HAYDEN
J- 57
16h05
Hôtel Hermitage, Monaco, France
C'est la première fois depuis plusieurs mois que je ris aux éclats.
Depuis que nous avons quitté le bateau et les escapades côtières déplaisantes, je me sens libéré d'un poids. J'ai appris hier que ce n'est pas parce que j'honore encore sa mémoire que je ne lui en veux pas. J'étais tiraillé entre mon devoir et ma déception mais j'ai enfin compris que je pouvais ressentir les deux. Je me sens comme en paix avec moi-même désormais, libéré d'une culpabilité qui n'était pas la mienne.
Alors, quand j'avise une nouvelle fois le visage déconfit de Nawell et les miettes de gâteau qui recouvre sa robe pourpre, j'éclate de rire sans parvenir à m'en empêcher. C'est méchant de ma part de lui avoir fait croire que c'était une tradition londonienne de manger sa part de gâteau en une seule bouchée, sous peine de vivre cinq ans de malheur, mais je ne pouvais pas prévoir qu'elle tomberait dans le piège sans hésiter.
— Arrête de rire, bon sang !
Elle tamponne une serviette en brocard contre sa bouche mais son air contrarié ne m'empêche pas de ricaner dans mon coin, au contraire. Je vois bien que derrière son regard désapprobateur se cache un sourire resplendissant. Si cela ne tenait qu'à elle, s'il n'y avait pas le serveur désolé qui se tient à quelques pas de nous avec une farandole d'autres pâtisseries, je sais qu'elle serait aussi hilare que moi en cet instant.
— Je vais me nettoyer et quand je reviens, je veux que tu es choisi ce satané parfum une bonne fois pour toute.
J'ai à peine le temps d'hocher la tête que ma fiancée est déjà debout et marche d'un pas énergique en direction de notre chambre. Heureusement pour moi, le restaurant de l'hôtel n'est pas densément peuplé à cette heure de l'après-midi donc « l'humiliation » que je viens de lui faire subir n'est pas si grave que ça et je n'aurais pas à subir sa colère face à mon mépris des apparences. Je me redresse dans ma chaise, sans cesser de sourire, et avale en une cuillère la dernière bouchée de mon cheesecake.
Si j'avais su que choisir son gâteau de mariage serait aussi amusant, je n'aurais pas repoussé la tâche aussi longtemps. En plus de déguster les desserts du meilleur pâtissier de toute la côte monégasque, je peux profiter de la bonne humeur de ma compagne pour m'amuser à ses dépens. J'adresse un signe poli au serveur qui s'empresse de débarrasser mon assiette pour aussitôt me servir une nouvelle part d'un énième gâteau.
— Celui-ci est à l'amande et aux noisettes torréfiées.
J'opine distraitement et plante ma fourchette dans la couche de mousse qui surplombe le dessert. Je déguste ma bouché en silence, distrait par les allées et venues des touristes dans le hall de l'hôtel, à quelques mètres de ma table. Je me perds dans le ballet des pieds qui foulent le marbre et dans celui des langues étrangères qui s'interpellent pour un oui ou pour non. C'est fascinant de penser que chacun d'entre nous mène sa propre vie, que nous sommes tous à notre façon les personnages principaux d'une histoire dont on ne peut connaître la fin.
— Est-il à votre goût ?
Le garçon qui se tient stoïque à ma droite me sort de mes pensées brusquement. Je tourne la tête vers lui et le scrute en tentant de saisir le sens de sa question. C'est vrai que je suis censé arrêté mon choix sur un parfum bien précis avant que ma fiancée ne revienne et s'offusque de mon manque de sérieux. Je tente d'adresser un léger sourire à mon interlocuteur mais il est bien trop professionnel pour me le rendre. Je ne sais pas ce qu'il m'arrive en ce moment mais je ne me reconnais plus. Je souris à qui veut bien l'entendre et je donne même dans l'humour et ça, ça ne ressemble pas à l'homme que je suis habituellement.
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ANAIDÉIA | LES ROSES DE ROME T.2
Action↪ ceci est le second tome de la duologie : il est nécessaire d'avoir lu NÉMÉSIS pour comprendre ANAIDÉIA ❀ Rome, Italie Ils étaient derrière vous mais vous ne les avez pas vus. Ils vous ont tout dit et pourtant, vous n'aviez pas compris. Vous n'ave...