40 | Le lionceau sort les griffes

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J- 55

20h05

Villa Grimaldi, Agrigente, Italie

        

La Cosa Nostra avait perdu de sa splendeur depuis le décès de Donato Grimaldi.

Son nom ne faisait plus trembler les consciences et son influence n'était plus celle d'autrefois. La mafia la plus dangereuse d'Italie n'était plus, ou en tout cas, elle n'était plus aussi puissante que voulait le croire Arturo Armanente.

Depuis son ascension sur le trône de la Sicile, le jeune lionceau avait essuyé plus d'une demi-douzaine de tentative de renversement. Il avait planté ses griffes dans le cœur du pouvoir et il refusait de s'en séparer alors, il avait combattu ses ennemis de la manière la plus lâche qui soit : par l'argent. Il avait ruiné ses adversaires à coup de placement frauduleux, de pots de vins indigestes et de coups bas effroyables.

Pourtant, les Roses de Rome lui échappaient toujours et désormais, il était ruiné. Les assurances Grimaldi ne rapportaient pas assez pour couvrir ses dépenses et le train de vie qu'il menait.

Arturo n'avait voulu renoncer à aucun de ses plaisirs que s'offrait son prédécesseur. Perché en haut de la colline, calfeutré derrière les rideaux de la maison du lion, il avait fait régner son empire, avait profité des femmes et du vin que la fortune pouvait acheter. Pourtant, dans sa vantardise, il avait oublié que la première étape devait toujours être de se faire craindre du monde. C'était à cause de lui que la Cosa Nostra perdait de sa superbe de jour en jour car plus personne n'ignorait désormais que le nouveau parrain de la plus séculaire des institutions n'était qu'un fêtard incapable de venger la mort de son mentor, un couard qui tremblait à la simple mention du nom de sa rivale romaine.

En trois mois, Armanente avait accompli ce que Roberto Spinam avait passé sa vie à attendre, à savoir ruiner la Cosa Nostra de ses ressources et de sa réputation. Le monde des affaires était cruel et quelques semaines avaient suffi pour que se propage la rumeur de ce que l'empire de Grimaldi était aujourd'hui.

Arturo était peut-être un roi mais son empire n'était plus.

Pourtant, ce qui tracassait véritablement le chien fou d'Agrigente, c'était l'idée que Caleb continue de le railler même à l'autre bout du monde. Chaque nouveau SMS reçu plongeait Arturo dans une rage terrible qui le mettait hors de lui. Toute la maisonnée avait appris à se faire discrète quand le téléphone de leur chef vibrait sur la table en pin de la grande salle manger.

Les meilleurs conseillers de la famille, les hommes fidèles à Donato avaient tous finis par partir, ruinés ou simplement agacés de devoir rendre des comptes à un incapable. Ne restait aux côtés du roi fou qu'une poignée d'hypocrites, de mercenaires achetés par des billets jetés à travers les fenêtres, des hommes capables de mener une bataille mais incapables de gagner une guerre.

Jusqu'ici un certain équilibre régnait encore dans l'organisation mais le point de rupture se rapprochait de plus en plus, les caisses continuaient de se vider et personne ne savait que faire pour redorer le blason de leur maison.

Dans la mêlée d'imbéciles qui l'entourait, un homme, pourtant, proposa une solution pour continuer à profiter de cette vie à la cour d'un homme trop dépensier pour se rendre compte qu'ils ne restaient près de lui que pour lui soutirer un chèque de plus.

Arturo trouvait le pouvoir trop grisant pour se rendre compte qu'il n'en détenait pas vraiment.

Donato Grimaldi avait bâti sa réputation avec l'aide de sa société d'assurance d'œuvres d'art. À la force de son nom, il s'était hissé dans les sphères les plus légales de la bonne société pour devenir plus puissant encore. Les maisons et les musées qu'ils assuraient étaient plus riches que tout ce qu'on pouvait imaginer alors ils ne seraient pas bien regardant si le prix des contrats augmentait soudain.

Arturo avait trouvé l'idée brillante. Il n'avait pas attendu une seconde pour saisir l'avocat de la Cosa Nostra, un simple assistant sous le règne précédent et, quelques jours plus tard, les plus grands musées et les plus influentes famille recevaient un contrat tout neuf qui triplait presque le prix des indemnités d'assurance.

Le lionceau n'avait rien d'un homme d'affaire. Donato, s'il avait accepté de le former comme il avait pris soin d'éduquer Caleb à son image, aurait remarqué qu'il n'avait pas l'étoffe d'un tel rôle. N'importe quel homme de la Cosa Nostra aurait fait un meilleur parrain que ce junkie aliéné par la colère et gangréné par la jalousie.

À la place d'un sauveur, Arturo Armanente venait de devenir un traître à sa propre institution.

Dans les contrats qu'ils n'avaient pas pris le temps de lire, pour justifier l'augmentation des tarifs, son avocat peu regardant sur les causes et les conséquences d'un tel acte, avaient inscrit une clause terrible, une clause que Grimaldi aurait su fatale pour son empire.

Lorsque La Madonne aux Fuseaux avait été dérobée de la galerie Borghèse, Grimaldi et ses consigliere avaient fait jouer tous les points de détail des contrats pour ne pas avoir à rembourser l'œuvre dans sa totalité. Arturo n'avait pas été si regardant sur la loi. Désormais, si une œuvre protégée par les assurances Grimaldi était dérobée, elle serait intégralement couverte, peu importe son prix ou sa valeur sur le marché.

L'argent avait alors coulé à flot, les entreprises et les particuliers sautant sur une telle négligence, sur une telle proposition pour protéger des œuvres à plusieurs centaines de millions de dollars. Arturo avait été l'homme le plus heureux du monde en constatant qu'il avait été capable de gérer le problème et, sa victoire lui donna l'envie d'aller régler son compte à Caleb Cavanna, l'homme qui lui avait tout volé.

Cette fois, ce fut lui qui eut l'idée de tendre un piège à son adversaire. Caleb avait dit être à Paris, lui avait même envoyé des photos de lui devant la Tour Eiffel alors il irait à Paris. Il organiserait la soirée la plus somptueuse qui soit à l'aide de ses relations aux Louvres, afin de fêter la signature de son nouveau contrat avec le monument français. Il savait que ce qui restait des Roses de Rome ne pourrait pas résister à l'envie de venir.

Quand il avait remarqué une intrusion sur le site qui enregistrait la liste des invités et qu'il avait vu, en temps réel, le pirate transformer le prénom de philanthropes suédois par le noms d'Emilio Trovato, de Caleb Cavanna et d'une femme au diminutif saugrenu, il avait éclaté de rire en se rappelant leur tête déconfite lors de l'enterrement de leur amie.

La seule chose qu'il avait encore négligé, c'est qu'avant d'être ses adversaires, les Roses de Rome regroupaient surtout les meilleurs voleurs d'art de la décennie.

                        

                                                       

ANAIDÉIA | LES ROSES DE ROME T.2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant