07 | Aux putains de Roses de Rome

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HAYDEN

J- 58

16h29

Quelque part dans la mer Méditerranée

    

J'avais oublié à quel point je suis mauvais perdant quand il s'agit de jeu de société. Nawell distribue les cartes avec un sourire en coin que j'aimerais arracher avec une victoire écrasante mais rien n'y fait, je n'arrive pas à gagner. Le vent qui cingle nos visages m'empêche de me concentrer ou de pencher discrètement la tête pour regarder son jeu et le bruit des embruns est trop puissant pour me laisser me concentrer sur une stratégie efficace pour la contrer.

Je ne sais pas pourquoi le commandant de bord continue de faire vrombir le yacht alors que nous sommes déjà en pleine mer mais je ne peux pas nier que le paysage est magnifique. Au-delà des remous que produisent notre bateau, la mer est calme, lisse, presque irréelle tant ses vagues bleutées sont belles. J'ignore depuis combien de temps nous avons quitter Monaco et les côtes françaises mais l'air pur qui me fouette les cheveux est revigorant.

— Tu comptes jouer ou je peux déjà dire que j'ai gagné ?

Le ton mi-énervé mi-amusé de ma rivale me fait sourire malgré moi. Depuis que nous avons conclus une forme de paix entre nous, je découvre une femme enjouée et amusante qui fait de son mieux pour me montrer que notre futur n'est pas aussi sombre que prévu. Je ne peux pas dire que je suis totalement à l'aise en sa présence mais ce serait mentir de dire que sa compagnie est déplaisante.

— J'arrête de jouer, je n'en peux plus.

Elle éclate de rire avant de rafler les cartes sur la table en marbre blanc, une moue sournoise sur les lèvres. J'abandonne mon jeu et me recule dans les canapés jusqu'à m'enfoncer dans les coussins moelleux. Le capitaine choisit le moment où je ferme les yeux pour arrêter sa progression sur l'eau et faire taire tous les bruits parasites.

Je devrais remercier mon père d'avoir dépensé des millions dans ce yacht hors de prix quand je remarque le confort dont il a tenu à installer dans chaque recoin de cette maison sur l'eau. Je n'ai qu'à faire trois pas pour qu'une ribambelle de chambres s'offrent à moi, qu'à appeler un membre de l'équipage pour manger le meilleur homard de ma vie ou à tourner la tête pour contempler la mer aussi longtemps que je le souhaite alors ce serait mentir que je n'apprécie pas au moins un peu l'héritage qu'il me laisse derrière lui.

Quand je fais finalement l'effort de rouvrir les yeux, je remarque que Nawell a depuis longtemps rangé les cartes et profite du soleil pour tenter de se préserver des rafales de vents qui s'écrasent sur nous sans relâche. Je décide de ne pas la déranger, de la laisser savourer sa victoire frauduleuse en paix et fais le choix de m'aventurer à l'intérieur du yacht en quête du poste de pilotage. Je traverse le vaste salon aux canapés de velours, zigzague entre les tables basses en marbres et les statues trop tape à l'œil mais plus j'avance, plus j'ai l'impression de me perdre.

Au bout de cinq minutes à avoir eu l'impression de tourner en rond dans le couloir, je trouve finalement la porte de la capitainerie et la pousse, soulagé d'avoir atteint l'endroit sans que personne ne remarque l'air hébété que j'affichais durant ma difficile quête. Le skippeur, un homme dans la cinquantaine aux cheveux grisonnants, se tourne vers moi et m'adresse un regard intrigué qui fait passer son salut enjoué pour une marque de malaise.

— Tout va comme vous le voulez ?

Il hoche la tête et me répond un « oui, Monsieur » très professionnel avant de jeter un coup d'œil au radar bien calme sur son poste de pilotage. Je le soupçonne de faire semblant de toucher à ses petits boutons pour éviter d'avoir à croiser mon regard mais je peux bien lui accorder ce répit sachant que ma vie dépend de sa bonne volonté à ne pas nous faire couler.

ANAIDÉIA | LES ROSES DE ROME T.2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant