat. Ses yeux glissent sur moi durant moins d'une seconde mais c'est bien assez pour que je devine ce qui la tracasse. Elle a toujours cette aura sombre qui plane autour d'elle, comme un rappel constant que quiconque s'approche d'elle risque d'y laisser sa peau, mais il manque quelque chose à son armure pour la protéger de mes yeux qui la connaissent sur le bout des doigts.

Elle a du mal à vivre. Elle a mal de survivre. Quand on la ressent comme je la ressens, il suffit d'une minute pour le comprendre. Elle a dédié sa vie à sa vengeance pour avoir le droit de mourir ensuite. C'est une promesse qu'elle a faite à la fillette de dix ans qu'elle a été et au fond d'elle, elle souffre d'avoir dû se résoudre à continuer cette route tortueuse qu'est la vie. Son plan sans queue ni tête qui vise à faire de chacun d'entre nous des macchabés et est donc le dernier recours qu'elle a trouvé pour donner un sens à son sauvetage de la villa Spinam.

ANAIDÉIA | LES ROSES DE ROME T.2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant