Chelsea se leva de bonne heure pour téléphoner à son père. Elle aurait préféré ne pas le faire, sachant exactement quel discours elle allait devoir écouter avant de recevoir une réponse. Alma lui demanderait de rentrer immédiatement pour qu'elle lui prépare un bon petit-déjeuner et son père la menacerait sans doute de la rejoindre par le premier train pour tuer le salopard qui avait osé tuer sa fille cadette.
Alma décrocha dès la première sonnerie, comme si elle avait attendu à côté du téléphone :
- Mademoiselle ?
- Bonjour, Alma. Salua-t-elle en ressentant une agréable sensation de chaleur.
Que c'était bon que d'entendre la voix de sa deuxième maman !
- Mademoiselle ! S'écria cette dernière. Je me suis fait un sang d'encre ! Comment allez-vous ? Vous tenez le choc ? Est-ce que vous dormez et mangez assez ? Quand souhaitez-vous rentrer à la maison ?
- Alma, calme-toi. Dit Chelsea avec douceur. Je vais très bien. L'enquête avance lentement mais il y a beaucoup d'éléments à prendre en compte. Mais je me porte bien. Et toi ?
- Comment pourrais-je aller bien en vous sachant toute seule à Chicago ? Répliqua-t-elle, paniquée. Je vous en prie, Mademoiselle, revenez au plus vite ! Vous êtes en danger là-bas !
- Je ne risque rien, Alma. L'apaisa-t-elle. Peux-tu me passer père, s'il te plaît ? J'ai une question très importante à lui poser.
- Oui...
Chelsea l'entendit appeler son père et celui-ci lui répondit quelques secondes plus tard :
- Chelsea ?
- Bonjour père. Salua-t-elle. Comment te sens-tu ?
- Ça va. Grogna-t-il. Mais parle-moi de toi ! Comment tu vas ? Est-ce que l'enquête avance ? As-tu une idée de qui a tué April ?
- Malheureusement non. Mais j'ai une question à te poser.
- Laquelle ?
- Quand tu es revenu de la guerre, tu as rapporté un pistolet Mauser, n'est-ce pas ?
- Oui...Pourquoi ? L'arme du crime est un Mauser ?
- Il semblerait. Tu en as fait quoi ?
- Je l'ai jeté, pas longtemps après mon retour si je ne me trompe pas... Répondit-il d'une voix songeuse. On a été plusieurs dans mon bataillon à avoir rapporté des armes allemandes aux Etats-Unis.
- Ah. Tu sais qui en possède encore un ?
Il éclata d'un rire sans joie :
- Bien sûr que non ! C'était le genre de trophée qu'on ramassait discrètement sur le champ de bataille et qu'on montrait aux copains de dortoir à la lueur d'une lampe-torche pour se vanter. C'était mal vu, tu comprends ?
- Je comprends.
- Mais si ton suspect est un ancien soldat, tu vas avoir un sacré travail à fournir ! On était des milliers à revenir et faire un tri parmi eux va te prendre des mois, voire des années !
- Merci pour ces encouragements ! Marmonna-t-elle sombrement.
- Je regrette de ne pouvoir t'aider d'avantage. Soupira-t-il tristement.
- Je te remercie pour ton aide. L'inspecteur Daniels va être content de cette information.
- C'est un bon policier ?
Chelsea marqua un temps de réflexion.
- Oui. C'est un très bon policier. Il fait bien son travail. Il est un peu susceptible mais nous arrivons à collaborer.
- Tant mieux. Soit prudente surtout !
- Je le suis toujours.
- Rappelle-moi dès que tu as de nouvelles informations ou si tu as besoin d'aide !
- Je n'y manquerais pas.
- Et reviens-nous vite. Alma va me rendre fou à force de tourner en rond dans la maison et à hurler à chaque fois que le téléphone sonne !
Elle éclata de rire.
- Je reviendrai le plus vite possible. Je t'aime, père.
- Moi aussi je t'aime, ma puce.
Elle raccrocha le combiné et s'habilla chaudement. Elle avait l'intention de se rendre au département de police pour remettre à vive voix à l'inspecteur les informations qu'elle avait recueilli.
Elle entra dans le bureau de l'inspecteur Daniels une demi-heure plus tard et fut frappé par le désordre qu'il régnait dans la pièce. Il y avait des papiers dans les moindres recoins. L'inspecteur lui tournait le dos, assis sur sa chaise de bureau et observait avec attention un grand tableau noir fixé au mur.
Il avait écrit à la craie le nom d'April au centre, entouré des noms des suspects tels que Rita Hall, Rex Rosay, les admirateurs et les soldats. En bas, il avait noté les indices qu'il disposait comme le Mauser C96.
- Vous avancez ? Demanda-t-elle doucement.
L'inspecteur la regarda par-dessus son épaule et émit un grognement mécontent.
- Non. J'ai appelé mes hommes infiltrés et personne n'a entendu parler d'un Mauser vendu au marché noir. Je dois donc me rendre à l'évidence que l'arme provient soit d'un immigrant allemand, soit d'un soldat qui a dérobé cette arme lors de la guerre en Europe. Et je me retrouve donc avec une liste de suspects plus longue que le fleuve Saint-Laurent ! Et de votre côté ?
- Mon père a jeté son arme il y a des années. Il m'a dit que c'était le genre de trophée que lui et ses compagnons volaient sur les champs de bataille de façon très discrète. C'était mal vu.
- Autant chercher une aiguille dans une botte de foin. Soupira l'inspecteur. Ce sera trop compliqué de remonter la piste de cette arme actuellement. Je dois me concentrer sur d'autres pistes...
- Vous n'avez pas avancé du côté des admirateurs d'April ? Demanda-t-elle en déposant son manteau dans un coin de la pièce.
- Non plus. Je suis allé interroger mademoiselle Hall et elle n'a pas pût être très précise dans ces descriptions. Mais elle a pu me faire un récit détaillé des raisons pour lesquelles elle détestait votre sœur. C'est une suspecte potentielle.
- Et Rex Rosay ?
- J'aurais un mobile pour l'arrêter, s'il était au courant qu'April comptait quitter le cinéma pour s'installer en Louisiane.
- Il faut se renseigner auprès de la banque. Si April voulait acheter une maison, elle aurait retiré une grosse somme d'argent et aurait déposé un acte d'achat dans son coffre, non ?
- Quant à moi, je vais téléphoner aux bijouteries de la ville. Certains des bijoux de votre sœur ont mystérieusement disparus.
- Vous ne m'en avez pas informé ! S'écria-t-elle, des reproches plein la voix.
- Parce que je n'ai eu la certitude que ce matin. Répliqua-t-il doucement. Mes hommes ont fait l'inventaire de ses affaires et ils ont constaté qu'il manquait certains bijoux. Peut-être qu'il n'y a aucun lien, mais si ses admirateurs lui en offraient, c'est peut-être une piste.
- D'accord. S'exclama Chelsea en s'installant près du téléphone.
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Deux Soeurs
Mystery / ThrillerChelsea est une jeune fille de bonne famille dont la vie est réglée comme une horloge : Chaque détail de sa vie est pensé et le hasard n'y a pas sa place. April est l'esprit sauvage de la famille. Bohême, elle rêve de gloire et de paillettes sous le...