Chapitre 2

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Si Chelsea avait dût décrire sa vie en un seul mot, cela aurait été « horloge ». Chaque étape de ses journées était tel un rouage d'une montre, parfaitement huilé, s'emboitant avec d'autres rouages tout aussi lustrés, sans le moindre grain de sable, sans le moindre contretemps, sans le moindre fait inattendu.

Et cela lui convenait parfaitement.

Ce matin, comme tous les autres matins de la semaine, elle se leva à huit heure précise, fit couler un bain chaud dans lequel elle se prélassa une bonne heure, mit tout autant de temps pour choisir une robe dans sa grande armoire surchargée, se maquiller et se coiffer avant de descendre à la salle à manger pour prendre un frugal petit déjeuner composé de quelques fruits.

Tandis qu'elle croquait à pleine dents dans une pomme, une femme entra dans la pièce, un plateau chargé d'une tasse de thé fumante et d'une théière en porcelaine dans les mains.

- Bonjour, Mademoiselle. Salua-t-elle en apercevant la jeune fille attablée.

- Bonjour, Alma.

La domestique déposa la tasse et la théière devant elle.

- Faites attention, votre thé est brûlant. L'avertit-elle.

- Merci.

Chelsea souffla sur son thé pour le refroidir, sous l'œil vigilant de sa domestique, dame de compagnie et seconde maman.

Alma tenait ses trois rôles particulièrement à cœur. A quinze ans, cette métisse aux grands yeux noirs en amende et aux courbes généreuses était entrée au service des parents de Chelsea, Alexander et Elisabeth Russell. Ils avaient été pris de compassion pour elle, orpheline et sans abri, et avaient tout de suite apprécié sa discrétion, son organisation, son goût pour le travail bien fait et l'affection qu'elle portait aux trois enfants du couple. Lorsqu'Elisabeth était encore vivante, Alma tenait surtout le rôle de gouvernante auprès d'eux, les emmenant jouer dans le parc et sur les rives du lac Michigan.

Mais quand Elisabeth mourut dans un tragique accident, laissant derrière elle un mari éploré et des enfants privé de son amour maternel, Alma avait soutenu Alexander durant cette épreuve et prit en charge l'éducation des enfants, le ménage, les courses et la cuisine. Dix-sept ans plus tard, elle était toujours là, fidèle au poste, couvant les trois enfants d'une attention particulière et bienveillante, comme une louve protégeant sa portée. Chelsea, étant la dernière des trois enfants Russell à habiter encote à la maison parentale, était à présent la seule à bénéficier de cet amour inconditionnel.

Mais plus pour longtemps...Dans moins d'une année, elle allait également prendre son envol, quitter le cocon familial pour celle de son mari, avoir ses propres enfants et quitter le giron protecteur d'Alma.

- Madame Sullivan a téléphoné. L'informa Alma. Elle souhaite vous voir pour discuter du lieu de la cérémonie.

- Très bien. Approuva Chelsea. A-t-elle précisé l'heure de sa venue ?

- Oui. Elle va passer à quatorze heures.

- Parfait. Tu veilleras à ce que la maison soit ordonnée et qu'une collation soit préparée pour l'accueillir dans les meilleures dispositions.

- Bien sûr, Mademoiselle. Opina Alma.

Chelsea savait que la domestique allait s'assurer que tout soit parfait pour la visite de madame Sullivan mais elle comptait garder un œil sur les préparatifs du rendez-vous, plus stressée qu'elle ne voulait bien l'admettre. Madame Sullivan était une femme qu'il ne valait mieux pas contrarier... Surtout quand cette même femme allait bientôt devenir la belle-mère de Chelsea.

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