30 | À dans une prochaine vie

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ALEXANDER

J- 52

17h02

Aéroport du Caire, Égypte

       

Je remonte mon foulard sur mon nez pour éviter de respirer les grains de sables qui fendent l'air. Nous avons laissé le gros cylindré à l'entrée de la ville pour passer inaperçus mais le choix d'un pick-up est plus que discutable. Une tempête s'est levée il y a près d'une heure et désormais nous devons supporter les rafales d'un vent qui veut sérieusement en découdre avec nous.

Je tourne la tête vers Rosalia qui conduit la voiture sans paraître être incommodée par la météo. Ses lunettes de soleil sont remontées sur ses yeux tandis que la voiture avale les kilomètres sur l'asphalte encombré. À l'arrière, l'ambiance n'est pas plus joviale. Cece et Julia sont assises le plus loin possible l'une de l'autre et ont chacune la tête tournée vers l'extérieur. Leurs cheveux blonds volent autour de leur tête mais elles ne font pas le moindre geste pour les dégager de leur visage, comme si elles craignaient qu'un mouvement les oblige à se regarder.

J'espère que ce voyage sur la terre de leurs racines saura les réconcilier. Elles ont vécu tellement d'horreurs ensemble que j'espère qu'elles accepteront de se souvenir qu'elles ont besoin l'une de l'autre pour survivre. Elles n'ont pas le droit de s'abandonner maintenant.

Cece ne m'a toujours rien dit du différend qui les oppose. Le matin où je lui ai apporté le déjeuner dans la chambre, elle a fait comme si de rien n'était, comme si son indifférence pour moi n'avait jamais existé et j'avoue que j'ai été tellement soulagé de la retrouver que je n'ai pas cherché à comprendre. Tant qu'elle me sourit, je sais que je suis l'homme le plus chanceux du monde et ça me suffit amplement.

La foule de voitures devient de plus en plus dense à mesure que nous nous rapprochons de l'aéroport. Nous sommes à l'arrêt dans la file qui cherche à atteindre le terminal trois quand Rosalia s'autorise enfin à signifier son mécontentement. Elle soulève les lunettes de son nez et donne un soudain coup de volant à gauche pour dépasser un monospace à l'arrêt.

— Je préfère les jets privés, commente Julia tandis que Rosalia slalome entre les véhicules de l'allée.

J'attrape la poignée de sécurité pour ne pas me prendre chaque coin de la voiture dans les côtes. Rosalia ne remarque même pas que sa conduite est agressive. Elle dépasse les voitures les unes après les autres, pressée d'arriver à destination et nous frôlons tant de fois l'accident que j'hésite à fermer les yeux. Bien sûr, il a fallu que je me mette à la place du mort.

Je ne sais pas par quel miracle nous arrivons en vie aux portes du terminal. Après une dernière manœuvre dangereuse, Rose stoppe la voiture à quelques mètres de l'entrée de l'aéroport et, sans se préoccuper de savoir si nous la suivons ou non, descend sous le brouhaha des moteurs dans son dos. Je la rejoins au niveau du coffre et l'aide à sortir leurs valises. Personne n'a toujours rien dit.

Julia descend à son tour de la voiture et s'étire le dos avant de venir nous aider. Elle observe la foule autour d'elle, agacée, et chasse les moucherons qui volent autour de nous d'un geste blasé. La chaleur est insupportable malgré le vent et le soleil cogne si fort que je me doute que je vais revenir avec un coup de soleil à la maison. Rosalia et les jumelles déposent un foulard sur leurs cheveux pour ne pas attirer l'attention à l'intérieur de l'aéroport et attrapent chacune leurs affaires. Elles ne s'adressent toujours pas la parole quand elle s'engage vers la large porte automatique.

Je les suis en fermant la marche, incapable de savoir ce que je suis censé faire. J'ai leurs faux papiers dans la poche de mon short je sais que ce serait plus prudent de leur donner tout de suite mais je n'arrive pas à me résoudre à les laisser tout de suite. Comme je l'ai dit à Hayden tout à l'heure, elles sont autant en sécurité avec nous que sans mais j'ai peur de les trouver encore changées à leur retour. Quand Cece et Julia reviendront, elles seront des fantômes, elles auront dit adieu à tout ce qui les raccrochent à leurs anciennes vies et j'appréhende le fait qu'elle ne le vivent pas aussi bien que ce que Rose a prévu.

ANAIDÉIA | LES ROSES DE ROME T.2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant