08 | L'initiation par les ronces

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JULIA

J- 72

23h39

Divino Club, Macao, Chine

   

J'ai l'impression d'avoir tout perdu.

C'est comme si chaque aspect de ma vie avait décidé d'échapper à tout contrôle. Peu importe que je fasse de mon mieux pour rester debout, la vie ne cesse de me rappeler à quel point elle sait se montrer cruelle. Je n'en peux plus de chercher à décoder les regards insistants d'Emilio et je ne supporte pas de voir ma sœur se perdre dans une férocité qui ne lui ressemble pas. Même Caleb, de loin le plus normal de notre groupe, s'est transformé en fantôme au yeux sinistres depuis que nous avons laissé l'Italie derrière nous.

Le brouhaha qui me percute de plein fouet quand la porte des toilettes s'ouvre me tire de mes pensées morbides malgré moi. Esseulée entre une vasque à l'hygiène douteuse et la porte derrière laquelle se terre Thomas, je me sens mal à l'aise dans mes vêtements, comme si je n'avais rien à faire ici. La musique qui passe dans les enceintes du club me transpercent les tympans à chaque fois qu'un inconnu pousse la porte et finit par rebrousser chemin devant mon air menaçant. La boîte de nuit la plus branchée de Macao est blindé ce soir et si ce trou du cul de petit nouveau ne se bouge pas le cul, je l'abandonne à son sort et le laisse se débrouiller avec les clients aux envies pressées.

Pourtant, cette fois, ce n'est pas un énième gars louche ou un couple mal assortis d'ivrognes sans vêtements mais Caleb qui s'avance vers moi, les yeux brillants à cause du verre qu'il tient dans la main. Il fait de son mieux pour ne pas tituber tandis qu'il me rejoint devant le miroir rempli de tags vulgaires mais je devine à son sourire naïf qu'il est complètement alcoolisé. Je ne peux pas lui en vouloir : après tout ce que nous avons vécu, il mérite bien de se retrouver loin de ses problèmes le temps d'une heure ou deux. Tant qu'il ne me vomit pas dessus, je peux gérer.

— Bon, on commence quand ? Je m'ennuie, Juliaaaaaaa.

La manière dont il prononce mon nom m'arrache un sourire spontané. Je l'aide à se caler contre le meuble sans aucun doute infesté de toutes les pires maladies du monde pour l'empêcher de s'écrouler sur le sol et lui arrache son verre des mains. J'engloutis d'une traite le reste de sa vodka pomme et grimace quand l'alcool se met à me brûler la gorge. J'écrase le verre sur la vasque et fais volte-face pour planter mes yeux dans ceux de mon alcoolique d'ami.

—Demande à ça ton pote. Ça fait dix minutes qu'il s'est enfermé dans les toilettes et j'ai peur qu'il soit tombé dans le trou.

Caleb explose de rire comme si j'avais sorti la blague de l'année. Il rit encore quand je perds patience et me mets à tambouriner à la porte qui protège le petit nouveau de mon impatience de plus en plus enragée. Je frappe des deux poings, faisant de mon mieux pour créer un raffut monstre qui obligera Thomas à sortir de sa cachette. Je sais que j'ai l'air d'une folle furieuse mais tant que Caleb couvre mes coups de ses rires, je me dis que je suis la moins ridicule de nous deux.

La taupe finit par sortir de sa tanière après trente secondes d'acharnement de ma part. Il ouvre la porte de sa cabine d'un geste brusque et me dévisage d'un regard noir tandis qu'il se dirige droit vers le lavabo.

— Petit merdeux, soufflé-je devant son profond mépris.

Il aperçoit rapidement Caleb, à demi couché contre le miroir, et se tourne vers moi avec un rictus qui se veut moqueur mais je n'ai rien raté du long examen qu'il a fait de mon ami avant d'oser m'adresser la parole.

— C'est toujours comme ça ? C'est très classe pour les grandes Roses de Rome, cingle-t-il avec un ton qui se veut mordant.

Je lui offre une révérence appuyée de mon sourire le plus faux.

ANAIDÉIA | LES ROSES DE ROME T.2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant