35 | Le sens de la vengeance

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TW : violences sexuelles

       

JULIA

J- 47

12h05

Centre de formation du FBI, Quantico, Virginie, États-Unis

        

Rose m'a convaincu qu'il valait mieux ne pas attendre ma jumelle. Au début, je me suis dit que c'était une mauvaise idée car malgré nos querelles, j'ai besoin de Cece pour affronter le monde. Pourtant, je commence à comprendre pourquoi la brune à mes côtés a su que ce serait mieux ainsi. Cecilia en a déjà trop fait pour moi et cette étape, cette dernière étape avant ma guérison, je dois la franchir seule.

Avant même de tourner à l'angle de la rue, je sais que nous sommes au bon endroit. Ma main se met à trembler sans que je parvienne à l'en empêcher et je dois cacher mes doigts dans la poche de ma veste pour que Rose ne remarque pas à quel point j'ai peur. Nous avons franchi la clôture comme deux criminelles, avons évité les quelques gardiens qui n'ont pas été affectés au bâtiment détruit et maintenant, nous sommes là.

Je lève la tête et tombe nez à nez avec la façade du bâtiment et un nouveau frisson descend le long de ma colonne vertébrale. Cette fois, ma compagne ne rate pas le trouble qui secoue mon visage. Elle s'apprête à dire quelque chose avant que je la coupe en levant la main. Nous n'avons pas beaucoup de temps, c'est vrai, mais je n'ai pas la force de foncer tête baissée dans cette petite maison qui a entendu chacun de mes cris tant de jours durant.

Je sais bien que c'est impossible mais j'ai l'impression de le revoir à la fenêtre, son visage caché derrière le rideau jaune décoloré de l'étage. J'ai l'impression qu'il m'observe depuis son perchoir mais je suis incapable de détourner la tête. J'ai fui à l'autre bout du pays mais j'ai l'impression d'être de retour dans la peau de la jeune Julia, de cette femme qui devait venir ici toutes les semaines pour empêcher sa sœur de connaître le même sort qu'elle.

Dans mon dos, je sens le souffle de Cece qui s'écrase contre ma peau. J'entends ses rires et imagine son sourire, la manière dont elle a été capable d'aimer notre vie alors que je pensais qu'à cacher les bleus sur mes bras avant qu'elle ne le remarque. C'est injuste de lui en vouloir, oui, mais parfois je me surprends à me demander ce qu'aurait été ma vie si c'était elle qui avait dû venir ici.

Rose a eu tort. Je n'aurais pas dû revenir aussi tôt. Je ne suis pas prête à entrer dans sa maison, à revoir les meubles de son bureau et à me rappeler chaque blessure et chaque profanation de mon corps. Isolée dans mon cocon de douceur et de belles promesses, j'ai oublié à quel point ça faisait mal, à quel point ça pouvait faire mal de revoir cette façade décrépie et ce visage à l'étage qui me scrute comme si j'étais la proie de l'histoire.

Je suis tétanisée devant la petite cour de la maison. Mes jambes refusent de m'obéir alors je reste plantée là où je suis, les yeux rivés sur la fenêtre de son bureau à me rappeler un par un chaque souvenir de mes après-midi chez lui. C'est fou comme il suffit d'un lieu pour tout faire rejaillir. Je pensais avoir fait une croix sur ma colère, sur ma haine mais elle est l'amie trop proche de la douleur pour que l'une vienne sans l'autre.

Rosalia fait un pas dans la maison pour s'assurer que l'ordre d'évacuation de la zone a été respectée. Je l'observe tandis qu'elle passe le perron et s'engouffre dans la kitchenette qui compose l'entrée de la maison de fonction. Je me rappelle sans la suivre de la couleur de la gazinière, du désordre sur la table et des photos sur le frigo que je n'ai jamais eu le temps de regarder. Je me souviens de l'escalier face à au salon, de quelle marche grince ou non, de la rampe à laquelle je m'agrippai pour retarder le moment fatidique.

ANAIDÉIA | LES ROSES DE ROME T.2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant