36 | Pris la main dans le sac

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CALEB

J- 47

15h39

Quelque part à la frontière du désert, Égypte

         

L'ambiance à la villa est étrange depuis que les filles sont parties. Mes journées sont rythmées par les sieste au soleil, les taquineries d'Emilio et les regards mystérieux que Thomas m'adressent. Nous sommes dans une sorte de bulle, à ne rien faire et à repousser le moment de leur retour, à se laisser porter et à se plonger dans un déni agréable.

Les nombreuses heures passées à somnoler dans le canapé m'ont laissés le temps de bien réfléchir à la situation. Je ne suis plus aussi perdu que je l'ai été à Macao, plus vraiment vide non plus. Les choses ont bien changés depuis que Grimaldi est mort mais les retrouver m'a rappelé à quel point j'ai besoin d'eux pour avancer. J'ai cru longtemps que j'étais le seul à me battre mais c'est simplement qu'ils n'ont pas eu la même façon que moi de mener la guerre.

Le constat de notre bonne humeur est encore plus flagrant quand je tourne la tête vers Emilio qui, avec l'aide de Thomas, tente de préparer un gâteau au chocolat dans la cuisine. Il a passé trop de temps sans sourire et maintenant qu'il retrouve sa bonne humeur contagieuse, je me sens mieux, plus confiant quant à l'avenir et notre mort prochaine.

L'idée de notre assassinat m'a d'abord répulsé parce que Rose nous l'a imposé comme la solution miracle pour nous faire oublier son projet funèbre sur l'île de son père. Puis, j'ai eu peur des conséquences. Nous étions tous déjà si loin des autres en tant que vivants que la mort, si terrible et si tranchante, n'allait faire que nous séparer un peu plus.

Cette crainte est toujours ancré quelque part en moi mais j'ai enfin fini par comprendre le sens qu'elle voulait donner à ça. Ce projet est une forme de concession aux yeux de Rose. Elle accepte de rester en vie pour nous mais elle nous demande de la suivre dans l'ombre, de l'épauler dans cette vie qui ne fait que démarrer. Emilio et moi sont devenus ses alliés quand nous avons signé ce contrat à Rome, des amis quand nous avons accepté de marquer notre corps de son blason mais c'est en l'autorisant à nous tuer que nous sommes devenus des Roses de Rome.

Demain, quand nous serons oubliés du monde et que deux tombes porteront nos noms, nous deviendrons invincible. La justice des Hommes ne pourra plus rien pour nous car nous ne serons plus vraiment humains. Nous serons des voleurs insaisissables, les parfaits criminels que Donato n'a pas réussi à faire de nous.

En réfléchissant dans le silence de ma chambre, je me suis rendu compte que j'avais hâte. La violence a toujours fait partie de ma vie, d'une manière ou d'une autre, et je veux suivre les traces de mon père, me venger de cette société qui a cru pouvoir tout me prendre. C'est à mon tour de piller ses trésors et d'appartenir à une famille, une vraie famille comme je n'en ai jamais eu.

Je sais que je m'attache trop vite et trop fort mais je ne me suis jamais senti aussi bien qu'ici, dans cette bande complètement déjantée qui se moque de la noirceur qui brûle en moi, qui m'accepte avec mes défauts et mes cicatrices. Personne dans cette maison n'a jamais essayé de me faire oublier qui je suis, qui je peux aimer et qui je peux haïr. C'est dans ce foyer qu'on m'a donné la chance de venger mon père et celle de comprendre qu'il n'est pas mort en vain si je perpétue son héritage.

Ils lui en ont tous voulus, Julia, Cece, Emilio et même Hayden mais ils sont tous restés, comme moi. Quand l'un d'entre nous fait un grand discours sur les dangers de la vengeance, sur la souffrance de la colère qu'on porte en nous à bout de bras, c'est facile d'oublier qu'aucun d'entre eux n'est parti. Nous restons parce que nous ne connaissons que ça, nous n'aimons que ça, le crime et le sentiment grisant d'être au-dessus des lois.

ANAIDÉIA | LES ROSES DE ROME T.2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant